Obésité: des médicaments bientôt couverts par le régime public?

Le ministère de la Santé et des Services sociaux a demandé à l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) de produire un état des connaissances sur l’efficacité, l’innocuité et l’efficience des médicaments dans le traitement de l’obésité. Le but: soutenir le ministère dans sa réflexion concernant la pertinence de retirer les médicaments contre l’obésité de la liste des exclusions de la RAMQ. Après avoir analysé 16 publications et consulté plusieurs cliniciens, l’INESSS a publié son rapport de 55 pages cette semaine. Le résultat est clair: «Selon les données probantes actuelles et en fonction du médicament utilisé, la perte de poids moyenne observée avec la pharmacothérapie utilisée en combinaison avec la modification des habitudes de vie pourrait s’échelonner entre 3 et 17% de plus qu’avec la modification des habitudes de vie seule.» Les cinq médicaments considérés sont le sémaglutide, le liraglutide, l’orlistat, le naltrexone/bupropion et le tirzépatide. Les quatre premiers sont approuvés par Santé Canada pour le traitement de l’obésité. À l'heure actuelle, moins de 20% de la population canadienne a droit au remboursement de ces médicaments grâce à un régime privé d’assurance médicaments. Des freins à la pharmacothérapie Pourtant, une amélioration statistiquement significative du score de qualité de vie est observée avec tous ces médicaments (niveau de preuve scientifique modéré à élevé), sauf l’orlistat (niveau de preuve scientifique modéré) et le tirzépatide (niveau de preuve insuffisant). Le traitement doit être d’une durée minimale de 12 semaines. «Les cliniciens consultés sont tous d’avis que l’absence d’une couverture publique de la pharmacothérapie contre l’obésité prive plusieurs personnes d’un outil complémentaire important pour atteindre leur objectif et améliorer leur santé», notent les auteurs du rapport. Les médecins se tournent donc vers des stratégies pour la perte de poids, avec des résultats variables et souvent modestes. Par exemple, ils vont prescrire des médicaments actuellement remboursés (topiramate, naltrexone et bupropion séparément) ou additionner des thérapies disponibles afin de provoquer une perte de poids significative. Selon l’INESSS, un des freins les plus importants à l’usage de la pharmacothérapie pour la prise en charge de l’obésité est l’absence d’une reconnaissance de l’obésité en tant que maladie chronique par les gouvernements. De plus, les effets gastro-intestinaux, son efficacité perçue comme étant modeste, la réticence des cliniciens à la prescrire et l’adhésion incomplète des personnes au traitement à long terme sont d’autres obstacles à l’utilisation de la pharmacothérapie. Notons que de 1990 à 2013, au Québec, la prévalence de l’obésité abdominale a doublé, passant de 21% à 48% chez les femmes et de 14% à 32% chez les hommes. Reconnue comme un problème majeur de santé publique, l’obésité est un facteur de risque de plusieurs maladies chroniques, dont le diabète de type 2 et les maladies cardiovasculaires. Au-delà de l’alimentation et de l’activité physique Selon les cliniciens consultés par l’INESSS, la modification des habitudes demeure la base du traitement de l’obésité. En effet, selon eux, la pharmacothérapie contre l’obésité doit faire partie d’un ensemble d’interventions qui inclut une modification des habitudes de vie, des changements de l’alimentation, de l’activité physique et des interventions comportementales. Les cliniciens ajoutent toutefois que la tendance actuelle dans le domaine du traitement de l’obésité préconise d’aller au-delà des simples recommandations relatives à la nutrition et à l’activité physique. «Plusieurs composantes psychosociales (ex: santé mentale, difficultés financières) peuvent avoir un effet très important sur la capacité d’une personne à changer ses habitudes de vie de façon durable; l’obésité peut entraîner des difficultés sociales et financières qui nuisent à la pérennité des bonnes habitudes de vie.» À qui prescrire ces médicaments? Tous les cliniciens consultés qui interviennent auprès des adultes sont d’avis que la pharmacothérapie devrait être envisagée chez les personnes qui présentent un IMC supérieur ou égal à 35 kg/m2 avec une comorbidité associée à l’obésité, ce qui rejoint les critères de remboursement des médicaments contre l’obésité au Royaume-Uni. En plus de ce pays, notons que l’Australie rembourse aussi des médicaments contre l’obésité. De plus, ces cliniciens avancent que la pharmacothérapie pourrait être utile aux personnes qui doivent perdre un peu de poids afin d’être admissibles à une intervention chirurgicale, notamment la chirurgie bariatrique, la greffe d’organe ou la chirurgie orthopédique, ainsi que chez ceux dont les mesures non pharmacologiques n’ont pas fonctionné. Les médicaments pourraient également être prescrits aux patients qui ont repris du poids après une chirurgie bariatrique, surtout associée à la gastrectomie pariétale. Précisons qu’aucune donnée à long terme n’a été repérée dans la littérature concernant l’efficacité et l’innocuité des médicaments contre l’obésité. L’INESSS conclut qu'il devra évaluer globalement la valeur de ces médicaments afin de déterminer si ceux-ci devraient être remboursés par le régime public d’assurance médicaments.

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