Nous sommes en première ligne, pas à l’accueil

Chaque jour, nous sommes confrontés à de nombreuses idées fausses, dont beaucoup sont profondément ancrées dans notre culture, ce qui les rend difficiles à éradiquer. Nous, médecins de famille, pouvons être en partie responsables de cette situation, et donc de l’érosion de notre propre profession ainsi que de notre amour-propre, que nous en soyons conscients ou non. La réticence des médecins de famille à dire non à des demandes déraisonnables a donné l’impression que nous ne refusons jamais aucune demande d’un patient. Cette impression a évolué au point que certaines personnes pensent que les médecins de famille ne peuvent pas dire non sans s’exposer à des conséquences juridiques ou disciplinaires. Les menaces sont l’un des moyens de communication les plus déplorables. Malheureusement, elles sont devenues trop courantes de nos jours. Certaines personnes sont comme le sucre: leur présence peut rendre notre vie plus douce, mais elle nuit à notre santé. Il est donc préférable de les tenir à l'écart. Un jour, un patient m’a demandé d’écrire une lettre pour appuyer sa plainte contre son patron, ce qui pourrait l’aider au tribunal. Il avait intenté une action en justice parce qu’il n’avait pas été promu pour la troisième fois. J’ai refusé de rédiger la lettre et lui ai conseillé de reconsidérer son action en justice. Il est devenu furieux et m’a rétorqué: «Vous devriez me soutenir dans toutes les situations, comme le faisait mon ancien médecin.» Ce dernier était parti et il avait changé de spécialité. «Il faisait tout ce que je lui demandais», ajouta-t-il. Lorsque le gouvernement a revu les conditions de travail après la COVID-19, en demandant aux employés de retourner à leur bureau, la demande de notes médicales justifiant le télétravail a augmenté. Une femme est venue me voir pour me demander une lettre légitimant son travail à domicile. Lorsque je lui ai demandé pour quelle raison médicale, elle m’a regardé avec surprise et m’a dit: «Vous n’avez pas besoin d’écrire la raison, juste une lettre de votre part pour que je puisse rester à la maison.» J’ai refusé d’appuyer sa demande sans motif médical. Elle a alors commencé à inventer des excuses, allant du bruit sur son lieu de travail à l’absence d’un bureau approprié. Je refusais toujours. Finalement, elle m’a déclaré: «Un médecin de famille doit soutenir son patient en toutes circonstances». Depuis, son comportement et celui de son père à mon égard, comme à l’égard du personnel de la clinique, sont difficiles. Lire aussi: Comment gérer les patients qui demandent des examens inutiles?Une autre personne voulait que j’invente des raisons pour que son père puisse bénéficier de crédits d’impôt. Lorsque j’ai refusé, elle m’a parlé de manière irrespectueuse: «Le premier médecin de mon père écrivait toutes ces choses. Pourquoi refusez-vous alors qu’il était meilleur et plus compréhensif que vous?».Bien des gens pensent que le médecin de famille n’est qu’un bureau d’information à qui ils peuvent demander ce qu’ils veulent, et qu’il doit s’y conformer sans discuter, même si cela va à l’encontre de la science, de la logique ou de l’éthique médicale. Un jour, j’ai indiqué à un patient qui m’avait rendu visite deux fois en un mois pour des raisons non médicales, mais qui s’inventait des motifs médicaux: «J’essaie de rester médecin et vous essayez de me faire sortir de mon rôle. Je ne vois habituellement les patients que pour des problèmes médicaux et j’espère que vous vous abstiendrez de créer des raisons non médicales pour obtenir un congé de maladie ou signer des documents qui ne s’appliquent pas à vous.» Il m’a répondu: «Vous êtes mon médecin et j’ai le droit de vous rendre visite quand je le souhaite pour une raison médicale ou non médicale.» La médecine de famille n’est plus facile, elle est devenue épuisante et fastidieuse. Et je n’ai même pas abordé l’aspect financier.Comment faire comprendre aux gens que le médecin de famille est en première ligne et non à l’accueil?Le Dr Jabir Jassam est médecin de famille à Ottawa.

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