«Nous devons intéresser les jeunes à la pratique en établissement» - Julie Racicot, présidente de l’APES

«Il y a des besoins criants de pharmaciens. Actuellement, ce n’est pas tous les patients hospitalisés qui profitent des soins pharmaceutiques à l’unité des soins ou à la clinique ambulatoire. Pourtant, ce service devrait être offert», déplore la présidente du syndicat professionnel en entrevue avec ProfessionSanté.ca. Bon an mal an, environ 20% des postes sont non pourvus, ce qui représente autour de 280 emplois. Julie Racicot estime qu’il faut davantage valoriser la pharmacie d’établissement qui est boudée par de nombreux étudiants au doctorat professionnel (Pharm. D.). «Nous devons intéresser les jeunes à la pratique en établissement», souligne-t-elle. Enseignante à la Faculté de pharmacie de l’Université Laval depuis 20 ans, elle est bien placée pour savoir pourquoi environ 80% d’entre eux choisissent la pratique en pharmacie communautaire. «Pour travailler en établissement, le parcours est plus long pour un salaire qui, au terme de l’échelon, est équivalent à l’officine. Il faut la vocation pour aller travailler dans les hôpitaux. Nous sommes de garde la nuit, c’est une pratique qui est exigeante», observe la pharmacienne. L’entente avec le gouvernement en décembre dernier - qui pérennise des mesures de rémunération jusqu’ici temporaires qui représentaient de 20 à 50% du salaire - pourrait contribuer attirer davantage d’étudiants dans les hôpitaux. De nouvelles stratégies d'attraction doivent être mises en place, poursuit Julie Racicot. «Nous travaillons avec le gouvernement à augmenter le nombre de bourses à la maîtrise en pharmacothérapie avancée et à offrir des programmes de maîtrise à des pharmaciens qui sont déjà à l’emploi», illustre-t-elle. 200 pharmaciens supplémentaires Une autre porte s’est ouverte récemment pour accueillir des pharmaciens en établissements. En effet, la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, Marguerite Blais, a annoncé que 200 pharmaciens à temps complet seront déployés dans les CHSLD publics et privés conventionnés ainsi que dans les maisons des aînés d’ici 2025 dans le cadre de la démarche OPUS-AP et PEPS. Ces pharmaciens n’auront pas besoin de compléter la maîtrise comme les autres pharmaciens en établissement. L’objectif de Québec semble audacieux, mais Julie Racicot se garde de prédire si ce chiffre sera atteint ou pas. «Il y a 400 finissants pharmaciens au Québec et le milieu des soins de longue durée va en attirer, c’est certain», dit-elle. Si l’atteinte de cette cible est incertaine, une chose l’est: la maîtrise pour les pharmaciens reste nécessaire pour ceux qui exercent à l'hôpital. «Environ 70% des ordonnances sont des médicaments injectables en réanimation, à l’urgence, aux soins intensifs et en chimiothérapie. Le doctorat de premier cycle ne forme pas pour ce type de traitement», souligne la présidente de l'APES. En CHSLD ou à l’hôpital, le milieu en établissement se doit d'offrir de bonnes conditions de travail et permettre une meilleure conciliation travail-famille pour être attractif, poursuit-elle. Comme mère de deux filles de 13 ans et 16 ans, celle-ci peut comprendre la réalité des jeunes familles. D'ici les élections provinciales du 3 octobre prochain, la pharmacienne compte demander un engagement public aux partis politiques pour améliorer la valorisation de la pratique des pharmaciens d'établissement. Durant l'été, Julie Racicot craint par ailleurs que le manque de pharmaciens s'accentue à cause des vacances. «Grâce au recours à des pharmaciens dépanneurs, nous pouvons maintenir le minimum de services en validant les ordonnances, vérifiant les prescriptions et en préparant et distribuant les médicaments. Toutefois, le pharmacien ne va pas prendre le temps d’analyser le dossier du patient, revoir sa thérapie, évaluer si on peut ajouter ou retirer des médicaments, regarder les effets indésirables». Harmoniser les pratiques En plus du manque de main-d’œuvre, l’harmonisation et l’optimisation des pratiques pharmaceutiques en milieu hospitalier retiendront l’attention de la nouvelle présidente. Pour ce faire, l’APES poursuivra la publication de ses guides de pratique après celui lancé sur les soins pharmaceutiques en 2018. Des guides de pratique seront publiés sur les quatre autres axes ciblés par le syndicat: les services, la recherche, l’enseignement et la gestion. La publication de deux guides est prévue cette année. De plus, différents outils ont été conçus dernièrement et seront mis à la disposition des chefs de département cet automne en prévision de l’arrivée sur le marché du travail des techniciens en pharmacie d’ici deux ans. «Nous avons réfléchi au rôle et aux responsabilités de ces techniciens en pharmacie. Ils vont pouvoir contribuer aux services pharmaceutiques, au circuit du médicament, à l’approvisionnement et pourront occuper certaines fonctions de gestion», souligne Julie Racicot. Par ailleurs, la nouvelle présidente veut poursuivre les travaux sur les indicateurs de performance en pharmacie qui permet de dresser un portrait complet du travail clinique des pharmaciens en établissement. Finalement, la présidente voudra faire avancer le dossier de la reconnaissance de la spécialisation par Québec, un sujet qui est discuté depuis de nombreuses années à l’APES. Qui est Julie Racicot? Diplômée de la Faculté de pharmacie de l’Université Laval en 2000, elle a travaillé à titre de pharmacienne clinicienne à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec-Université Laval, puis comme adjointe au chef du département de pharmacie. Elle est ensuite devenue cheffe du département, il y a sept ans. En parallèle, elle a occupé diverses fonctions au sein de la Faculté de pharmacie de l’Université Laval, dont celles de chargée de cours et de chargée d’enseignement pour l’élaboration du programme de doctorat professionnel. Il y a deux ans, elle a été élue vice-présidente de l’APES avant de devenir présidente le mois dernier. «J’ai eu le goût de m’investir davantage dans ma profession et redonner à celle-ci. Il allait de soi de m’impliquer à l’APES, qui a comme mission la valorisation et l’engagement de la pharmacie en établissement», explique celle qui exerce sa profession avec la même passion qu'à ses débuts. Native de l’Abitibi-Témiscamingue et mère de deux enfants, la nouvelle présidente dit être bien au fait des réalités de la pratique en région et de l’importance de la conciliation travail-famille. De plus, comme enseignante, elle connaît aussi les défis pour attirer les jeunes pharmaciens dans les établissements de santé. «Mon mandat à l’APES sera teinté de mon parcours, mes intérêts, de ma personnalité et de ma réalité», termine-t-elle.

«Nous devons intéresser les jeunes à la pratique en établissement» - Julie Racicot, présidente de l’APES

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes