Noémie S. Perkins, résidente et écrivaine: «À l'hôpital comme dans un roman, toutes les émotions sont exagérées»

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Noémie S. Perkins est une jeune femme prolifique. Alors qu’elle publie son sixième ouvrage cet été, cette étudiante montréalaise de 25 ans vient tout juste de se marier avec son amour de jeunesse et entre dans sa dernière année de résidence pour devenir médecin de famille.Si sa vie et ses livres fleurent bon l’eau de rose, son quotidien de médecin résidente a pourtant une toute autre saveur. «À l’hôpital, je suis confrontée à la maladie et à la mort, ça peut être vraiment sombre.» C’est pour s’échapper de cette réalité parfois difficile à supporter que Noémie a trouvé refuge dans l’écriture, et plus particulièrement dans la romance, qui agit comme une catharsis. «C’est un genre qui réconforte, qui remonte le moral, observe l’autrice. La règle principale de la romance, c’est que les personnages finissent ensemble. Pour moi, c’est rassurant de savoir que malgré les épreuves, tout est bien qui finit bien.»Surtout dans une période aussi incertaine que la pandémie de COVID-19 – c’est en 2020 que Noémie Perkins commence à écrire, quand d’autres faisaient leur pain ou devenaient accros au sport. «Mon premier roman était très mauvais!, reconnaît-elle en riant. Mais ça a été formateur.» Un mal pour un bien, puisque la jeune femme a déjà écrit six livres en anglais, dont l’avant-dernier, L’Infini entre nous, est paru en français au mois de juin dernier aux éditions Petit Homme.L’hôpital, une source d'inspiration infinieMais ce n’est pas parce que la future médecin de famille choisit de se réfugier dans la romance qu’elle coupe tout contact avec son domaine de prédilection. Bien au contraire. La médecine infuse dans ses ouvrages, et son quotidien de résidente à l’hôpital l’aide à construire ses intrigues. «J’aime parler de sujets difficiles comme la maladie, et voir comment mes personnages peuvent naviguer à travers», explique l'autrice, qui en fait voir de toutes les couleurs à ses protagonistes. «Mon 3e livre, Where time stand still, parle d’une jeune femme à qui on a diagnostiqué le gène de l’Alzheimer précoce. Elle est persuadée, à tort, qu’elle ne pourra jamais tomber en amour car elle développera probablement la maladie entre 45 et 60 ans. Je trouve intéressant de montrer que, malgré les problèmes de santé, tout le monde mérite sa grande histoire d’amour.» À lire aussi: Jérôme Tousignant, mettre des mots sur les mauxLes parcours de vie de ses patients sont une source intarissable d’inspiration, qu'il s'agisse de relations difficiles entre parents et enfants, ou de leçons de vie formulées par certains patients en fin de vie – même si, la romancière l’assure, elle se garde bien de tout retranscrire à l'identique, par respect. «Mon côté romance ressort clairement dans ma pratique, il m'arrive de pleurer de peine ou de joie avec mes patients!», confie Noémie Perkins.À l'hôpital, «des histoires d'amour assez rocambolesques»Ses collègues font aussi figure de muses pour la jeune romancière. Avec les horaires à rallonge, la charge émotionnelle inhérente aux métiers du soin et le perfectionnisme qui caractérise de nombreux professionnels de la santé, il peut être difficile pour ces derniers de mener une vie amoureuse «normale», observe Noémie Perkins. «On entend des histoires d’amour ou de dates assez rocambolesques, parfois drôles. Certains clichés sont vrais aussi, comme les médecins qui sont en couple avec des infirmières… Ce n’est pas pour rien que Grey’s Anatomy [une série américaine se déroulant au sein d’un hôpital de Seattle, ndlr] a fait 19 saisons!» Le microcosme que constitue le système de santé peut avoir tendance à fonctionner en vase clos, et requiert inévitablement des sacrifices sur le plan personnel, constate la jeune femme. «Que tu sois infirmière, médecin ou inhalo, que tu travailles la semaine, la nuit, la fin de semaine, tu as des horaires de fou, tu vas revenir fatigué de l'hôpital, tu vas traîner des bagages avec toi que peu de gens comprennent. Je n'ai que 25 ans, et j'ai accompagné des gens naître et mourir. Je suis un peu trop jeune pour avoir vécu tout ça.»Même si elle a dû se forger une carapace pour ne pas trop se laisser affecter par son travail, Noémie Perkins file le parfait amour depuis bientôt dix ans avec son conjoint qui travaille… dans la finance. «J’adore le fait qu’il ne fasse pas le même métier que moi!», lance la future praticienne. «Quand je reviens à la maison avec un trop-plein, je n’ai pas du tout envie de parler des cas que j’ai vus pendant la journée. Et comme on a tous les deux de gros horaires et pas mal de responsabilités, on ne se reprochera jamais d’avoir trop travaillé, car on se comprend.» «Mon empathie fait de moi une meilleure médecin»En puisant dans son empathie naturelle, l’autrice réussit à se mettre à la place de personnages qui ne lui ressemblent pas, dans des situations qu’elle n’a jamais vécues, et de prendre un pas de recul pour analyser les choses d’un point de vue différent. Ce même processus s’opère lorsque Noémie Perkins revêt son sarrau. «Je suis convaincue que cette empathie fait de moi une meilleure médecin, confie-t-elle. En général, quand un patient refuse un traitement, on n’essaie pas de comprendre pourquoi. On est très carré, on suit les recommandations. Mais l’écriture m'apprend à être plus à l’écoute.»À lire aussi: Le Dr Jean-Marc Ouellet, luthier, romancier et anesthésiologisteSi la Montréalaise de 25 ans a écrit pas moins de cinq livres pendant ses études de médecine, sa résidence ne lui laisse guère de répit, et elle sait qu’elle va devoir freiner ses ardeurs littéraires. Mais le jeu en vaut la chandelle, dit-elle. «L’écriture et la médecine sont très similaires car ce sont des études de l’humain. Je vais essayer de garder l'équilibre entre les deux. Quand je serai patronne, j’aimerais travailler à temps partiel pour consacrer du temps à l’écriture.» L'étudiante l'assure, elle n'écrit pas pour l'argent mais bien par passion, et surtout, pour ces rencontres si précieuses avec son public et les leçons que celui-ci peut lui apporter. «J'écris aussi pour oublier un peu le quotidien, le système de santé chaotique au Québec…», ajoute-t-elle. Une chose est sûre cependant: Noémie Perkins fera toujours passer l’amour avant le travail. Un vrai personnage de romance.

Noémie S. Perkins, résidente et écrivaine: «À l'hôpital comme dans un roman, toutes les émotions sont exagérées»

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes