Ne jugez pas un médicament anticancéreux à son prix: le plus cher n'est pas forcément le plus efficace

Une étude portant sur le coût des médicaments oncologiques par rapport à leur efficacité a révélé que le prix pourrait être davantage lié à ce que le marché est prêt à supporter qu'à l'efficacité de chaque médicament. Les résultats ont été publiés dans JAMA Internal Medicine. «Nous n'avons pas détecté d'association significative entre les prix des médicaments anticancéreux et l'ampleur des bénéfices pour aucun des critères (que nous avons étudiés)», ont écrit les auteurs. Selon l'étude, les États-Unis obtiennent de moins bons résultats en matière de cancer que d'autres pays à revenu élevé, mais le coût des soins anticancéreux y est aussi le plus élevé de la planète. Pourtant, ces dernières années, le nombre de nouvelles thérapies anticancéreuses a fait un bond et, parallèlement, l'intérêt s'est accru pour une tarification basée sur la valeur. «Il n'est pas clair si la proposition de valeur a changé: les médicaments anticancéreux ont-ils commencé à s'appuyer sur l'amélioration des bénéfices et la diminution de l'utilisation des critères d’évaluation pour justifier la montée en flèche des coûts?», indique l'étude. L'objectif des chercheurs était de décrire ces tendances relatives à l'efficacité et au coût en analysant toutes les approbations de médicaments anticancéreux par la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis au cours des dernières années. Une analyse rétrospective et transversale de tous les médicaments anticancéreux approuvés par la FDA du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2020 a été réalisée. Les prix ont été arrondis au millier de dollars américains le plus proche. Les chercheurs ont utilisé des paramètres précédemment établis pour déterminer l'activité ou l'efficacité de chaque médicament, ainsi que le coût par année ou par cours de traitement. L'étude a pris en compte la survie sans progression (SSP), la survie globale (SG) et les taux de réponse globale (TRG) pour déterminer l'efficacité. Un total de 224 approbations de médicaments anticancéreux par la FDA, portant sur 119 médicaments individuels, a été trouvé et analysé. En tenant compte de tous les types de tumeurs, le coût annuel médian d'un traitement par un médicament oncologique était de 196 000$, les prix variant de 170 000 à 277 000$. L'étude a révélé que le coût annuel médian des médicaments approuvés sur la base de la SG était nettement inférieur à celui des médicaments approuvés sur la base de la SSP. Il s'agit d'une médiane de 185 000$ (pour 46 médicaments) et de 203 000$ (pour 71 médicaments), respectivement. Les médicaments approuvés sur la base de la SG coûtent également beaucoup moins cher que ceux approuvés sur la base du taux de réponse (TR), soit une médiane de 239 000$ (71 médicaments). «Selon l'étude, la corrélation était faible entre les prix et les critères d'approbation les plus courants», à savoir la SG, la SSP ou le TR. Dans l'ensemble, aucune différence significative n'a été observée entre le prix médian des médicaments qui ont été approuvés après des essais cliniques randomisés (191 000$) et celui des médicaments sans données d'essais cliniques randomisés (206 000$). Les chercheurs ont également noté que «dans le cadre d'une tarification basée sur la valeur, on s'attendrait à ce que les médicaments qui sont associés à des améliorations plus importantes par rapport au même critère ou à des critères objectifs améliorés (c'est-à-dire la SSP plutôt que le TRG, la SG plutôt que la SSP) coûtent plus cher. Les résultats de cette analyse suggèrent le contraire: les médicaments oncologiques approuvés sur la base de l'amélioration de la SG avaient le coût annuel médian le plus bas par rapport aux trois critères.» Les résultats ne sont pas particulièrement surprenants pour le Dr Joel Lexchin, professeur associé de médecine d'urgence à l'Université de Toronto. Il a étudié les questions de politique pharmaceutique au cours des 30 dernières années. «La répartition des preuves en ce qui concerne l'approbation des médicaments contre le cancer au Canada est largement similaire à celle rapportée dans l'étude», a-t-il déclaré. Il n'a pas participé à l'étude. Au Canada, entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2020, Santé Canada a approuvé 225 nouveaux médicaments et parmi ceux-ci, 61 étaient destinés à divers types de cancer. «Parmi ceux-ci, 9 ont été approuvés sur la base d'une augmentation de la survie globale et 52 ont été approuvés sur la base de critères de substitution tels que la survie sans progression ou le taux de réponse global. De nombreux médicaments approuvés sur la base de marqueurs de substitution s'avèrent finalement ne pas améliorer ni la survie globale ni la qualité de vie», a-t-il commenté. En 2017, une étude européenne publiée dans le British Medical Journal s'est penchée sur les médicaments anticancéreux approuvés entre 2009 et 2013 et, là encore, a fait des constatations similaires. Les chercheurs y ont constaté que 39 des 68 médicaments contre le cancer ont été approuvés sans preuve d'une amélioration de la survie ou de la qualité de vie. De plus, après au moins 3,3 ans de suivi, 33 de ces 39 médicaments n'avaient toujours pas montré d'amélioration de la survie ou de la qualité de vie. Selon le rapport annuel 2021 du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, le Canada a dépensé un peu moins de 3,95 milliards de dollars pour des médicaments anticancéreux brevetés en 2020 et le coût moyen d'un traitement de 28 jours était d'un peu plus de 13 300$. «Dans l'ensemble, les prix des médicaments brevetés sont beaucoup plus bas au Canada qu'aux États-Unis, mais il n'y a aucune raison de croire que la tendance observée aux États-Unis, selon laquelle le prix des médicaments anticancéreux est fixé en fonction de ce que le marché paiera plutôt que de leurs avantages cliniques, est différente au Canada», a précisé le Dr Lexchin. «Pour la majorité des médicaments anticancéreux que Santé Canada a approuvés, nous pourrions payer beaucoup trop cher. Il est impossible de calculer le montant exact du trop-perçu, mais il pourrait s'agir de centaines de millions de dollars ou plus», a-t-il indiqué.

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