On n'apprend pas tout en résidence: les médecins de famille en début de carrière soulignent leurs lacunes en matière de connaissances

Les médecins de famille en début de carrière au Canada ne se sentent pas pleinement préparés à à la pratique dans de nombreux domaines clés, selon une récente étude qualitative menée d'un océan à l'autre. L'étude, publiée dans BMC Medical Education, a interrogé 75 médecins de famille ayant terminé leur résidence au Canada, dont 59 qui ont participé aux groupes de discussion. L'étude s'est penchée sur les 37 activités de base du profil de formation en résidence défini par le Collège des médecins de famille du Canada (CMFC). Mais les nouvelles ne sont pas toutes mauvaises. Les médecins de famille en début de carrière ont déclaré être bien préparés à fournir des soins continus et coordonnés aux patients ayant des conditions communes et à offrir divers services à différentes populations. Ils étaient bien préparés à gérer les DME, à participer aux soins en équipe, à assurer une présence régulière pendant ou en dehors des heures de travail, et à assumer des rôles de leadership et d'enseignement. En revanche, les médecins de famille canadiens en début de carrière se disent moins bien préparés aux soins virtuels, à la gestion d'entreprise, à offrir des soins adaptés aux différentes ethnicités, à la prestation de services spécifiques dans les urgences des hôpitaux, à l'obstétrique, à prendre soin d'eux-mêmes, à l'engagement auprès des communautés locales et à faire de la recherche, a déclaré Monica Aggarwal, chercheuse principale de l'étude. En outre, les médecins de famille ont indiqué qu'ils ne se sentaient pas préparés à gérer des patients difficiles, à assumer de multiples responsabilités, à répondre aux multiples préoccupations des patients et à faire face à l'échec. «Je me souviens d'un participant qui disait que le programme de formation était une "bulle", car il exposait les résidents aux aspects positifs de la médecine familiale, mais omettait les expériences difficiles ou plus complexes de la profession», a partagé Monica Aggarwal, professeure adjointe à la Dalla Lana School of Public Health de l'Université de Toronto, dans une interview. «J'ai été surprise d'entendre des diplômés dire qu'ils n'avaient pas été suffisamment exposés à des situations délicates telles que la prise en charge de patients difficiles, le travail avec des populations complexes et la réalisation de procédures dans des situations de stress élevé. Ils ont donc du mal à gérer ces problèmes lors de l'exercice de leur profession.» Mme Aggarwal, dont les recherches portent principalement sur la prestation de services de santé et les politiques de santé du Canada, notamment en ce qui concerne les soins de santé primaires, a également affirmé qu'elle était préoccupée par le fait que les médecins de famille ne soient pas suffisamment exposés à la gestion d'entreprise. «Je pense qu'il est essentiel de répondre à ces préoccupations pour assurer le bien-être et la résilience de nos médecins de famille, en particulier face aux défis auxquels la profession est actuellement confrontée au Canada», a-t-elle souligné. À lire aussi: Le bonheur au travail passe par l'intelligence émotionnelle Besoin d'amélioration L'objectif de l'étude, précise Mme Aggarwal, était d'identifier les domaines dans lesquels les futurs médecins de famille devraient être mieux soutenus, compte tenu du déclin actuel de la prestation de services complets de soins de santé. «De nombreux facteurs influencent les décisions des médecins de famille dans leur pratique, l'un d'entre eux étant la formation médicale, poursuit la chercheuse. Cette étude visait à déterminer si les médecins de famille se sentaient préparés à une pratique autonome à l'issue de leur formation et à identifier les domaines à améliorer pour mieux soutenir les médecins de famille à l'avenir.» La Dre Stephanie Zhou, médecin généraliste et spécialiste de la toxicomanie à Toronto depuis trois ans, a déclaré qu'elle constate que ses pairs éprouvent des difficultés dans certains domaines, surtout lorsqu'il est question de «la gestion d'entreprise et la facturation, la négociation de contrats et la façon d'évaluer les possibilités de remplacement». Les aspects médico-légaux de la pratique et la façon de communiquer avec les patients lorsque l'interaction ne répond pas à leurs attentes sont également des défis à relever. La Dre Zhou, qui est également professeure adjointe à la faculté de médecine Temerty de l'Université de Toronto, où elle enseigne le programme d'éducation financière, a souligné que les participants ayant été interrogés entre septembre 2020 et mai 2021, certains des résultats ne sont pas surprenants. «Ils ont été interrogés à une époque où les soins virtuels étaient nouveaux pour plusieurs. C'était aussi une période où certains médecins ont été réaffectés vers une pratique virtuelle, rendant plus difficile pour les nouveaux diplômés de ces années-là d'acquérir des compétences en matière d'examen physique, tels que l'obstétrique et les soins d'urgence.» D'après le Dr Lawrence Loh, directeur général et chef de la direction du CMFC, l'étude renforce la nécessité d'améliorer le soutien aux médecins qui s'orientent vers l'exercice de la médecine familiale. «La complexité croissante de la médecine familiale, tant sur le plan de la gestion de la pratique que sur le plan clinique, est la raison pour laquelle nous cherchons à modifier à la fois la formation et l'environnement entourant la pratique», a-t-il ajouté, faisant référence à l'objectif du Collège d'introduire un programme de résidence de trois ans. «Beaucoup de choses pour lesquelles les médecins se sentent un peu moins bien préparés sont également des domaines de pratique qui ont émergé récemment. Comme les soins virtuels ou les soins adaptés à une culture, il faut les couvrir en formation, car nous savons qu'ils constitueront une part importante de notre pratique à l'avenir.» Il a également noté que, depuis la dernière réforme de la résidence, l'accent a été mis sur la santé mentale et la toxicomanie, la santé autochtone, les soins palliatifs, la santé numérique, les soins de fin de vie et les soins médicaux de fin de vie. Le Dr Loh estime que les programmes de résidence font du bon travail en élaborant un excellent cursus pour les nouveaux diplômés et les médecins en début de carrière. «Mais nous devons renforcer et améliorer, non pas nécessairement la pratique et les composantes cliniques, mais plutôt le soutien à la transition vers la pratique et au travail dans un environnement propre à la pratique d'aujourd'hui. Nous essayons donc de travailler, par exemple, sur les soins en équipe et sur les moyens d'alléger la charge administrative. À lire aussi : Résidents épuisés: stratégies de prévention de la fatigue pour des soins plus sécuritaires Commentaires des participants à l'étude L'étude a montré que les médecins généralistes en début de carrière étaient moins bien préparés à fournir des soins virtuels. L'un de ces médecins, cité dans l'étude, a commenté: «Je n'étais pas préparé à cela, je reçois beaucoup de personnes qui cherchent des opioïdes, des benzos, et qui demandent des ordonnances par téléphone. On ne peut pas vraiment les voir. On ne peut pas les évaluer.» Le manque de préparation à la gestion d'entreprise et à l'administration est apparu comme un thème majeur dans les groupes de discussion. Un participant a indiqué: «J'ai trouvé que l'internat ne m'a pas du tout préparé à démarrer ma propre clinique. En aucun cas. Depuis la facturation jusqu'à... en fait, rien du tout. Parce que ce à quoi j'ai été exposée pendant la résidence, même si j'ai suivi une formation qui m'a permis d'ouvrir mon cabinet, c'est toujours comme si, vous savez, en tant que résident, vous êtes souvent écarté de cet aspect, n'est-ce pas?» D'autres participants ont parlé de leur manque de préparation face à des processus administratifs qui prennent du temps, comme les formulaires d'assurance: «Les formulaires d'assurance ou les documents relatifs à l'invalidité d'un patient. J'aurais vraiment aimé, même s'il n'y avait eu qu'un seul cours magistral sur le sujet qui m'aurait permis de suivre quelques conseils, que quelque chose nous prépare à la grande majorité des dossiers que l'on nous demande de remplir au quotidien», a lancé un autre participant. L'étude recommande que, dans le cadre de l'introduction du programme de trois ans par le CMFC, les résidents soient davantage exposés à l'apprentissage dans des domaines et des contextes spécifiques. Selon l'étude, l'introduction d'un nouveau programme «peut faciliter la production d'une main-d'œuvre en médecine familiale mieux préparée à la pratique». Cependant, cela doit s'accompagner de programmes en médecine familiale et de programmes de mentorat. Mme Aggarwal a ajouté que «Les stagiaires devraient être jumelés à des enseignants qui leur fourniront une exposition longitudinale à des patients de diverses populations et de divers milieux de travail afin de les aider à développer leurs connaissances, leurs aptitudes, leurs compétences et leurs capacités. En outre, il devrait y avoir un programme de mentorat officiel qui associe les résidents à des mentors pendant et après la fin du programme afin de faciliter la transition vers la pratique autonome. Ces changements nécessitent un soutien suffisant pour les programmes de médecine familiale, le corps professoral et les mentors.» Le Dr Zhou appuie fortement les recommandations de l'étude concernant un programme de mentorat officialisé. «J'irais même plus loin en définissant certains objectifs sur lesquels le mentor devrait guider l'apprenant. Parfois, ce dernier ne sait pas de quoi il a besoin jusqu'à ce qu'il en fasse lui-même l'expérience et, dans ce cas, il est souvent trop tard - par exemple, lorsque le mentoré commence un nouveau remplacement et se rend compte qu'il ne peut pas gérer 1500 patients et plus de 150 messages dans sa boîte de réception, ou qu'il reçoit une plainte de la part d'un patient. Au lieu d'avoir un mentorat ouvert, le mentor devrait aborder certains sujets afin d'«immuniser» le mentoré contre ce qui l'attend.» Conseils aux jeunes médecins de famille Lorsqu'on lui demande si son étude portant sur les médecins en début de carrière a débouché sur des conseils à leur intention, Monica Aggarwal répond: «Planifiez ce que vous voulez faire à la fin de votre formation et associez-vous à des mentors ayant des intérêts similaires qui vous aideront à obtenir l'exposition dont vous avez besoin pour vous préparer à la pratique. Cherchez des mentors qui peuvent vous guider et vous soutenir tout au long de votre parcours professionnel, non seulement pendant votre formation, mais aussi lors de votre transition vers la pratique indépendante. Si vous souhaitez vivre une expérience très formatrice, travaillez en milieu rural et mettez-vous dans des situations inconfortables.» Enfin, Mme Aggarwal affirme qu'il est important de prendre soin de soi pour éviter l'épuisement professionnel. «Prenez le temps de vous consacrer à des activités qui vous ressourcent, adonnez-vous à des passe-temps, maintenez un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée, passez du temps avec votre famille et vos amis, et cherchez du soutien lorsque vous en avez besoin - la résilience est une compétence nécessaire pour réussir en médecine familiale, qui peut être développée et entretenue au fil du temps.»

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