Éditorial - Naissance prématurée : donnons aux parents le temps d’y réfléchir

Les experts interviewés par notre journaliste* ont tous déploré l’important problème de santé publique qu’est devenue la grande prématurité au Québec, première cause de mortalité et de morbidité périnatale.Le traitement de l’infertilité et les grossesses multiples qu’il engendre aboutissent à une naissance prématurée dans 15 à 20 % des cas. Est-ce pour compenser le manque de ressources allouées au suivi de ces bébés – dont 7 sur 8 dans le cas des survivants nés à 25 semaines souffriront de graves séquelles (paralysie cérébrale, surdité, problèmes visuels, troubles du comportement, etc.) – que le gouvernement envisage aujourd’hui de payer les frais liés au traitement de la FIV et de pouvoir limiter alors le nombre d’embryons implantés ?D’ici là, on investit pourtant beaucoup d’argent pour sauver ces bébés : « Un suivi adéquat en physiothérapie dans la première année coûterait le centième de ce qu’on a investi pour lui sauver la vie et l’amener à la sortie de l’hôpi- tal (…). Mais comme société on n’est pas prêt à mettre ça pour atténuer toutes les séquelles des interventions qu’on a posées », dénonce le Dr Pierre Marois dans notre dossier.Plus de moyens devraient indéniablement être consacrés à améliorer la qualité de vie de ces enfants souvent lourdement handicapés et à soulager les parents qui devront en assumer toute leur vie la responsabilité. De plus, en amont, une meilleure information sur les enjeux d’une naissance prématurée permettrait aux parents de donner le cas échéant un consentement réellement éclairé, incluant l’option de laisser faire la nature, ce qui n’est pas forcément le cas en situation d’urgence : « Ces parents ne sont pas toujours bien informés des options de traiter ou de laisser mourir un bébé à la limite de la viabilité (…). Des familles se retrouvent avec des enfants handicapés en pensant que la médecine n’avait pas le choix de les traiter », explique encore le Dr Marois. Or, l’information donnée lors de l’accouchement, alors que les parents sont en état de choc, est extrêmement difficile à transmettre et à comprendre, et ne laisse pas le temps aux parents de prendre calmement une décision aux conséquences extrêmement lourdes pour la vie de toute une famille.Il faudrait donc que tous les couples à qui un médecin confirme la présence d’une grossesse aient systématiquement droit dès ce moment à une information claire et simple sur la réalité de la grande prématurité et sur toutes ses conséquences possibles. Il faudrait que ce médecin réponde à leurs questions et leur explique à l’avance la déchirante décision qu’ils risquent d’avoir à prendre eux-mêmes, bien qu’encadrés, écoutés, conseillés par les médecins traitants et informés de leur choix entre un plan actif avec différents niveaux d’intervention ou des soins palliatifs. Il faudrait leur donner le temps d’y réfléchir, sans jamais surévaluer l’efficacité des traitements, ni occulter qu’à moins de 25 semaines d’aménorrhée, il est souvent impossible de prédire l’avenir de l’enfant.* Isabelle Girard pour le Dossier : « De plus en plus de grands prématurés à l'avenir incertain »

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