Mise à jour des lignes directrices canadiennes sur les antiplaquettaires

La mise à jour des lignes directrices de la Société canadienne de cardiologie et de l'Association canadienne de cardiologie interventionnelle a été publiée à la fin du mois d'octobre. Les modifications apportées aux lignes directrices sont les suivantes: ne pas recommander l'utilisation systématique de l'acide acétylsalicylique (AAS) dans le cadre de la prévention primaire; proposer une double thérapie antiplaquettaire à tous les patients après un pontage aorto-coronarien (PAC); la désescalade du traitement antiplaquettaire pour certaines populations de patients; administrer aux patients souffrant de fibrillation auriculaire un anticoagulant oral et un inhibiteur de P2Y12 (mais pas d'AAS) après une intervention coronarienne percutanée. La dernière mise à jour datait de 2018. Depuis, de nombreux essais cliniques randomisés ont fourni davantage de preuves sur la meilleure façon de prévenir les maladies cardiaques primaires et secondaires. «Nous sommes très fiers de ce document, car chaque section a fait l'objet d'un examen systématique et d'une méta-analyse des données les plus récentes pour formuler nos recommandations», a indiqué le Dr Kevin Bainey, l'auteur principal de la mise à jour, qui est professeur agrégé de médecine à l'Université de l'Alberta et cardiologue interventionnel au Mazankowski Alberta Heart Institute d'Edmonton. À lire aussi: Patients DT2: risque accru d'arrêt cardiaque soudain avec certains médicaments courants La mise à jour des lignes directrices a été réfléchie de sorte qu'elles sont faciles à utiliser. Chaque section est illustrée et le document contient un certain nombre d'outils d'aide à la décision. La mise à jour porte sur quatre thèmes principaux: 1. Utilisation de l'acide acétylsalicylique (AAS) dans la prévention primaire des maladies cardiovasculaires athérosclérotiques Les directives mondiales diffèrent dans leur approche de l'AAS pour la prévention primaire de l'athérosclérose et des maladies cardiovasculaires. Aux États-Unis, l'AAS est recommandé pour les patients de plus de 50 ans, alors qu'en Europe, il ne l'est pas. Dans cette mise à jour canadienne, l'utilisation systématique de l'AAS pour la prévention primaire des maladies cardiovasculaires athérosclérotiques n'est pas recommandée. Cela vaut pour la plupart des gens, même ceux qui sont plus âgés. Grâce à la méta-analyse et aux examens systématiques réalisés par les auteurs des lignes directrices, «nous sommes convaincus que l'aspirine n'est pas recommandée de manière systématique pour la prévention primaire», a affirmé le Dr Bainey. La mise à jour fait un clin d'œil aux résultats selon lesquels l'AAS en prévention pourrait réduire de 10% le risque d'un premier infarctus du myocarde, bien que ce bon résultat soit contrebalancé par le risque d’hémorragie. La recommandation s'accompagne d'une «déclaration de bonne pratique», selon laquelle l'AAS peut jouer un rôle dans la prévention primaire de l'athérosclérose et des maladies cardiovasculaires chez les patients présentant un risque élevé d'accident ischémique et un faible risque de saignement. Il s'agit notamment de patients diabétiques, présentant un taux de cholestérol élevé, fumeurs, hypertendus ou ayant des antécédents familiaux positifs, et qui ne présentent aucune anomalie hémorragique ou n'ont jamais eu d'accident hémorragique. Toute décision d'utiliser l'AAS en prévention primaire doit être centrée sur le patient, a souligné le Dr Bainey. La documentation complémentaire de la mise à jour contient un outil de décision que les médecins peuvent utiliser lorsqu'ils discutent de cette question avec leurs patients. 2. Durée de la bithérapie antiplaquettaire en prévention secondaire chez les patients présentant un risque hémorragique élevé Cette mise à jour comporte de nouvelles recommandations pour les patients présentant un risque hémorragique plus élevé et qui pourraient bénéficier d'une durée plus courte de la bithérapie antiplaquettaire. «Il s'agit là d'une nouveauté dans les lignes directrices canadiennes, qui nous distingue également du reste du monde», a-t-il pointé. «La norme de soins est toujours, après une crise cardiaque, une bithérapie antiplaquettaire d'une durée d'un an. Nous venons d'identifier des populations spécialisées ou des patients présentant un risque hémorragique pour lesquels il est possible de modifier ce régime», a détaillé le Dr Bainey. La mise à jour comprend un outil d'aide à la décision pour aider les médecins à évaluer le risque de saignement. Elle rappelle également aux cardiologues interventionnels de fournir aux médecins traitants des informations sur la durée de la double thérapie antiplaquettaire à administrer au patient. La désescalade de la bithérapie antiplaquettaire peut se faire en passant à une monothérapie antiplaquettaire ou en administrant une bithérapie antiplaquettaire moins puissante. Depuis la dernière mise à jour, les résultats d'essais ont fourni davantage d'informations sur la bithérapie antiplaquettaire à utiliser, chez quels patients et à quel moment. Les auteurs des lignes directrices ne font toujours pas de différence entre le ticagrelor et le prasugrel chez les patients souffrant de syndromes coronariens aigus et bénéficiant d'une intervention coronarienne percutanée (ICP), bien que l'étude SWITCH-SWEDEHEART en cours puisse apporter plus de réponses quant à l'agent le plus efficace. Pendant combien de temps faut-il utiliser un double traitement antiplaquettaire après une ICP chez les patients présentant un risque hémorragique élevé? Il existe un arbre de décision pour savoir s'il faut prolonger, suivre la norme ou désescalader le traitement antiplaquettaire après un syndrome coronarien aigu ou une ICP élective chez les patients présentant un risque élevé d'hémorragie. Contrairement à la mise à jour de 2018, la recommandation est maintenant que les patients présentant un risque hémorragique élevé reçoivent une double thérapie antiplaquettaire pendant seulement un à trois mois, au lieu de six à 12 mois après l'ICP. S'ils ne présentent pas d'autres événements hémorragiques au cours du premier mois, ils peuvent suivre un traitement d'entretien avec un seul agent antiplaquettaire. Un conseil pratique indique qu'un inhibiteur de P2Y12 devrait être envisagé plutôt que l'AAS pour ce traitement d’entretien. Les lignes directrices précisent qu'il convient d'accorder une attention particulière aux patients qui subissent une ICP complexe, telle qu'elle est définie dans les lignes directrices. Ces patients, et ceux qui ont des antécédents de thrombose sur endoprothèse, peuvent ne pas être adaptés à une double thérapie antiplaquettaire. Traitement par double antiplaquettaire avant la coronarographie Les recommandations de prétraitement pour cette population de patients dépendent de ce qui les amène au laboratoire de cathétérisme. Par exemple, un prétraitement de routine avec un inhibiteur de P2Y12 est recommandé pour les patients recevant une ICP pour un infarctus du myocarde avec élévation du segment ST. Là encore, un arbre de décision est inclus dans la mise à jour. 3. Gestion du traitement antiplaquettaire avant et après un pontage aorto-coronarien (PAC) La mise à jour recommande d'interrompre le ticagrelor deux à trois jours avant l'opération de pontage aorto-coronarien, alors qu'auparavant il fallait l'arrêter cinq à sept jours avant l'opération. La mise à jour fournit également une déclaration de bonne pratique selon laquelle le clopidogrel devrait être interrompu deux à sept jours avant l'opération. L'AAS peut être administré jusqu'à l'intervention et repris tôt après l'opération. À lire aussi: Le Wegovy réduirait de 20% le risque de problèmes cardiaques graves Certains patients ne se voient pas prescrire le traitement antiplaquettaire approprié après un pontage aorto-coronarien, a expliqué le Dr Bainey. La mise à jour recommande l'utilisation d'une double thérapie antiplaquettaire plutôt qu'une simple thérapie antiplaquettaire après un pontage aorto-coronarien, que le patient soit atteint ou non d'un syndrome coronarien aigu. Le traitement peut commencer lorsque l'équipe chirurgicale estime que le risque de saignement est acceptable. «Nous avons à nouveau passé au peigne fin la littérature pour recommander que, quel que soit le type de pontage, qu'il s'agisse d'une crise cardiaque ou d'un pontage électif, nous sommes fermement convaincus qu'une double thérapie antiplaquettaire est nécessaire pour améliorer la perméabilité du greffon de pontage.» «Il s'agit donc d'un changement important: tous les patients ayant subi un pontage doivent suivre une double thérapie antiplaquettaire», a-t-il ajouté. La recommandation du type de bithérapie antiplaquettaire (par exemple, ticagrelor, prasugrel ou clopidogrel et AAS) dépend de la présence ou non d'un syndrome coronarien aigu chez le patient. La bithérapie antiplaquettaire doit être prescrite jusqu'à un an après un pontage aorto-coronarien. 4. Traitement antiplaquettaire chez les patients atteints de fibrillation auriculaire nécessitant une anticoagulation orale après une ICP ou un syndrome coronarien aigu (SCA) pris en charge médicalement. Dans le passé, les patients atteints de fibrillation auriculaire (FA) ayant subi une ICP recevaient une anticoagulation orale et une double thérapie antiplaquettaire (appelée trithérapie) pendant au moins une courte période après l'ICP. Cette mise à jour recommande une «stratégie à double voie», c'est-à-dire un anticoagulant oral avec un inhibiteur de P2Y12, et pas d'AAS. Le clopidogrel est préférable en raison de son risque hémorragique plus faible, selon la recommandation. Un an après l'ICP ou le syndrome coronarien aigu, les patients souffrant de FA peuvent revenir un anticoagulant oral seul. Les lignes directrices ont également été présentées lors de la conférence Vascular 2023, qui s'est tenue à Montréal à la fin du mois d'octobre. Elles sont publiées dans le Journal canadien de cardiologie.

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