Mieux dépister le délirium chez les aînés à l’urgence pour mieux le prévenir

Le risque qu’une personne âgée développe un délirium lors d’un séjour à l’urgence est fréquent, mais il demeure sous-estimé. Selon deux études réalisées au Québec, ce risque s’est concrétisé pour 10% à 18% des 65 ans et plus ayant séjourné à l’urgence, mais jusqu’à 85% de ces cas n’auraient pas été détectés par les professionnels de la santé. Cette lacune peut s’expliquer grâce à des données compilées par le ministère de la Santé en 2022: seulement 34 des 99 urgences du Québec effectuent le dépistage du délirium chez les aînés, et à peine 24 d’entre elles disposent d’un protocole pour intervenir auprès de cette clientèle.Pour y remédier, l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) a développé des outils cliniques à la demande du ministère de la Santé pour «guider les pratiques de prévention, d’évaluation et de prise en charge du délirium chez les personnes âgées dans les urgences». L’Institut a également produit des ressources documentaires pour accompagner les gestionnaires et les chefs de service à implanter les meilleures pratiques en la matière.L’INESSS recommande ainsi de rechercher la présence de facteurs de risque du délirium, dès le premier contact à l’urgence, avec des personnes de 75 ans et plus ainsi que chez les 65 ans et plus présentant un profil gériatrique. Le délirium étant souvent d’origine multifactorielle, les infirmières au triage doivent notamment considérer les facteurs suivants: âge avancé, atteinte cognitive, maladie grave ou aiguë, comorbidités, fragilités (par exemple, difficultés à se mouvoir, dépendance fonctionnelle), antécédent ou présence d’accident vasculaire cérébral, déficience auditive et visuelle, polypharmacie, etc. Certains médicaments sont à haut risque de précipiter un délirium et doivent également être considérés, comme les antihistaminiques de première génération, certains antiparkinsoniens tels que la benztropine et le trihexyphenidyl, des antiémétiques tels que la prochlorperazine et la prométhazine, ou encore les benzodiazépines.Si, à l’issue de l’évaluation, le risque de délirium est avéré, l’INESSS conseille le déploiement d’interventions non pharmacologiques choisies en fonction des facteurs de risque et des besoins de la personne âgée. Cela peut consister à s’assurer qu'elle porte bien ses lunettes et ses prothèses auditives, l’encourager à bouger ou à marcher, mettre en place des conditions propices au sommeil, veiller à ce qu’elle s’alimente et s’hydrate régulièrement durant son séjour à l’urgence, adopter une communication adaptée, rappeler régulièrement le moment de la journée et le lieu où elle se trouve ou encore annoncer les soins et traitements prodigués ou à venir.S’agissant de l’approche pharmacologique en prévention du délirium, l’INESSS recommande de «ne pas administrer de médicaments en prophylaxie», tel que l’halopéridol et d’«éviter de suspendre ou de retarder l’administration de la médication usuelle de la personne». Concernant le soulagement de la douleur, l’Institut préconise de «privilégier l’acétaminophène et les mesures non pharmacologiques». Si la douleur persiste et qu’un opioïde doit être administré, l’hydromorphone ou la morphine à dose minimale doivent être priorisés. Par contre, il convient d’«éviter la codéine et la mépéridine», souligne l’outil d’aide à la prise en charge de l’Institut. Diagnostic et prise en chargeSachant que le délirium est sous-détecté chez les personnes âgées à l’urgence, notamment le délirium hypoactif puisqu’il passe souvent inaperçu, l’INESSS encourage les professionnels à se familiariser avec ses signes et symptômes: désorientation, difficulté à communiquer, manque de coopération, pensées désorganisées, perturbation de l’appétit, pour ne citer que les principaux. En cas de suspicion, il les invite à dépister le délirium à l’aide d’un outil standardisé, de préférence le test 4AT (disponible ici).Lorsqu’un diagnostic est posé, «il n’existe aucun médicament pour le traitement curatif du délirium, mais les symptômes peuvent être soulagés», rappelle l’INESSS qui souligne que «la prise en charge comprend l’identification et le traitement des causes médicales sous-jacentes ainsi que la mise en place d’interventions non pharmacologiques». Quant aux contentions physiques et aux agents pharmacologiques pour atténuer les symptômes de détresse induits par le délirium, ils doivent être «utilisés en dernier recours et de façon temporaire».L’ensemble des outils développés par l’INESSS à l’intention des professionnels de la santé et des gestionnaires peuvent être consultés et téléchargés ici. Ils comprennent entre autres un outil d’aide à la prise en charge, un aide-mémoire qui résume les meilleures pratiques, un algorithme décisionnel et un feuillet d’information pour les proches.

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