Médicaments génériques: comment renverser la baisse de production locale?

Un nouveau rapport d’EY Canada, commandé par l’Association canadienne du médicament générique (ACMG), révèle que le nombre de médicaments fabriqués au pays est passé de 1061 en 2019 à 700 en 2021. Plusieurs facteurs expliquent que les fabricants boudent de plus en plus le Canada, note l’ACMG: augmentation des coûts de la main-d’œuvre, des terrains et du transport ainsi qu’un régime règlementaire complexe. «Avec les pressions croissantes sur les prix des médicaments génériques, les fabricants ont été forcés d’optimiser leurs portefeuilles de produits, ce qui affecte la diversité des médicaments qui peuvent être produits et offerts aux Canadiens», affirme le président de l’ACMG, Jim Keon, par voie de communiqué. À lire aussi: Fabriqué ici: six solutions pour assurer notre autosuffisance en santé François-Xavier Lacasse, professeur à la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal, abonde dans le même sens. «Les critères de qualité augmentent tandis que les prix baissent. Le prix des médicaments génériques est tellement bas que maintenant les entreprises pharmaceutiques doivent quasiment faire de la vente au volume pour faire de l’argent», affirme-t-il. Ce dernier est plutôt pessimiste quant à l'avenir de la fabrication de médicaments génériques au Canada. «À moins de changer le système de remboursement, je ne vois pas comment on pourrait inverser la tendance.» Au Canada, le prix d’un médicament générique ne peut pas dépasser la moitié de celui du médicament breveté. Ensuite, ce prix diminue progressivement jusqu’à à peine 18% du prix de ce dernier. Si les prix des génériques sont peu élevés, le coût de la main-d’œuvre et des ingrédients pharmaceutiques actifs (IPA), entre autres, sont en hausse. Ainsi, plusieurs entreprises pharmaceutiques choisissent d'importer leurs produits, comme le prouvent les données du rapport. Entre 2019 et 2021, 56% des produits pharmaceutiques des entreprises membres de l’ACMG étaient des produits finis importés. De plus, presque tous les ingrédients pharmaceutiques actifs (IPA), utilisés pour fabriquer des médicaments génériques, sont importés de 45 pays du monde entier, avec plus de 60% d’entre eux provenant de l’Inde et de la Chine. Devant cette situation, le chimiste André Charrette a proposé l'an dernier d'utiliser la synthèse en continue afin de créer des IPA au pays. «Au début de la pandémie, j’entendais dire qu’il était impossible de produire des ingrédients pharmaceutiques actifs au Canada à cause des coûts. C’est faux!» disait le directeur du département de chimie de l’Université de Montréal en entrevue à Profession Santé. Une situation inquiétante La délocalisation de la fabrication des médicaments inquiète beaucoup le pharmacien Jean-François Bussières, qui estime qu'elle est en bonne partie responsable de la multiplication des pénuries de médicaments depuis une décennie. «L’approvisionnement en médicaments, c’est critique! Qu’est-ce qui arrive si un pays décide de ne plus envoyer un médicament pour le cœur au Canada? Il y a plusieurs personnes qui dépendent de ça pour leur survie et leur santé. Est-ce qu’on attend une chicane avec un pays pour agir?» lance le président du comité des pharmaciens au Centre d’acquisitions gouvernementales et chef du département de pharmacie du CHU Sainte-Justine. Selon lui, les gouvernements doivent mettre en place une stratégie nationale sur la souverainement pharmaceutique. Toutefois, il faut d’abord une meilleure communication entre les deux paliers de gouvernement. «Le fédéral est responsable de la production pharmaceutique et le provincial est responsable du remboursement. Ce sont deux paliers gouvernementaux qui ne se parlent pas tout le temps.» 7 recommandations De son côté, Jim Keon croit que l’industrie du médicament générique a besoin de soutien et d’incitatifs ainsi que d'une réduction des obstacles à l’entrée sur le marché pour maintenir la fabrication au Canada. «La pandémie de la COVID-19 a démontré que la sécurité de l'approvisionnement des Canadiens en médicaments ne peut plus être tenue pour acquise par les gouvernements et les décideurs. Nous devons agir pour assurer la stabilité de notre industrie et de l'approvisionnement en médicaments du pays.» Le rapport d’EY Canada y va de sept recommandations. Par exemple, il suggère la création de nouvelles subventions et d’autres mesures incitatives pour faire face aux coûts élevés de la production locale et de l'importation. Déjà, en mars dernier, le fédéral a octroyé une subvention de 100 M$ à trois entreprises, dont une de 54 M$ aux Laboratoires KABS afin que cette compagnie agrandisse son installation à Longueuil et en construise une nouvelle à Val-des-Sources, en Estrie. De plus, le rapport recommande «des stratégies de tarification et d’approvisionnements appropriés qui prennent en compte le soutien à la production locale et la nécessité d’une chaîne d’approvisionnement internationale robuste». À lire aussi: L'innovation en santé: investissons maintenant pour faire face aux crises de demain «Des membres me disent qu’ils veulent investir, mais si on ne leur garantit pas une prévisibilité des prix de remboursement des médicaments, ils ne sont pas prêts à investir 15, 20, 30 ou 50 millions», disait en entrevue à Profession Santé, le directeur général du Groupement provincial de l’industrie du médicament, Stéphane Lévesque, l’an dernier. Par ailleurs, un meilleur alignement avec les principaux organismes de réglementation internationaux, tels de la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis, est également suggéré dans le rapport. Consulter le rapport de l'ACMG (en anglais)

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