Médecine d’hier, médecine d’aujourd’hui

Pour une visite de la Maison Chabot en images, visionnez notre diaporama.Pour certains, la médecine de campagne est un legs du patrimoine culturel du Québec. La Dre Dominique Deschênes y voit plutôt une sorte de filiation. La présidente du Collège québécois des médecins de famille (CQMF) considère les médecins ruraux du passé comme les ancêtres des médecins de famille d’aujourd’hui. C’est pourquoi elle a invité L’actualité médicale à venir visiter la maison du Dr Chabot.Joseph Arthur Noé Chabot a étudié la médecine à l’Université Laval avant de s’établir dans sa paroisse natale à Sainte-Claire en 1900. Il y a pratiqué une médecine qui ressemblait parfois plus à un sacerdoce qu’autre chose. S’il suturait, installait des plâtres et préparait lui-même plusieurs médicaments, il lui arrivait aussi d’arracher des dents, d’administrer le sacrement du baptême et de réconcilier des couples au bord de la rupture.Connu dans sa paroisse comme le médecin des pauvres, il recevait souvent pour tout paiement de ses services de la nourriture ou du bois de chauffage !En l’an 2000, la Société du Patrimoine de Sainte-Claire a acheté la maison dans laquelle ce médecin vivait et pratiquait. « À l’intérieur, tout est demeuré comme au temps du docteur », explique Mario- Georges Fournier, représentant de la Société du Patrimoine de Sainte- Claire.Au rez-de-chaussée, on se promène de la cuisine à la salle à dîner, avant de se rendre dans le cabinet et la salle d’attente, le tout meublé d’époque ! En haut, des chambres et une exposition sur la médecine de campagne ainsi que sur les soins que les médecins donnaient de 1800 à 1975.« C’est impressionnant de voir l’engagement du Dr Chabot pour sa communauté, mais aussi la reconnaissance que cela lui vaut de la part de celle-ci », souligne la Dre Deschênes, pour qui la visite, avec trois autres médecins de famille, les Drs Antoine Groulx, Caroline Laberge et Martin Savard, est l’occasion de s’interroger sur la médecine de famille aujourd’hui.Mais si la présidente du CQMF reconnaît qu’il est important que les médecins d’aujourd’hui s’engagent comme c’était le cas pour ceux d’hier, elle se verrait mal donner sa vie à sa communauté. « Les attentes sont énormes envers les médecins de famille aujourd’hui », dit-elle.« Il y a une obligation de résultats », confirme sa collègue, la Dre Caroline Laberge, médecin de famille à l’UMF Laurier. Cela dit, ni l’une ni l’autre n’attendent que leur communauté les mettent sur un piédestal. « C’est à la médecine de famille de se donner sa valorisation ! » assure la DreDeschênes. Pour elle, les médecins de famille doivent être fiers de leur métier et devraient plus revendiquer leur expertise auprès de leurs collègues et de la population.UNE FAMILLE AU SERVICE DE LA POPULATIONElles constatent aussi que, si le Dr Chabot était le seul à avoir le titre de médecin, il ne travaillait pas pour autant tout seul. Les cinq filles de la maison aidaient. Il emmenait aussi souvent l’une d’entre elles lors de ses visites aux patients. Et Mme Chabot assistait son mari lors de ses opérations en endormant les patients au chloroforme !Quand le médecin était absent, c’est aussi elle qui « entretenait les patients », en leur donnant des cours d’hygiène, de secourisme ou d’art culinaire. Si l’attente se prolongeait, elle les recevait même à souper.Les médecins présents lors de la visite ont été moins surpris que L’actualité médicale d’apprendre que les villageois de Sainte-Claire attendaient des heures avant de pouvoir consulter le Dr Chabot.Il faut dire que, selon M. Fournier, visiter le médecin pouvait être parfois la seule solution d’échapper à certaines « corvées » ou d’éviter la messe dominicale... Et puis la salle d’attente du docteur était aussi un bon endroit pour discuter, voire socialiser.« Quand tu connais ton médecin, tu es plus prêt à l’attendre et tu vas être plus patient pour l’attendre », rappelle la Dre Deschênes.« C’est vrai que, quand le patient a conscience que tu fais des sacrifices pour lui, que tu as sauté ton dîner pour lui, il t’est reconnaissant. Mais ce n’est pas une solution à long terme », précise la Dre Laberge.Aujourd’hui, selon les deux jeunes femmes, on ne devrait plus vraiment dépendre d’un seul médecin de famille, mais s’attendre à être pris en charge par une équipe de soins. « Un patient anxieux pourrait avoir intérêt à consulter une infirmière pour diminuer son anxiété », souligne la Dre Laberge.UN MÉDECIN POLYVALENTAutre surprise dans le cabinet du Dr Chabot : une armoire pleine de flacons et de boîtes de « médicaments ». C’est qu’il n’y avait pas de pharmacie à l’époque et c’est le médecin et sa famille qui préparaient onguents, sirops et autres élixirs.« On parle de la polyvalence des médecins de famille d’aujourd’hui, mais on oublie souvent que les médecins de campagne faisaient de tout : préparer les médicaments, couper les amygdales... ça c’est de la polyvalence extrême ! » constate la Dre Laberge.Non seulement il était compliqué de se rendre jusqu’à un hôpital, notamment l’hiver quand les routes étaient à peine praticables, mais il fallait souvent que le médecin déploie des trésors de diplomatie pour convaincre un patient et sa famille de la nécessité d’aller s’y faire soigner.Les médecins de famille du CQMF ont pris grand plaisir à feuilleter les carnets du Dr Chabot. Il a commencé à prendre des notes sur les nouveautés ou les controverses médicales de son temps alors qu’il était étudiant et a continué à le faire tout au long de sa pratique. Il écrivait aussi souvent des commentaires personnels au bas des fiches de ses patients et parlaient de ses états d’âmes. Ce legs est un véritable témoignage sur la pratique de la médecine au début du 20e siècle.Si le souvenir du Dr Chabot est resté aussi ancré dans le souvenir de ses concitoyens, c’est peut-être parce qu’il en a tant aidé à voir le jour.Au cours de sa carrière, le Dr Chabot a supervisé la naissance de quelque 7000 nouveau-nés. L’obstétrique était en effet une forte composante de sa pratique. Et comme les femmes accouchaient à la maison, il se rendaient chez elles, hiver comme été, dans sa carriole. Parfois la famille de la parturiente venait aussi le chercher pour économiser sur le prix de l’accouchement. En 1918, un accouchement coûtait 7 $ ! À la fin de sa carrière, le Dr Chabot note d’ailleurs tristement que les jeunes docteurs de son comté envoient maintenant les femmes accoucher à l’hôpital et que, de toute façon depuis l’arrivée de la pilule, les naissances sont bien moins nombreuses !Pour une visite de la Maison Chabot en images, visionnez notre diaporama.LA MAISON DU DR CHABOTwww.maisondrchabot.com108, rue Principale, Sainte-ClaireHoraire des visites du 24 juin au 17 août 2014Du jeudi au dimanchede 11h00 à 16h00Coût de l’entréeAdultes : 5 $ Aînés : 4 $ Enfants : 3 $

Médecine d’hier, médecine d’aujourd’hui

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