MedActuel DPC - Le traitement de l'endométriose (1re partie)

Par Lara Sleiman* et Noura Abdel Shahid* Révision : Chantal Duquet*et Dr Jacques R. Mailloux** * Pharmaciennes ** Médecin gynécologue au Centre hospitalier de l’Université Laval, CHUQ Objectifs pédagogiques Connaître la définition, la classification et les facteurs de risque de l’endométriose. Savoir diagnostiquer l’endométriose. Connaître les différents traitements de l’endométriose, pharmacologiques, non pharmacologiques et chirurgicaux. Mots-clés : Endométriose, infertilité, laparoscopie, cœlioscopie. L’endométriose est la présence ectopique, en dehors de la muqueuse utérine, de tissu endométrial. Elle affecte environ 5 % à 10 % des femmes. Quoique souvent asymptomatique, l’endométriose peut causer des symptômes débilitants et on l’associe parfois à l’infertilité. Le diagnostic définitif ne peut être fait que par une intervention chirurgicale, la laparoscopie. La chirurgie est le traitement de base de l’endométriose, souvent avec un traitement pharmacologique. Parmi les traitements pharmacologiques, on trouve les contraceptifs oraux, les androgènes, les agonistes de l’hormone relâchant les gonadotrophines(GnRH)et les progestatifs seuls. Dans cet article, nous verrons la définition et la classification de l’endométriose, les facteurs de risque et les traitements non pharmacologiques ainsi que les options chirurgicales. Dans une deuxième partie, nous aborderons les traitements pharmacologiques. Cas clinique Marie-Claire est âgée de 28 ans. Elle vous consulte pour des douleurs périmenstruelles aux deux fosses iliaques irradiant au dos. Elle éprouve également de la dyspareunie lorsqu’elle est en période prémenstruelle surtout dans les trois à quatre jours précédant ses règles. Elle essaie sans succès de devenir enceinte depuis un an et demi. Son compagnon a subi un spermogramme qui s’est avéré normal. Après une recherche sur l’Internet, elle s’inquiète, car elle croit qu’elle souffre d’endométriose et elle a lu qu’elle pouvait devenir infertile en raison de cette pathologie. L’endométriose est un trouble gynécologique lié aux œstrogènes, chronique, récurrent et généralement bénin. On le définit par la présence de tissu endométrial(comportant des glandes endométriales et du stroma)en dehors de la cavité utérine, le plus souvent dans la cavité péritonéale, mais ce tissu ectopique peut siéger presque à n’importe quel endroit dans l’organisme 1,2. L’endométriose affecte les femmes en âge de procréer1. Le but du traitement(pharmacologique et chirurgical)est de soulager les symptômes, de diminuer les récurrences et d’améliorer la fertilité des femmes qui en sont atteintes1. Malgré de nombreuses études effectuées dans ce domaine, il existe plusieurs controverses concernant la prévalence, la pathogenèse et le traitement optimal de cette maladie 1,2. L’épidémiologie La prévalence exacte de l’endométriose est inconnue puisque plusieurs femmes sont asymptomatiques et une chirurgie(laparoscopie)est nécessaire pour confirmer le diagnostic 1,3,4. On estime sa prévalence à environ 5 % à 10 % de toutes les femmes, symptomatiques et asymptomatiques, et 45 % d’entre elles sont en âge de procréer, touchant surtout les 25 à 35 ans 2-5. Notons que jusqu’à 25 % des femmes infertiles et jusqu’à 60 % de celles qui souffrent de dysménorrhée ou de douleurs pelviennes chroniques ont subséquemment un diagnostic d’endométriose 4. Comparativement aux caucasiennes, la prévalence de l’endométriose semble moindre chez les femmes de race noire et chez les Asiatiques1. L’étiologie La cause de l’endométriose est incertaine. Il existe plusieurs théories et la plus acceptée est la présence d’un flot menstruel rétrograde à travers les trompes de Fallope vers la cavité abdominale ou pelvienne. Le tissu endométrial s’implante alors au niveau du péritoine où il prolifère en surface ou en profondeur. L’incapacité de la cavité péritonéale à se débarrasser des fragments d’endomètre cause l’endométriose 1-4. Quoique cette théorie semble valide, elle ne prend pas en compte la présence de lésions d’endométriose en dehors de la cavité pelvienne. L’endométriose est donc probablement le résultat d’une multitude de mécanismes 1,3,4. Les facteurs de risque de l’endométriose comprennent une obstruction du flot menstruel à travers le vagin, des anomalies du tractus génital et des antécédents familiaux1. Entre autres, l’hérédité est l’un des principaux facteurs de risque 2,4,5. En effet, son incidence est de 6 % supérieure chez les patientes dont l’une des membres de la famille de premier degré est atteinte d’endométriose, comparativement à un risque de 1 % chez les femmes sans antécédents familiaux 4,5. De plus, les nullipares ou celles dont la première grossesse a été tardive semblent être plus à risque d’endométriose4. La pathophysiologie L’endométriose peut se présenter sous différentes formes, dont plusieurs petites lésions de couleur noire, rouge et qui ont un aspect cicatriciel ou blanc avec des adhérences(figure 1). Dans d’autres cas, les lésions prennent l’aspect de kystes ovariens, communément appelés endométriomes ou kystes chocolatés(figure 1), qui sont de tailles variables et qui contiennent un liquide qui ressemble à du chocolat liquide(apparence attribuable à l’accumulation de sang dans la cavité du kyste)1,6. Les localisations(figure 2)les plus fréquentes des lésions d’endométriose sont dans le petit bassin, particulièrement dans les ligaments utérosacrés. Elles peuvent entre autres se retrouver sur le péritoine, sur les ovaires et sur la paroi des trompes de Fallope. Plus rarement, l’endométriose peut atteindre d’autres organes, tels la vessie, le tube digestif, la peau, les poumons et les uretères 1,6. Des dysfonctions du système immunitaire ont souvent été observées chez les femmes souffrant d’endométriose. Par exemple, des déficiences immunitaires favoriseraient l’implantation et la croissance du tissu endométrial 1,5. La présentation clinique Dans la plupart des cas, l’endométriose est asymptomatique1. Mais, parfois, certains symptômes, non spécifiques, peuvent se manifester. Les symptômes les plus fréquents sont la dysménorrhée, la dyspareunie, les douleurs pelviennes chroniques et les douleurs au bas du dos(tableau I)1-3. Ils ne sont pas spécifiques à l’endométriose. La dysménorrhée est progressive, débutant deux jours avant le début des règles, continuant tout au long des règles, et occasionnellement après la fin des règles 1,4. La dyspareunie est une douleur apparaissant lors des relations sexuelles, s’aggravant à la suite d’une pénétration profonde et juste avant les règles 1,4. Les douleurs pelviennes peuvent être cycliques, donc se produire durant ou juste avant les menstruations, ou acycliques, c’est-à-dire que la douleur est continue durant tout le mois1. Les symptômes s’aggravent lors des périodes menstruelles parce que les lésions d’endométriose se mettent à saigner durant les règles, créant ainsi une irritation au niveau du péritoine, donc plus de douleur4. D’autres symptômes peuvent aussi apparaître, tels les troubles gastro-intestinaux et la défécation douloureuse, surtout dans le cas d’une atteinte rectale 3,4. Le diagnostic On devrait suspecter une endométriose chez toutes les femmes, surtout celles en âge de procréer, qui ont des douleurs pelviennes, plus particulièrement chez celles qui développent de la dysménorrhée après plusieurs années de menstruations sans douleur associée, ou chez celles qui ont des difficultés à tomber enceinte et qu’aucune autre cause n’est apparente 1-3. Il n’existe aucun test de laboratoire qui aide au diagnostic de l’endométriose. On a cependant souvent remarqué que les femmes atteintes d’endométriose à un stade avancé avaient des taux sériques de Ca 125 supérieurs à la normale(> 35 UI/mL)2,4,5. La présence d’une endométriose peut être évoquée simplement à l’aide d’un examen clinique comme le toucher vaginal, mais la confirmation du diagnostic doit se faire à l’aide d’une laparoscopie, parfois appelée cœlioscopie, qui consiste en un examen visuel de la cavité abdominale au moyen d’un endoscope introduit par le nombril 1,3,4,7. De plus, on recommande souvent une biopsie des lésions, mais elle est rarement faite en clinique étant donné les complications qui peuvent en découler, comme les saignements1. La classification de l’endométriose La classification la plus utilisée est celle de l’American Fertility Society(AFS). Elle se fait selon la localisation des lésions, leur diamètre, leur profondeur et la densité des adhérences, déterminés par une laparoscopie. Il y a quatre stades, soit les stades I(minimal), II(léger), III(modéré)et IV(grave)1-3. Il est important de noter que la présence et la gravité des symptômes associés à l’endométriose ne corrèlent pas nécessairement avec le stade de la maladie 1-3,8. Cependant, les douleurs pelviennes semblent plus fréquentes chez les femmes avec des lésions profondes 2,5. Les complications de la maladie L’infertilité est souvent associée à l’endométriose. En effet, 30 % à 50 % des femmes qui souffrent d’endométriose sont infertiles, ce qui est environ 20 fois plus fréquent que chez celles qui n’en sont pas atteintes 4,9. On n’a cependant pas établi une relation de cause à effet 9. L’infertilité associée à l’endométriose peut relever de plusieurs facteurs, dont la présence de problèmes mécaniques(formation d’un tissu cicatriciel au niveau des trompes et des ovaires qui nuit à la libération de l’ovule et/ou bloque son passage vers l’utérus), des problèmes endocriniens, des dysfonctions immunitaires ou une inflammation chronique qui pourrait nuire à l’implantation du blastocyste 1,2,4,9. Chez les femmes infertiles atteintes d’endométriose plus avancée, les taux de succès d’une fécondation in vitro sont moindres comparativement aux autres patientes. En effet, une réserve ovarienne basse, des ovules et des embryons de moins bonne qualité et un faible taux d’implantation chez ces femmes pourraient expliquer ce phénomène 1,4. Cependant, l’endométriose n’empêchera pas le recours à cette technique de fertilisation si elle est nécessaire. Le traitement de l’endométriose Le traitement de l’endométriose consiste à atténuer la douleur et les autres symptômes associés à la maladie, à réduire le risque de récidives et la progression de la maladie, et à restaurer ou à maintenir les fonctions reproductives1. Le traitement peut être médicamenteux, chirurgical, mais plus souvent une association de ces deux traitements afin de maximiser le soulagement de la douleur8. Le choix du traitement dépend de la gravité et de la durée des symptômes, de la gravité des lésions, de l’âge de la patiente et de son désir de grossesse1. Le traitement non pharmacologique La chirurgie Les buts ultimes du traitement chirurgical sont le soulagement de la douleur, l’amélioration ou la préservation de la fertilité et la diminution du risque de récidives 1,4. La laparoscopie est le traitement le plus fréquent et de première intention surtout chez les femmes avec des douleurs et qui désirent une grossesse le plus rapidement possible 2,3,8. En effet, cette intervention a montré une augmentation du taux de grossesse de 13 % sur une période de 36 semaines après la chirurgie 3. Le chirurgien spécialiste détruit les lésions d’endométriose, souvent lors du diagnostic, si celles-ci sont découvertes 1,3,8. La chirurgie est indiquée chez les patientes qui souffrent d’infertilité, qui ont des lésions avancées, des endométriomes d’une dimension supérieure à 2 ou 3 centimètres, une endométriose étendue, une déformation anatomique des structures pelviennes et en présence d’adhérences, ainsi que chez les patientes réfractaires aux traitements pharmacologiques1. On obtient le soulagement des symptômes chez 70 % à 100 % des patientes immédiatement après la chirurgie. Cependant, la douleur réapparaît chez plusieurs d’entre elles dans les années qui suivent(13,5 % à 40,3 % après 5 ans), surtout s’il n’y a pas de grossesse. Cela montre la nécessité de débuter le traitement pharmacologique tout de suite après une chirurgie et pour une durée de six mois(en l’absence de désir de grossesse), afin d’éliminer toutes les lésions qui réapparaissent ou qui n’ont pas été éliminées par la chirurgie 1,4,8. Même si la laparoscopie est le traitement de première intention de l’endométriose, des complications peuvent s’ensuivre, telle une diminution de la fertilité à la suite de dommages au cortex ovarien, d’où l’importance d’en réduire le recours lorsque c’est possible 1,4. Enfin, en dernier recours, on pourrait envisager l’hystérectomie et la salpingo-oophorectomie(ablation des trompes de Fallope et des ovaires)comme traitement curatif chez les femmes avec des douleurs graves et chroniques, qui sont réfractaires aux autres traitements chirurgicaux et pharmacologiques, et qui ne sont plus en âge de procréer ou ne désirent plus d’enfants 1,3,8. Cette intervention est associée avec un risque minimal de récidives, soit de 1 % à 3 % seulement8. Les modifications nutritionnelles Des modifications nutritionnelles sembleraient diminuer les symptômes gastro-intestinaux associés à l’endométriose après huit semaines de traitement1. Le mécanisme sous-jacent est la stabilisation de l’excitation neuronale du système nerveux entérique par la diminution ou l’élimination des apports de carbohydrates(p. ex., riz, pommes de terre, pâtes, etc.), des aliments contenant de la caféine et de la tyramine(p. ex., café, thé, boissons gazeuses, saucisses, salami, etc.)et par l’ajout d’oméga-3, d’oméga-6 et d’oméga-9 dans l’alimentation1. Dans l’édition du 22 juin, nous verrons plus spécifiquement les traitements pharmacologiques de l’endométriose ainsi que les traitements à l’étude. Vous trouverez également les références bibliographiques complètes.

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