L'interdisciplinarité en clinique de la douleur: gros plan sur l'infirmière pivot

La douleur chronique, Marie-Pierre Bilodeau la vit au quotidien. Mais pas comme patiente. Elle est infirmière clinicienne pivot au Centre d’expertise en gestion de la douleur chronique au CHUL du CHU de Québec.Depuis sept ans, elle évolue au cœur d’une clinique interdisciplinaire qui regroupe aujourd’hui 14 médecins, dont 11 anesthésiologistes, des psychologues, des ergothérapeutes, des physiothérapeutes, un pharmacien et trois infirmières. La plupart de ces postes sont à temps partiel. Elle est la seule infirmière à temps complet.Marie-Pierre Bilodeau a fait le choix de pratiquer à cette clinique de la douleur de troisième ligne qui accueille chaque jour des gens qui souffrent intensément, parfois depuis des années. Et elle s’y plaît énormément. Elle y avait déjà travaillé un an et demi lors d’un remplacement avant d’aller exercer en salle de réveil d’un bloc opératoire. Mais le contact avec le patient lui manquait. Elle y est revenue pour retrouver cette relation directe avec la personne.Ses tâches l’amènent notamment à faire le lien entre les patients et les médecins ainsi que les autres professionnels. Elle est aussi en charge de l’enseignement et de la formation. Elle apprend aux patients diverses façons d'améliorer leur qualité de vie malgré leurs douleurs.De plus, elle assure le suivi en neuromodulation, un traitement qui demande une expertise infirmière particulière. Beaucoup de gens comptent sur elle et elle le sent. Le travail est si exigeant (la liste d’attente comprend 1400 noms) qu’il arrive que les trois infirmières de la clinique ne prennent pas de pauses et ni de moments pour dîner. Marie-Pierre Bilodeau ne s’en plaint pas, tant elle se sent utile.«Je sens que ma contribution est importante, dit-elle en entrevue à Profession Santé. Quand les patients téléphonent à la clinique, ils m’appellent par mon prénom. Le matin, quand je pars travailler, je sais d’avance que des gens vont apprécier ce que je fais. C’est très valorisant. J’aime aussi œuvrer avec l’équipe de médecins. Ils sont très reconnaissants du travail que l’on fait.»Il n’y a pas de hiérarchisation à la clinique de la douleur. Les patients sont d’abord vus pour évaluation par les médecins, qui vont les diriger vers les infirmières, les psychologues, les physiothérapeutes, le pharmacien, selon le cas, mais tous les membres de l’équipe interdisciplinaire travaillent sur le même pied.La pratique interdisciplinaire représente d’ailleurs la grande différence entre la clinique de la douleur du CHUL de 2014 et celle où Marie-Pierre Bilodeau a fait ses débuts, il y a 15 ans. À cette époque, se rappelle-t-elle, on faisait surtout des rencontres un par un. Tout n’avait pas encore été mis en commun comme c’est le cas aujourd’hui.«Pour le patient, c’est magique, dit-elle. Ils ont accès à beaucoup de ressources professionnelles centralisées.»Approche thérapeutiqueL’approche thérapeutique a aussi beaucoup évolué en douleur chronique. Même dans une clinique de troisième ligne comme celle du CHUL, on ne vise plus à faire disparaître totalement la douleur, un objectif le plus souvent illusoire, mais à la déplacer en périphérie afin qu’elle ne soit plus au centre de l’existence du patient.«On fait beaucoup moins de piqûres, explique Marie-Pierre Bilodeau. On se concentre davantage sur le mode de vie, le mouvement, le sommeil, le tabagisme, l’alimentation. Beaucoup de gens qui viennent ici se font dire par leur médecin de famille: "Vous allez recevoir une infiltration, vous allez guérir." Quand on leur dit qu’ils vont plutôt aller en physiothérapie, pour apprendre à bien bouger, et qu'ils vont consulter la psychologue pour accepter leur douleur et obtenir les moyens de l’affronter dans la vie de tous les jours, certains sont déçus, mais la plupart comprennent qu’ils sont responsables de leur prise en charge et de leur rétablissement.»«On le voit, les gens qui se prennent en main et qui décident de s’en sortir s’en sortent, poursuit-elle. Le niveau de douleur n’a peut-être pas tellement changé depuis leur première visite, mais leur qualité de vie s’en trouve améliorée. Ils sont capables de mieux fonctionner et certains retournent au travail.»Importance du plaisirMarie-Pierre Bilodeau leur apprend aussi l’importance de se faire plaisir. «Il peut s'agir d'écouter de la belle musique, de prendre un bon repas, de faire un achat... des choses simples. On leur dit de se faire plaisir chaque jour. Sur le plan psychologique, c’est très important. Vous seriez surpris de constater le nombre de personnes qui souffrent et qui oublient de se faire plaisir.»

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