«Les vieilles méthodes ne suffisent plus, ne fonctionnent plus» - Dre Catherine Duong du ROME

Très remontés, les médecins présents au sommet du ROME, le Regroupement des omnipraticiens pour une médecine engagée, ont organisé différents ateliers thématiques pour dégager des solutions concrètes au problème d’accessibilité.Un problème qui est, selon eux, impossible à régler avec des quotas, des règles d’assiduité et autres mesures coercitives ciblant les médecins de famille, puisque la réalité sur le terrain n’est pas uniforme. Impossible en effet de comparer les problèmes d’accès d’une région isolée, avec ceux d’un grand centre urbain.Impossible aussi, selon eux, de résoudre les problèmes organisationnels du réseau sans impliquer tous les professionnels de la santé, d’où l’importance d’inviter différents partenaires à discuter et réfléchir avec eux. Ainsi, des pharmaciens, des infirmières, des ergothérapeutes, mais aussi plusieurs médecins spécialistes et des gestionnaires du système de santé étaient présents pendant le sommet. Et pas seulement à titre d’observateurs. Les infirmières et les pharmaciens étaient notamment très présents dans les ateliers et ont pu faire remarquer que certaines solutions existaient déjà, mais n’étaient pas assez mises de l’avant, comme les ordonnances collectives sous-utilisées dans le réseau. C’est d’ailleurs l’une des solutions proposées dans la déclaration commune envoyée au ministre de la Santé, dimanche après-midi (voir le point 4 des 12 propositions dans l’encadré en page 2).Les organisateurs du Sommet de la santé ont annoncé d’entrée de jeu de grandes ambitions pour «montrer aux sceptiques et aux résignés qu’on peut changer les choses», a expliqué la Dre Catherine Duong, l’une des fondatrices de ce mouvement.L’accès: une problématique multifactorielleLes médecins de famille qu’ils représentent refusent en effet d’être les boucs émissaires d’une situation «qui n’est pas juste une question d’accès, mais aussi d’une déficience de l’organisation».Selon la Dre Duong, le projet de loi 20 va à l’encontre des valeurs québécoises que sont «la justice sociale, l’équité et la démocratie». Or, pour réussir, une réforme devrait au contraire «passer par une approche de pratique collaborative où tout le monde est mis à contribution dans un nouveau modèle de santé qui favorise le plein potentiel de tous les professionnels. Les vieilles méthodes ne suffisent plus, ne fonctionnent plus», a précisé Dre Duong.Cette réforme devrait aussi cibler une première ligne forte, car pour le ROME c’est en misant sur la prévention, l’éducation et la responsabilisation de tous que l’on peut réduire les coûts du système de santé.La Dre Duong espère par ailleurs que ce sommet apportera «un nouveau regard moderne et interdisciplinaire de notre système». Elle a aussi tenu à souligner qu’il était centré «sur la santé de NOS patients, et non des intérêts d’un groupe particulier».Paul Lamarche, professeur de l'Université de Montréal et ex-sous-ministre de la Santé, qui avait présenté un mémoire remarqué pendant la commission parlementaire sur le PL 20, a mis la table avec les enjeux de l’accessibilité.La santé: un projet collectif Il a souligné que, parfois, changer les structures n’a pas les effets escomptés, comme on l’a vu avec certains GMF, où un nouveau moule et de nouveaux intervenants n’ont pas réussi à changer les pratiques. D’où l’importance pour lui de laisser les médecins «s’auto-organiser». Selon lui, la règle principale devrait être «tout est permis, sauf si défendu». Avec pour base un projet collectif qui reconnaît les contributions positives.Mais pour que cela fonctionne, il faudrait bien sûr le baliser. Et commencer par cibler ce que l’on veut atteindre pour la population, à savoir la santé des gens et la qualité des services offerts. Toutefois, il faudrait aussi s’assurer que les règles de conduite collectives et individuelles soient claires pour tous et puissent être évaluées.Il faudrait aussi définir quel accès on souhaite, bien sûr avec des délais précis dans certains cas, mais aussi «la continuité relationnelle». Un médecin qui vous suit dans votre trajectoire de soins, mais qui intègre aussi pour le patient les interventions des autres professionnels. Bref, toute la question de «coordination, mais aussi la continuité informationnelle». On a l’impression que le problème touche seulement la première ligne, mais c’est faux, selon Paul Lamarche, qui croit que cela touche aussi la deuxième et la troisième lignes.Page 1/2«C’est au Québec que la probabilité de recevoir un rapport du spécialiste après une demande de consultation est la plus faible au monde», a souligné le chercheur.Les médecins vont aussi devoir prendre conscience du plus gros défi actuel, à savoir que «les intérêts individuels et organisationnels ne sont pas actuellement compatibles». Les hôpitaux veulent moins d’actes, car cela leur coûterait moins cher, mais les médecins, de par leur mode de rémunération, ont intérêt à en effectuer plus. Pour Paul Lamarche, la question est donc de savoir ce que l’on veut payer, et ce, «en fonction des patients et du projet collectif». Ce qui ne veut pas dire d’ailleurs que le problème réside dans la rémunération, mais plutôt dans le mode de rémunération.Paul Lamarche a grandement impressionné les participants du Sommet qui lui ont fait une ovation, debout, après son intervention.Entre les conférences proposées, les participants se réunissaient dans différents ateliers, dont les thématiques allaient des défis des patients défavorisés, aux personnes aux prises avec des maladies chroniques, en passant par l’accès aux médecins de famille, aux spécialistes et aux autres professionnels de la santé. On y a aussi parlé d’orientation des patients dans le réseau, de soins interdisciplinaires ou encore de la mise sur pied d’un nouveau modèle d’organisation.À la suite de ces discussions, les participants ont voté pour des propositions mises de l’avant lors des discussions (voir encadré si dessous). Reste donc maintenant à voir comment les ROMains comptent donner suite à leur Sommet. Le ministre Barrette ne semble pas avoir l’intention de participer à la mise en œuvre de ces propositions. Sa porte-parole, Joanne Beauvais a quant à elle déclaré au Devoir que les médecins ont choisi d’être représentés par la FMOQ, «c’est donc avec cette organisation qu['ils] discut[ent]».Plusieurs membres de la FMOQ étaient présents au sommet, dont le vice-président, le Dr Marc-André Amyot, ainsi que le Dr Claude Rivard. Sans apporter officiellement son soutien au ROME, la fédération estime que plusieurs des propositions soumises durant le Sommet sont déjà discutées à la table des négociations avec le gouvernement. Les 12 propositions du ROME1. Implanter un modèle de soins interdisciplinaires pour créer un engagement collectif de tous les professionnels en santé envers les populations locales.2. Augmenter et prioriser les budgets pour le financement de la première ligne.3. Assurer la présence de services médicaux 7 jours sur 7, 12 heures par jour, pour un accès rapide aux soins par un arrimage de services.4. Développer et accélérer la mise en place des ordonnances collectives et des actes délégués pour tous les professionnels en santé.5. Réaliser le déploiement des Dossiers Médicaux Électroniques uniformisés afin d'avoir un dossier-patient partageable et efficace entre tous les professionnels.6. Revoir le mode de rémunération des différents professionnels de la santé de façon à valoriser toutes les activités de prise en charge globale plutôt que les actes cliniques individuels.7. Favoriser un ratio provincial de 55 à 60% d'omnipraticiens.8. Implanter systématiquement des Coordonnateurs Pivots facilement identifiables, pour des clientèles ciblées (maladies chroniques, santé mentale, personnes âgées en perte d'autonomie, utilisateurs fréquents à l'urgence).9. Mettre en place une politique nationale favorisant le maintien à domicile des aînés.10. Abolir de façon progressive les AMP sur les deux prochaines années.11. Favoriser la création d'un organisme indépendant non syndical, dont le mandat unique est l'amélioration de l'accessibilité aux soins de santé (modèle GPSC de la Colombie-Britannique)12. Organiser les États généraux de la Santé.À LIRE AUSSI:L’opposition soutient le ROME, le ministre l’ignorePage 2/2

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