Les sages-femmes veulent une reconnaissance publique de leurs compétences

Elles sont toutes accros aux enfants, et particulièrement aux bébés qu’elles aident à venir au monde. Les sages-femmes ont aussi une philosophie commune qui les unit, qu’elles soient pionnières, autodidactes ou récemment diplômées.«Nous avons une grande confiance en la vie et dans le pouvoir des femmes de donner naissance. La grossesse, l’accouchement et l’allaitement sont des périodes normales et les femmes ont tout ce qu’il faut pour y faire face », résume Mounia Amine, sage-femme depuis juin 2008 et qui, à 26 ans, exerce son métier à la Maison des naissances du Boisé, à Blainville, au nord de Montréal. « Être sage-femme demande des qualités particulières, c’est vraiment une vocation », ajoute Jessica Thompson, une autre jeune sage-femme d’à peine 30 ans, rattachée à la Maison des naissances de la Rivière, à Nicolet, et mère de trois enfants.Des professionnelles compétentesSorties de la clandestinité en juin 1999 avec l’adoption de la Loi sur les sages-femmes du Québec et la création de l’Ordre des sages-femmes du Québec, il n’en demeure pas moins que ces professionnelles de la santé de première ligne doivent encore lutter contre une image qui ne leur ressemble plus. D’ailleurs, elles font toujours l’objet d’une « guéguerre » interminable dans quelques milieux hospitaliers et leurs revendications stagnent au Ministère.La sage-femme d’aujourd’hui possède une formation universitaire de quatre ans, dont trois sous forme de stages en maison de naissance, en centre hospitalier et en centre communautaire. Elle peut prescrire des analyses sanguines et des médicaments, des échographies ou des examens médicaux spécialisés. « Le baccalauréat nous apprend à être compétentes et responsables, à intervenir si besoin est et à laisser faire si tout va bien. Nous savons protéger la sécurité de la femme qui accouche. La sage-femme assure non seulement le suivi médical, mais également une approche globale tenant compte de toutes les dimensions de la vie de la femme, comme l’aspect psychosocial », constate Mounia Amine.« Nous nous intéressons aussi aux aspects émotifs, familiaux et alimentaires de la femme enceinte. C’est ce qui nous donne le temps d’établir une saine complicité », renchérit Jessica Thompson. De plus, les praticiennes autodidactes ont eu à réussir des examens démontrant leurs capacités.Pour exercer au Québec, les sages-femmes doivent obligatoirement être membres en règle de l’Ordre des sages-femmes du Québec et respecter les responsabilités édictées par la Loi sur les sages-femmes, qui détaille entre autres leur champ de pratique et leurs compétences.Des militantesLeur formation de haut niveau a su vaincre les réticences de nombreux futurs parents, mais pas nécessairement les jeux de coulisses freinant le développement de la profession. « Le Ministère a reconnu notre autonomie et notre compétence pour les grossesses normales. Nous sommes formées pour savoir comment intervenir en situation d’urgence ou réanimer un bébé. Nous avons établi des relations de qualité avec des équipes médicales de centres hospitaliers et des équipes d’ambulanciers pour être efficaces lors du transfert d’une femme qui aurait besoin d’une césarienne », rappelle Marie-Paule Lanthier, sage-femme en activité depuis 1978 et pionnière en matière de légalisation de la profession.Elle est toutefois déçue de l’indifférence du ministre Yves Bolduc. Ce dernier annonçait, au début de mai dernier, son intention d’ouvrir 11 nouvelles maisons de naissance. Mais les sages-femmes disent ne pas avoir été convaincues, car le ministre fait cette déclaration chaque fois qu’elles tiennent des journées de sensibilisation publique. Plusieurs groupes de parents appuient les sages-femmes afin que le Ministère dégage un plus gros budget et finisse par ouvrir les maisons de naissance que l’on réclame dans plusieurs régions du Québec.« Tout cela est très politique, déplore Marie-Paule Lanthier. Les sages-femmes coûtent bien moins cher au système de santé. Pourquoi faire un suivi de grossesse avec un médecin, alors qu’elles peuvent le faire avec 80 à 85 % des femmes, soit avec toutes celles dont la grossesse est normale ? »Des conditions inéquitablesSi les sages-femmes coûtent moins cher, c’est aussi parce que le Ministère a créé une catégorie de professionnelles de la santé sous-payée. En effet, en utilisant la Loi des sages-femmes du Québec, le Ministère a décidé que la sage-femme est une travailleuse autonome, à contrat renouvelable, embauchée par les centres de santé et de services sociaux. Une tâche à temps plein correspond à 40 accouchements et plus par an, auxquels s’ajoutent 40 accompagnements de garde, à titre de seconde sage-femme, durant l’accouchement. Ce travail est calculé comme l’équivalent de 35 heures par semaine et il ne tient pas compte des heures de suivi postnatal.Car, on le sait, bébé ne s’annonce pas toujours aux heures de travail. La sage-femme doit être disponible 24 heures par jour, sept jours sur sept (comme un médecin) ! Pour cette disponibilité totale, elle encaisse une somme de 3500 $, versée en quatre périodes annuelles dites « de compensation pour les horaires défavorables et les week-ends ». « Tout bien calculé, cela équivaut à 14,98 $ de l’heure », dénonce Marie-Paule Lanthier.De plus, pour exercer, elle doit verser une cotisation annuelle de 1800 $ à l’Ordre des sages-femmes du Québec, payer 1700 $ par an au Regroupement des sages-femmes du Québec et 750 $ par an au CSSS pour les assurances. Le salaire maximum annuel d’une sage-femme est plafonné à 76 000 $.

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