Les ratés de l’in-intelligence articielle

En complétant une lettre de recommandation pour le CaRMS, je note une coquille dans le questionnaire qui m’est soumis. Le mot «absolument» a été mal orthographié. On le libelle de façon incorrecte avec un «e» erroné: absoluement. Je me dis que ce n'est pas si grave, que l'erreur est humaine, que nous tous, moi le premier, faisons des fautes d'orthographe. Mais quand même... Il s'agit d'un document officiel. Pourquoi ne pas signaler la coquille? J'envoie donc le message suivant au CaRMS: «Je voudrais souligner la faute suivante dans le questionnaire qui nous est soumis. Il y a une coquille dans le mot absolument - pourriez-vous corriger l’orthographe (enlevez le premier e dans absoluement). Merci»Le CARMS m'a répondu...Je m'attendais à tout, mais certainement pas à cette réponse-ci:Thank you for contacting CaRMS!We have received your inquiry (241330).Visit Carms.zendesk.com for answers to frequently asked questions regarding all aspects of the match process.In the meantime, here are some articles that may help!Un de ces articles répond-il à votre question? Qu'est-ce que j'ajoute dans Examens - Langue?Saisissez tous les tests de langue que vous avez subis afin d’indiquer votre compétence en français ou en anglais. Si... Voir plus✔ Oui, fermer ma demandeAfficher l’article Comment puis-je exiger une lettre de recommandation structurée en médecine physique et réadaptation ?Pour exiger une lettre de recommandation structurée en médecine physique et réadaptation : Connectez-vous à votre... Voir plus✔ Oui, fermer ma demandeAfficher l’article Si j’ai fait une erreur dans un des champs d’une demande de référence, dois-je faire une nouvelle demande ?Si vous n’avez pas encore enregistré la demande de référence, vous pourrez modifier n’importe lequel des champs. Une... Voir plus✔ Oui, fermer ma demandeAfficher l’article Qu'est-ce que j'ajoute dans Examens - Langue? Saisissez tous les tests de langue que vous avez subis afin d’indiquer votre compétence en français ou en anglais.Si votre langue de formation pendant vos études en médecine n’était pas le français ou l’anglais, certains critères provinciaux ou de programmes pourraient vous obliger à subir et à fournir le résultat de test de compétences linguistiques. Veuillez consulter la section concernant les descriptions de programmes et les critères provinciaux sur CaRMS.ca pour de plus amples renseignements.Pour ajouter plusieurs entrées, cliquez sur l'icône, ensuite remplissez les champs requis et cliquez sur « ENREGISTRER ».Remarque : pour télécharger un document d'examens de langue, allez à « Mes documents - Ajouter des documents » Cet article répond-il à la question? Visiblement, cette réponse a été générée par un programme informatique. Sinon, ça n'a tout simplement pas de bon sens.Je veux bien croire qu’il y a peu, ou pas de francophones au CaRMS - l’acronyme signifiant Canadian Residency Matching Service (pourquoi d’ailleurs ne pas lui associer SCaJR pour Service canadien de jumelage des résidents), mais cela ne justifie pas la réponse aberrante. Si un organisme aussi crédible que le CaRMS est capable d’une telle bourde, cela n’augure rien de bon pour l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le réseau de la santé. L’IA, source de préoccupationsCar d’ici peu, il est à prévoir que l’IA jouera un rôle prépondérant dans nos pratiques. Les patients qui voudront voir un médecin devront passer par une plateforme informatique pour la prise de rendez-vous (cela se fait déjà). L’IA évaluera leurs demandes, probablement au moyen d’un logiciel de reconnaissance vocale, en se basant sur des scripts préétablis. Elle orientera les malades selon la gravité et l’urgence de leur condition. Elle attribuera les pastilles de couleur sans que nous n’ayons un mot à dire. Les maladies chroniques seront dirigées vers les infirmières cliniciennes, ou les pharmaciens ou tous les autres professionnels de la santé.Ce qui signifie que, pour avoir accès aux soins, les citoyens devront ouvrir leur ordinateur, cliquer sur Clic Santé, trouver la bonne page afin d’obtenir un rendez-vous. Et puis, ils devront écrire leur code postal et leur raison de consultation. Or, plusieurs de nos patients n’ont pas d’ordinateurs ou n’arrivent pas à s’en servir. J’en ai plusieurs qui n’arrivent même pas à activer leur portail ou imprimer leurs requêtes, préférant passer par la clinique pour recueillir leurs formulaires ou attestations. Comment cela fonctionnera-t-il pour les nuls en Internet? Aurons-nous alors deux classes de patients? Les riches et les futés qui bénéficieront des «avantages» du système et les autres qui devront faire le pied de grue en patientant au téléphone ou en personne?L’IA, Big BrotherIl faut aussi s’attendre à ce que l’IA demande aux médecins leurs cédules de travail et établisse la durée et la fréquence des visites. Ce qui lui permettra d’évaluer leurs performances. Elle produira alors de savants tableaux nous comparant à nos pairs et nous incitant à en faire davantage. Je vois déjà le directeur du département nous convoquer lors du renouvellement de nos privilèges: «Docteur, bravo pour votre travail… Toutefois, vous ne travaillez pas assez… Vous ne faites pas suffisamment de prises en charge… Vous n’avez pas assez de patients inscrits à votre nom… Vous passez trop de temps avec les malades - il faut savoir déléguer… Vos patients se plaignent de ne pouvoir vous voir…Vos délais pour les rappeler sont trop longs… Vous prescrivez trop d’examens… Vous ne faites assez de DPC… Vous prenez trop de vacances... et surtout vous pénalisez tous les autres médecins de la clinique et du CISSS par votre mauvaise performance. Il faut que ça change.Voyez vous-même, nous avons ici vos chiffres.»Il ne semble que l’on n’est pas très loin de Big Brother.L’IA, responsable de perte de productivitéDéjà que nous perdons un temps fou à dompter la machine. Il n’y a pas une semaine, que dis-je, il n’y a pas une journée qui passe, sans qu’un problème informatique quelconque ne surgisse. À preuve, regardez le nombre de résolutions de problèmes dont nous avons été témoins juste la semaine passée: délai de réception de labos, impossibilité d’accès à la télédermatologie, téléconsultations non accessibles, DSQ non fonctionnel, CNESST inaccessible, etc. Tous ces incidents sont autant de moments où des médecins ne peuvent plus travailler, bloqués dans leurs démarches.Je les entends maugréer chacun dans leur coin:«Coudonc…qu’est-ce qui se passe encore avec l’informatique!»Et les voilà tous à redémarrer leur ordinateur dans l’espoir que le problème se règle par lui-même. Comme dans le bon vieux temps quand nous tentions de redémarrer nos chars en mettant un peu moins de «choke».Quand ce n’est pas de DMÉ qui bogue, c’est la clé du DSQ qui refuse de fonctionner. Elle me frustre celle-là quand je lis le message d’erreur: «La clé n’est pas branchée» alors même qu’elle est là pendouillant du port USB! Évidemment, quand je travaille au GMFU à l’hôpital, ça va – je n’ai qu’à appeler le support informatique. Mais c’est une autre paire de manches quand je suis à la clinique, tout seul comme un coq d’Inde à essayer de rejoindre mon fournisseur de DMÉ, comptant les minutes avant qu’il daigne me répondre pendant que les patients s’entassent dans la salle d’attente. Le pire est que si vous souhaitiez vous plaindre des défaillances du système, vous ne sauriez pas à qui vous adresser. Certainement pas au Commissaire aux plaintes, ni au CMQ. Ces organismes vous surveillent vous, pas le système.Je serais curieux de connaître le temps que les médecins passent chaque semaine à résoudre des problèmes informatiques. Vivrons-nous un autre SAAQclic? Un genre de MED-Clic ou de DUBÉ-Clic?Mais que voulez-vous, aujourd’hui, on ne saurait se passer de l’informatique. S’il est vrai que l’on n'arrête pas le progrès et encore moins l'in-intelligence artificielle, une chose demeure certaine: ne lui soumettez pas ses fautes d’orthographe…

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Derrière ce blogue:

Roger Ladouceur

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