Les professionnels de la santé voient l’avenir en noir au Canada

Médecins, infirmières, pharmaciens, inhalothérapeutes et autres professionnels de la santé partagent un point commun au Canada: ils sont au bout du sarrau. Stressés et exténués par la crise de la COVID-19 et par celle de la main-d’œuvre qui a pris le relais depuis, 73% d’entre eux déclarent penser à changer d’emploi dans les 12 prochains mois. Peu de médecins (16%) et encore moins d’infirmières (9%) ont déjà un plan, mais les secondes sont plus enclines à «se tourner vers un tout autre secteur» d’activités que les premiers (19% contre 7%). Les raisons qui poussent ces travailleurs à vouloir changer de vie sont diverses, et parfois cumulatives, peut-on constater dans un sondage de la firme de conseils en ressources humaines Blue Ivy Group qui a été réalisé fin septembre-début octobre auprès de 359 professionnels de santé canadiens. En tête de ce triste palmarès arrive le niveau de stress (54%), suivis par l’impact du boulot sur la santé et le bien-être (49%), l’équilibre entre vie privée et professionnelle (45%), la charge de travail (44%), la rémunération (42%) et enfin le manque de soutien de la direction (35%). Bizarrement, le climat au travail n’y figure pas. Pourtant, 44% des personnes interrogées le jugent «hautement toxique», les médecins moins que les infirmières (31% contre 48%). Les uns comme les autres disent en revanche ressentir une «forte frustration» chez les patients et ils disent les comprendre: neuf sur dix estiment que les systèmes de santé canadiens sont «pires/pas bons» (“worse/not good”, dans la version originale du sondage). La moitié des infirmières sondées déclarent notamment n’avoir qu’un «faible» ou «très faible» temps à consacrer à chaque patient, contre un peu plus du quart des médecins; l’ensemble des travailleurs de la santé pointant du doigt leurs tâches administratives auxquelles ils disent consacrer de 26 à 50% de leur temps. Pénuries à risque À court terme, ils identifient un danger clair et actuel pour la santé des patients: la pénurie de main-d’œuvre qui affecte toutes les catégories d’emploi, mais en priorité celle des infirmières (89% du panel), puis celle des médecins (65%) et, dans une moindre mesure, celle des chirurgiens (28%). À plus long terme, les professionnels de la santé sondés entrevoient un avenir sombre. Si 26% pensent que les choses vont s’améliorer et 24% que cela prendra des années, 68% sont beaucoup plus pessimistes. Près de la moitié considère qu’il faut radicalement changer la façon de dispenser les soins de santé et 16% estiment que cela prendra des décennies. Lire aussi: Abandonner la pratique en première ligne? Un omnipraticien sur deux y pense Interrogés sur le parti politique qui serait le mieux placé pour résoudre la crise des systèmes de santé au Canada, 38% des travailleurs de la santé ont répondu qu’ils n’avaient confiance dans aucun des partis actuels. Ensuite, le NPD revient le plus souvent (28%), devant le Parti conservateur (15%), le Parti libéral (14%), le Parti vert (2%) et, à égalité, le Bloc québécois et le Parti populaire du Canada (1%). «En parlant avec les travailleurs de la santé, il est évident que cette crise n’est pas une question de lits ou d’installations supplémentaires», observe la cofondatrice et directrice générale du Blu Ivy Group, Stacey Parker. Selon elle, c’est avant tout une crise des vocations entretenue par des conditions et des horaires de travail peu enviables. «Un nombre record d’infirmières nouvellement autorisées commencent leur carrière dans des lieux de travail décrits par leurs collègues titulaires comme "hautement toxiques". Imaginez l’impact que cela a sur leur passion pour leur métier, leur propre bien-être et leur envie de faire carrière», souligne Mme Parker, convaincue que «les campagnes de recrutement ne suffiront pas à résoudre la crise des soins de santé. Afin d’embaucher et de retenir les talents nécessaires pour (la) résoudre, on doit changer la culture de travail et revaloriser ces métiers pour les rendre attirants.»

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