Les professionnels de la santé sous haute tension depuis deux ans

«La pression exercée sur les travailleurs de la santé s’est intensifiée depuis le début de la pandémie et a révélé des failles structurelles qui existent depuis une dizaine d’années», conclut l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) dans un rapport publié ce jeudi, qui met en lumière les «contraintes sans précédent» exercées par la COVID-19 sur les systèmes de santé au pays. Contraintes qui se répercutent sur les rythmes de travail des professionnels de la santé ainsi que sur leurs effectifs qui n’ont pas cru en conséquence. Or «sans eux, nous n’avons plus de système pour dispenser les soins», rappelle si besoin l’organisme pancanadien. Les données dévoilées par l’ICIS montrent notamment que le nombre moyen d’heures supplémentaires effectuées en 2021 par les personnels de santé a atteint «un sommet inégalé depuis plus de 10 ans». L’an dernier, plus d’un employé sur cinq a ainsi fait du temps supplémentaire, en moyenne 8,2 heures payées et 5,8 heures non rémunérées par semaine. Les ambulanciers paramédicaux (45%), les omnipraticiens salariés (34%) et les inhalothérapeutes (31%) figurent parmi les professionnels qui en ont effectué le plus. «La pandémie a exacerbé les contraintes organisationnelles sur nos systèmes de santé. À l’échelle du pays, tout le monde travaille fort pour résoudre les problèmes de main-d’œuvre en santé», observe la directrice des Services d’information sur les produits pharmaceutiques et la main-d’œuvre de la santé de l’ICIS, Deborah Cohen. Cette dernière veut approfondir le sujet «afin de trouver des solutions fondées sur des données probantes qui permettront d’améliorer la santé et le bien-être du personnel», et par ricochet ceux des patients. La hausse est particulièrement significative pour les personnels hospitaliers. Plus de 18 millions d’heures supplémentaires ont été enregistrées dans les hôpitaux canadiens en 2020-2021, soit une augmentation de 15% par rapport à l’année précédente. Ces heures supplémentaires correspondent à près de 9000 équivalents temps plein. Plus de la moitié d’entre elles ont servi à fournir des services infirmiers aux patients hospitalisés. Si leurs heures travaillées ont augmenté, les médecins ont néanmoins rendu moins de services de santé, «principalement en raison des mesures de santé publique liées à la COVID-19», souligne l’ICIS. De 2020 à 2021, leur nombre a reculé de près de 8% au pays (7% pour les médecins de famille, 9% pour les spécialistes). La chute a particulièrement été marquée au printemps 2020 (- 26%), suivie d’une remontée progressive durant le reste de l’année. Dans l’ensemble, le volume de services est pratiquement revenu à son niveau prépandémique au début de l’année 2021. L’enjeu des effectifs Au-delà de ces impacts circonstanciels, «la pandémie a mis au jour les vulnérabilités qui existaient déjà et qui n’ont cessé de croître au cours de la dernière décennie», indique l’ICIS en pointant l’enjeu des effectifs. «Les contraintes que subissent les travailleurs de la santé dans tout le continuum de soins et dans l’ensemble des provinces et territoires sont telles qu’entre 2020 et 2021, il y a eu une baisse de près de 500 infirmières dans les soins directs en soins de longue durée, et de plus de 100 infirmières auxiliaires dans les soins directs au sein d’organismes de santé communautaires», mentionne l’organisme indépendant à but non lucratif. Dans le même temps, plus de 1200 infirmières (soit une hausse de 6,5%) et environ 600 infirmières auxiliaires (+ 8,2%) qui travaillaient dans les soins directs aux patients ont quitté leur emploi pour rejoindre une agence privée de soins infirmiers ou se mettre à leur compte. «Les soins de santé sont une question complexe. Il n’y a pas de solution miracle, mais des travaux sont en cours avec les provinces et les territoires afin d’examiner l’ensemble des effectifs de la santé», indique l’infirmière en chef pour le Canada, Leigh Chapman, citée dans le communiqué de l'CIS. «Des solutions possibles consisteraient à grandement accélérer l’intégration des infirmières formées à l’étranger, à inciter les infirmières ayant quitté la profession à reprendre du service ainsi qu’à renforcer le maintien en poste des infirmières en améliorant leurs conditions de travail», ajoute-t-elle. Dans l’ensemble, les effectifs de médecins, d’infirmières et de pharmaciens ont respectivement crû en 2021 de 2%, 2,4% et 3,6% par rapport à 2020. Sur la dernière décennie, l’ICIS constate cependant que «la croissance annuelle moyenne de l’effectif des médecins de première ligne a ralenti, passant de 3,4% de 2012 à 2014 à 1,3% de 2019 à 2021». Durant la même période, le nombre d’infirmières praticiennes spécialisées (IPS) a quant à lui augmenté de 10%. Une bonne chose, selon l’ICIS qui estime que «le recours aux IPS peut aider à réduire la pression exercée sur les systèmes de santé et à améliorer l’accès aux soins de première ligne, particulièrement dans les régions rurales et éloignées». Si les effectifs augmentent en santé, lentement, mais sûrement, la pénurie de main-d’œuvre continue elle aussi d’augmenter. Les données de Statistique Canada révèlent qu’au quatrième trimestre de 2021, le nombre de postes vacants dans le secteur de la santé et de l’assistance sociale a atteint un «record absolu de 126 000, soit près du double observé en 2019», note l’ICIS en précisant que c’est dans les hôpitaux, les établissements de soins infirmiers et l’hébergement de longue durée que les postes à pourvoir ont le plus augmenté.

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