«Les médicaments, c’est 17 % des coûts du système de santé» - Marc Desmarais, président du Conseil du médicament

Les médicaments occupent une place grandissante dans les soins de santé. Même s’il n’est pas connu du grand public, le Conseil du médicament est un acteur incontournable dans le choix des traitements remboursés par la RAMQ. Discussion sur le rôle des médicaments dans notre société avec le président du Conseil, le pharmacien Marc Desmarais. Quelle sera la place des médicaments dans le système de santé québécois au cours des prochaines années?La proportion du budget en santé consacrée aux médicaments est en constante progression depuis une quinzaine d’années. Les médicaments représentent aujourd’hui environ 17 % des coûts de notre système de santé.Le grand bouleversement, c’est que nous nous tournons de plus en plus vers des médicaments qui cibleront des populations bien précises, mais qui coûteront beaucoup plus cher.Ce phénomène aura évidemment d’importantes répercussions, notamment pour l’industrie pharmaceutique, mais aussi pour le régime public.Pouvez-vous nous résumer comment vous établissez le rapport coût/bénéfice des nouveaux médicaments?Notre principal outil est le QALY (Quality Adjusted Life Year), qui nous permet de déterminer ce qu’il en coûte en traitement pour une année en bonne santé. Bien qu’il soit rare qu’un médicament avec un rapport coût/bénéfice de 50 000 $ fasse partie de nos recommandations, le Conseil n’a pas de seuil maximal. Chaque cas est évalué séparément.Mais il y a des exceptions. On peut notamment penser à Avastin, le médicament contre le cancer colorectal...L’exemple est intéressant, car le Conseil a évalué que son rapport coût/bénéfice excédait 100 000 $. Nous avons donc recommandé au ministre de ne pas l’inclure à la Liste.Le ministre en a décidé autrement, mais il a cependant publié une longue liste de critères restreignant l’utilisation de ce médicament à des cas bien précis.Après coup, je considère que le ministre a pris une bonne décision. Le Conseil a un mandat bien précis d’évaluation de la pharmacoéconomie. Mais, dans certains cas, il est justifié de considérer d’autres aspects qui sortent de notre cadre de référence.Le fait que l’industrie pharmaceutique soit parmi les principaux acteurs économiques du Québec peut-il avoir un impact sur le choix des médicaments inscrits sur la Liste?Oui. Il est déjà arrivé que des ministres de la Santé des deux principaux partis politiques fassent fi de nos recommandations pour des motifs économiques. Il faut cependant dire que c’est extrêmement rare et que, ultimement, les gouvernements sont redevables à la population. Ils se doivent d’expliquer leurs décisions.Que pensez-vous du modèle néo-zélandais d’attribution de contrats par appel d’offres pour certains médicaments?Pas besoin d’aller si loin! C’est aussi le cas en Saskatchewan. Or, l’industrie pharmaceutique n’est presque pas présente en Nouvelle-Zélande ni en Saskatchewan. La réalité économique est tout à fait différente. Cela dit, rien n’empêche notre ministre de la Santé de négocier les prix des médicaments.Certains critiquent la valeur des études fournies par les entreprises pharmaceutiques pour leurs médicaments. Comment les évaluez-vous? Il faut les analyser avec discernement. Ce n’est évidemment pas idéal, mais c’est le seul outil dont nous disposons. C’est toujours mieux que de ne pas avoir de nouveaux médicaments! Je crois cependant qu’il faudrait envisager de mettre en place certaines mesures de contrôle supplémentaires, notamment afin qu’il y ait une déclaration obligatoire des intérêts des chercheurs. Il y a également un problème avec le fait que les entreprises pharmaceutiques ne nous présentent pas les études négatives portant sur leurs médicaments.Le Conseil du médicament fera bientôt partie intégrante de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS). Qu’est-ce que cette nouvelle structure apportera de plus aux contribuables?Je crois que le fait de jumeler le Conseil du médicament avec l’Agence d’évaluation des technologies et des modes d’intervention en santé (AETMIS) permettra d’accroître la portée de l’INESSS dans les recommandations qu’elle soumet au gouvernement. Comme nous disposons de plus en plus de médicaments s’adressant à des clientèles bien précises, cela nécessite l’emploi d’outils technologiques plus sophistiqués comme des tests de laboratoire. Il est donc important de tenir compte de tous ces facteurs. Par exemple, si l’INESSS avait déjà été en place, il n’y aurait probablement pas eu la crise entourant les tests de dépistage du cancer du sein.Par ailleurs, je trouve qu’il est fort pertinent d’inclure les services sociaux dans le mandat de l’INESSS. Certaines pathologies comme le trouble du déficit de l’attention ou la fibromyalgie comportent une importante dimension sociale qui doit faire partie de notre raisonnement sur les médicaments.Ferez-vous partie du conseil de l’INESSS?Dans les faits, j’ai déjà terminé mon mandat à la présidence du Conseil du médicament, mais on m’a demandé d’assurer la transition vers l’INESSS. Bien que je pourrais accepter certains mandats spécifiques pour l’INESSS, je ne crois pas que je ferai partie de son conseil d’administration. J’ai d’autres projets que j’aimerais bien pouvoir réaliser. Des choix difficiles...Par ses recommandations, le Conseil du médicament a une incidence directe sur la vie de milliers de patients. Ce fardeau est-il lourd à porter pour Marc Desmarais?«Aucun professionnel de la santé n’aime annoncer que le meilleur traitement pour un patient n’est pas remboursable. Malheureusement, nous avons des ressources financières limitées. Nous devons donc faire des choix qui peuvent avoir des conséquences négatives pour certaines personnes, mais représenter la meilleure décision d’un point de vue collectif», explique-t-il.«Bien que je sois pharmacien, je suis avant tout un gestionnaire de projets, poursuit Marc Desmarais. Mon travail consiste justement à prendre des décisions, même si elles ne sont pas toujours faciles.»

«Les médicaments, c’est 17 % des coûts du système de santé» - Marc Desmarais, président du Conseil du médicament

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