Les médecins peuvent être leurrés par des patients toxicomanes qui falsifient leur tests de dépistage

Les médecins recourent souvent à des tests d'urine pour s'assurer que les personnes qui prennent des médicaments contre la dépendance aux opioïdes suivent bien leur traitement. Une nouvelle étude suggère qu'ils pourraient se faire duper par certains d’entre eux qui falsifient leurs tests. Aux États-Unis, près de 8% de ces patients modifient parfois leur urine en y ajoutant leur traitement médicamenteux, la buprénorphine. Ce type de «dopage» peut passer inaperçu si les médecins utilisent des tests rapides, plutôt que des tests de laboratoire plus sophistiqués pouvant révéler la tricherie. «Ces patients présentent un risque particulièrement élevé de surdose d'opioïdes, car ils ne bénéficient pas des effets protecteurs de la buprénorphine», souligne le Dr Jarratt Pytell, de la Faculté de médecine de l'Université du Colorado, qui a dirigé l'étude publiée dans la revue JAMA Psychiatry. Quelque 2,4 millions d'adultes américains se voient prescrire ce médicament de référence pour le traitement de la dépendance aux opioïdes. Il agit en prévenant l'état de manque et sa prescription est souvent associée à des conseils et à d'autres formes de soutien. Face à l'augmentation du nombre de décès par surdose, le Congrès a récemment facilité la prescription de la buprénorphine, vendue sous le nom de Suboxone, par un plus grand nombre de médecins. Dans l'étude, les chercheurs ont examiné plus de 500 000 résultats d'analyses d'urine provenant de Millennium Health, un grand laboratoire spécialisé dans le dépistage des drogues. Les tests avaient été commandés par des médecins entre 2017 et avril 2022. Moins de 2% des échantillons - provenant de 7,6% des patients - présentaient des preuves que ces derniers avaient directement ajouté de la buprénorphine à l'échantillon d'urine. L'ajout est indiqué par une faible quantité d'une substance produite lorsque la buprénorphine se décompose dans le foie. Lire aussi: Opioïdes: les nouvelles lignes directrices américaines trouveront peu d'écho au Québec Les échantillons suspects ont davantage été collectés dans les cabinets de médecins de famille que dans les cliniques de traitement spécialisées. De plus, les patients aux échantillons contaminés étaient plus susceptibles d'être testés positifs à l'héroïne ou au fentanyl. Les médecins ne devraient pas exclure les patients qui trichent, recommande le Dr Pytell. Cela pourrait conduire à des surdoses. Au contraire, un résultat suspect doit donner lieu à une discussion franche et éventuellement à un niveau de soins plus élevé. Les praticiens doivent par exemple se demander si ces patients vivent dans un logement inadéquat ou s’ils sont confrontés à des problématiques de santé mentale ou à des difficultés financières. «Lorsque des patients falsifient leur échantillon d'urine, cela indique souvent qu'ils sont instables dans leur rétablissement et qu'ils pourraient avoir besoin d'un peu plus de soutien», observe Brendan Saloner, coauteur de l'étude et membre de l'École de santé publique Johns Hopkins Bloomberg. «Malheureusement, de nombreux patients sont pénalisés soit par leur programme, soit par une autorité légale. Ils ont donc des motifs à vouloir masquer le fait qu'ils ne prennent pas leur buprénorphine tel que cela leur a été prescrit.» Lire aussi: Un pharmacien radié un an pour 50 ordonnances falsifiées Médecin de première ligne dans la région de Seattle, la Dre Kim Dougan a traité des centaines de patients avec la buprénorphine. «Les gens retrouvent non seulement leur vie, mais aussi leur emploi et leur famille», explique-t-elle. Ses nouveaux patients subissent un test d'urine hebdomadaire qui est envoyé à un laboratoire. Les patients stables, traités à long terme, effectuent quant à eux un test annuel. Si les résultats du laboratoire semblent suspects, elle en parle au patient, mais ne le punit pas et ne le juge pas. Mon travail consiste à leur dire: «Que se passe-t-il ici? indique la Dre Dougan. Il est important d'être ouvert et de ne pas porter de jugement.»

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