Les maladies liées au stress sont difficiles à diagnostiquer, mais une approche ludique centrée sur le patient peut aider

Depuis trois décennies au moins, la recherche a rassemblé des preuves que le stress chronique exerce une pression sur l'organisme qui doit constamment s'adapter afin de rétablir la stabilité physiologique. Ce processus, connu sous le nom de charge allostatique, crée une cascade d'activités métaboliques toxiques qui entraînent l'usure de l'organisme. La charge allostatique rend les gens vulnérables à divers types de problèmes cardiaques, gastro-intestinaux, endocrinologiques, immunologiques, neurologiques, métaboliques et psychiatriques. De nouvelles données montrent que les facteurs de stress psychosociaux et économiques influencent les résultats en matière de santé. Mais ni nos médecins, ni nos systèmes de santé ne disposent des outils et méthodes nécessaires pour intégrer ces facteurs sociaux et économiques dans nos diagnostics ou nos soins préventifs. Voici un exemple personnel. Récemment, j'ai appelé mon médecin pour lui signaler de nouvelles douleurs mystérieuses. L'évaluation approfondie et la prise de notes qui ont suivi auraient été très utiles si j'avais souffert d'une infection ou d'une blessure spécifique, ou si mes analyses sanguines étaient imparfaites. Mais j'avais des symptômes qui avaient commencé lentement et dont la fréquence augmentait avec le stress lié à la COVID-19 et au travail. Plus elle insistait pour identifier comment, où et quand exactement mes douleurs avaient commencé, plus je me sentais coupable de mon état imprécis. Lorsque j'ai plaisanté en disant que j'avais juste besoin d'un mois pour passer du temps avec Freud dans les Alpes, elle a suggéré de me prescrire des antidépresseurs. Je suis retombé dans l'humour auto-culpabilisant: «Peut-être que tout cela est psychosomatique», lui ai-je dit. La stigmatisation des douleurs inexpliquées Beaucoup trop de personnes vivent ce genre d'expérience. La stigmatisation et les préjugés implicites à l'encontre de ceux qui souffrent de douleurs chroniques et inexpliquées (vus comme des personnes qui se plaignent, simulent ou veulent des médicaments) sont profondément enracinés. Ils sont liés au sexe. Ils sont également raciaux. Bien que l'on sache que le stress et les disparités sociales et économiques rendent les gens malades, les médecins ne disposent pas des outils adéquats pour remédier à ces facteurs de maladie. Au mieux, en plus des médicaments, ils peuvent proposer une psychothérapie, qui reste inaccessible et inabordable pour la plupart. Notre système de soins n'est pas, non plus, équipé pour s'attaquer aux déterminants psychosociaux de la santé, qui sont situationnels et culturels, de sorte qu'ils requièrent davantage qu'une approche clinique des soins. Par exemple, les recherches sur la prescription d'analgésiques aux minorités raciales et ethniques montrent que la douleur des patients noirs est sous traitée. Cela reflète un manque de confiance dans les symptômes signalés par ceux qui peuvent déjà souffrir d'autres formes de disparité socio-économique. Depuis la mort en 2020 de Joyce Echaquan, victime de mauvais traitements et de douleurs non traitées dans un hôpital québécois, il est impossible d'ignorer plus longtemps le problème des inégalités en santé. Comment les approches combatives créent des stigmates Depuis la publication de la première étude épidémiologique en 1662, nous essayons de prévoir et de minimiser les causes de mortalité. La science et la technologie sont censées nous aider à gagner la bataille contre la maladie et le handicap. Une vision structurelle particulière du monde façonne notre culture médicale actuelle. Elle adopte une approche combative de la maladie : elle combat le cancer, les épidémies d'opioïdes, la dépression, le diabète et d'autres affections. Implicitement, les cultures combatives valorisent et récompensent les gagnants. Lorsque nous faisons l'éloge des héros (par exemple, des personnes de 100 ans qui mènent une vie active), nous transformons implicitement ceux qui échouent en perdants. C'est ainsi que les patients et leurs soignants co-créent la stigmatisation et la honte associées à la maladie chronique ou même au vieillissement. Heureusement, un changement s'est amorcé en faveur de la justice épistémique, qui reconnaît les pratiques culturellement appropriées et les connaissances traditionnelles. Des pratiques de soins de santé centrées sur le patient font aussi leur apparition. Le leadership autochtone dans la décolonisation des soins de santé accélérera ces efforts. Pour que le système de santé commence à agir selon ces principes, il faut passer à des méthodologies de recherche plus souples, qualitatives et écologiques. Pourquoi le jeu est important En 1509, l'érudit de la Renaissance Érasme a écrit son Éloge de la folie pour affirmer que le jeu est une nécessité existentielle. Il aide les humains à faire face au caractère inévitable du vieillissement et de la mort en devenant oublieux et insouciants - comme les enfants. Différentes formes de jeu sont proposées par les thérapeutes ou les milieux de vie des aînés pour faciliter la communication sur des conditions de santé difficiles ou terminales. Dans Vers une écologie de l’esprit (Steps To an Ecology of Mind, 1971), l'anthropologue Gregory Bateson a proposé le jeu comme un espace expérimental de communication et d'apprentissage rétroactif où les gens peuvent simuler, interpréter et évaluer les résultats de leurs choix dans un terrain de jeu encadré, mais flexible. En effet, le jeu est un outil de recherche bien connu en psychologie du développement, en anthropologie, en économie et en stratégie militaire. Dans le contexte d'un effort mondial de suivi et de profilage numérique des causes potentielles de maladie, mes collègues chercheurs et moi-même avons récemment suggéré que le jeu offre une autre façon d'aborder la recherche et d'agir dans cet écosystème numérique. Prescrire le jeu Vingt pour cent des personnes souffrent de douleurs chroniques. Que faisons-nous lorsque nous ne pouvons pas «gagner» la bataille contre la douleur? Souvent, les prescriptions de médicaments offrent les remèdes les moins chers et les plus rapides. Mais elles ne sont pas toujours efficaces et les effets indésirables peuvent être désastreux. C'est pourquoi les membres de l'Organisation mondiale de la santé s'accordent de plus en plus à investir dans la recherche de méthodes de soins alternatives. Dans Homoludens (1938), l'historien Johan Huizinga a montré que le jeu est une tendance spécifiquement humaine à créer des esthétiques et des rituels imaginatifs qui donnent des significations différentes aux actes de satisfaction des besoins biologiques tels que l'abri, la nourriture et la sécurité. En effet, le jeu peut devenir un acte créatif et générateur de connaissances. L'art-thérapie créative ou les écrits expressifs peuvent aider à repérer et à contrôler ce qui provoque la douleur. Imaginez qu'au lieu de me pousser à fournir des chiffres précis sur l'intensité et la fréquence de mes douleurs, on me permette d'utiliser des métaphores et de jouer pour expliquer mes symptômes et mes besoins à mon médecin. Imaginez que le cadre de soins soit un peu plus souple pour permettre à mon médecin de me prescrire des cours de yoga ou de m'aider à explorer un programme de pleine conscience. Imaginez que les cliniciens intègrent des méthodes indigènes de connaissance pour ÉCOUTER la douleur (langage, individu, partage, moments d'enseignement, engagement et navigation). Imaginez que les responsables de la santé publique n'attendent pas que le stress chronique rende la population malade pour investir dans des politiques de bonheur comme celles des Pays-Bas, le pays d'Érasme et de Huizinga. Passer du jeu à l'action Lorsque les connaissances et les soins font défaut (par exemple, pour les femmes atteintes d'endométriose), les médias sociaux deviennent un espace de production de connaissances. Dans Faire numériquement face à la maladie (Coping with Illness Digitally), Stephan Rains, chercheur dans le domaine de la santé et des communications numériques, montre que les gens se connectent à des communautés qui offrent des informations et des soins grâce à des expériences partagées. La pandémie de COVID-19 a illustré la capacité des médias sociaux à générer des données sur la gestion du stress. Toutefois, si nous voulons être gouvernés par les chiffres, nous avons besoin d'un terrain de jeu où nous sommes en sécurité et où nous ne sommes pas surveillés passivement. Dans un véritable terrain de jeu, les participants ne sont pas surveillés, mais s'engagent à générer des connaissances sur les facteurs de stress psychosociaux qui les rendent malades. Des plates-formes telles que Patients Like Me fournissent un modèle pour ajouter nos récits de maladies générées par le stress et nos stratégies d'adaptation. Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.

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