Les antibiotiques et un microbiome intestinal perturbé sont liés aux allergies infantiles les plus courantes

Les bactéries présentes dans l'intestin sont liées à l'eczéma, à l'asthme, au rhume des foins et aux allergies à certains aliments chez l'enfant, suggère une étude canadienne, et les chercheurs notent que les nourrissons à qui l'on prescrit des antibiotiques courent un plus grand risque de développer une ou plusieurs de ces affections. Le Dr Stuart Turvey, l'un des chercheurs principaux de l'étude publiée mardi dans la revue Nature Communications, indique que les perturbations d'un microbiome en cours de maturation amènent le système immunitaire à lutter contre des aliments inoffensifs ou des pollens, y compris l'herbe. Cela déclenche des réactions telles que le nez bouché, les éternuements, la toux et l'enflure de la peau sous les yeux. Le risque de développer au moins une des principales allergies est plus que doublé à l'âge de cinq ans chez les enfants à qui l'on avait prescrit des antibiotiques avant leur premier anniversaire. En effet, ces médicaments éliminent les bactéries protectrices et introduisent des bactéries nocives qui ont des conséquences lourdes tout au long de la vie, signale le Dr Turvey. «Nous avons établi un lien avec la structure du microbiome, car ce que nous savons et comprenons, grâce à ce travail et à d'autres, c'est que la colonisation bactérienne au début de la vie est essentielle pour former le système immunitaire et l'aider à savoir à quoi il doit réagir et à quoi il ne doit pas réagir», explique le pédiatre, chercheur au B.C. Children's Hospital Research Institute, à Vancouver. «Le système immunitaire devient confus et c'est ce qui est au cœur de ces maladies allergiques», ajoute le Dr Turvey, également professeur à l'Université de la Colombie-Britannique, qui a dirigé l'étude à laquelle ont participé plusieurs universités à travers le pays. Les chercheurs ont pris en compte l'eczéma, l'asthme, le rhume des foins et les allergies alimentaires, bien que leurs symptômes uniques signifient qu'ils ont généralement été étudiés séparément. Plus de 1115 enfants ont été suivis de la naissance à l'âge de cinq ans, 523 d'entre eux n'ayant aucun signe d'allergie. Les 592 autres avaient été diagnostiqués avec une ou plusieurs allergies à l'âge de cinq ans. Dans ce dernier groupe, 367 enfants souffraient d'eczéma ou de dermatite atopique, 165 avaient de l'asthme et certains souffraient de trois ou de toutes ces affections. Les chercheurs ont évalué le microbiome de chaque enfant à partir d'échantillons de selles prélevés lors de consultations cliniques à l'âge de trois mois et d'un an. Les échantillons ont révélé une «signature bactérienne» associée à l'apparition de l'une des quatre allergies chez les enfants à l'âge de cinq ans. Cette signature est considérée comme une marque de dysbiose, c'est-à-dire un déséquilibre entre les bonnes et les mauvaises bactéries dans l'intestin, ce qui rend les personnes sujettes aux allergies. Les données utilisées par les chercheurs proviennent de l'étude de cohorte CHILD (Canadian Healthy Infant Longitudinal Development), la plus grande étude de population au pays depuis son lancement en 2008. Lire aussi: Un timbre cutané pour traiter les allergies aux arachides chez les tout-petits? Les antibiotiques dans la mire Selon le Dr Turvey, l'un des messages forts de l'étude réside dans le fait que les antibiotiques ne devraient pas être utilisés à moins qu'ils ne soient absolument nécessaires pour traiter une infection bactérienne. Il peut s'agir d'une infection de l'oreille, d'une infection du sang ou d'une infection aussi grave que la méningite. Les antibiotiques ne sont pas efficaces contre les infections virales. «Mais nous savons que de nombreuses prescriptions d'antibiotiques au cours de la première année de vie ne concernent pas des infections bactériennes et pourraient être évitées», observe le Dr Turvey, ajoutant que les parents devraient également être informés du rôle des médicaments dans la perturbation du microbiome. «Certains parents viendront à la clinique pour réclamer des antibiotiques», regrette-t-il. L'étude a également étayé des recherches antérieures selon lesquelles l'allaitement des bébés jusqu'à six mois constitue une mesure de protection, car le lait contient des bactéries qui favorisent un microbiome sain. Le Dr Turvey et ses collègues espèrent que leurs travaux déboucheront sur des traitements ou des moyens de prédire si un enfant développera des allergies, un problème de santé qui touche un enfant sur trois au Canada, et des millions dans le monde: «C'est la première raison pour laquelle les enfants se rendent aux urgences, la première raison pour laquelle les enfants manquent l'école et la première raison pour laquelle nous facturons notre système de santé au Canada.» Directrice exécutive de l'organisation à but non lucratif Allergies Alimentaires Canada, Jennifer Gerdts souligne que le lait et les œufs sont les coupables les plus courants, mais que certaines personnes interprètent une allergie au lait comme une intolérance au lactose, alors que ces deux affections ont des conséquences très différentes. Lire aussi: De moins en moins d’épinéphrine utilisée à domicile pour les enfants Éduquer les parents et les enfants Les allergies alimentaires peuvent susciter beaucoup d'anxiété chez les parents qui craignent que leurs enfants soient exposés à des aliments dangereux dans différents contextes, en particulier lorsqu'ils comptent sur les autres pour comprendre leur condition, poursuit-elle. «Cela a un impact psychologique important parce qu'il y a cette peur de ne pas pouvoir contrôler l'environnement dans lequel on se trouve, cette peur de la prochaine réaction.» Environ 40 à 50% des enfants souffrant d'allergies alimentaires ont également de l'asthme, estime Jennifer Gerdts. «Ils sont tous liés. Je pense que c'est ce qui est intéressant dans cette (étude). Il pourrait y avoir des possibilités pour la communauté des chercheurs de se pencher sur la question: Comment pouvons-nous explorer les possibilités de traitement pour ceux qui ont le plus grand fardeau de maladie allergique dans tous ces domaines?» Ses fils jumeaux, aujourd'hui âgés de 21 ans, ont reçu à l'âge de trois ans un diagnostic d'allergies aux cacahuètes, aux œufs, au sésame, aux fruits de mer et au poisson. Ils souffraient également d'eczéma. Ils ont été diagnostiqués après avoir eu une réaction anaphylactique aux fruits de mer et s'être retrouvés aux urgences, relate Mme Gerdts. Il se trouve qu'elle avait un EpiPen dans une trousse de secours que la famille emportait en camping. Ce dispositif est utilisé pour administrer rapidement une dose mesurée d'épinéphrine, qui inverse les symptômes de l'anaphylaxie et peut sauver la vie d'une personne. Selon la directrice de Allergies Alimentaires Canada, l'éducation est cruciale pour la santé publique, mais les allergies infantiles restent méconnues car la plupart des enfants ont l'air en bonne santé jusqu'à ce qu'ils aient une réaction grave. Au cours de la nouvelle année scolaire, l’organisme proposera un programme national de sécurité alimentaire qui a déjà été lancé en ligne. Il a été testé dans 55 écoles de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick et de l'Alberta en mai, et les résultats ont été «exceptionnels»: 97% des écoles sont prêtes à l'enseigner à nouveau, affirme Mme Gerdts. Le cours «Tout sur les allergies alimentaires», destiné aux élèves de la quatrième à la sixième année, s'adresse aux enfants souffrant d'allergies ainsi qu'à ceux qui pourraient devenir des «alliés des allergies alimentaires», précise-t-elle. «Si l'on parvient à faire comprendre aux enfants qu'il s'agit d'une maladie grave, avec les données scientifiques qui la sous-tendent, que c'est ce qui se passe dans le corps d'un enfant, alors cela devient simplement quelque chose de normal dans la vie.»

Les antibiotiques et un microbiome intestinal perturbé sont liés aux allergies infantiles les plus courantes

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes