Les AINS peuvent causer des lésions rénales chez le foetus, l'enfant et l'ado

Des chercheurs de l’hôpital pour enfants, du London Health Sciences Center en Ontario, mettent en garde les professionnels de la santé à l'effet que l’utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) peut mettre certains enfants à risque de lésions rénales. Bien que la néphrotoxicité soit un risque bien connu de la thérapie par AINS chez les adultes, on en connaît moins sur ce risque chez les enfants.Les indications pour les AINS chez les enfants varient en fonction de l’âge. Le fœtus et les nouveau-nés sont exposés aux AINS, lorsque ces derniers sont utilisés comme agents tocolytiques chez la femme enceinte pour prévenir l'accouchement prématuré ou pour favoriser la fermeture du canal artériel. Chez les enfants plus âgés et les adolescents, les AINS sont utilisés pour traiter la douleur, la fièvre et les œdèmes. Néphrotoxicité liée aux AINS chez le fœtusDe l’insuffisance rénale et de l’anurie ont été rapportées chez les femmes enceintes ayant pris des AINS. Plusieurs cas de néphrotoxicité de différents degrés (créatinine accrue, oligurie, insuffisance rénale, anurie fatale) ont aussi été rapportés chez les fœtus des mères qui prenaient des AINS (la plupart du temps l'indométacine) durant la grossesse pour prévenir l’accouchement prématuré. Cependant, l'incidence de l'insuffisance rénale est considérée comme relativement rare compte tenu de l'utilisation généralisée des AINS par les femmes enceintes.En plus de l'insuffisance rénale, des déformations structurelles aux reins ont été signalés chez les nouveau-nés exposés aux AINS in utero avant l'achèvement de la néphrogenèse (qui a lieu à 36 semaines). Les prostaglandines semblent jouer un rôle clé dans le développement des reins, et l'inhibition de la COX par les AINS au cours de ce processus pourrait entraîner des changements irréversibles dans le glomérule et les tubules. Le risque semble être significativement plus faible lorsque l'exposition aux AINS a lieu après la néphrogenèse.Plusieurs facteurs de risque de dysfonction rénale liée au AINS chez le fœtus ont été identifiés: notamment les grossesses multiples, une utilisation prolongée et des doses cumulatives, une courte période entre l'administration des AINS et l'accouchement, les facteurs génétiques, le faible poids à la naissance et les médicaments utilisés en concomitance (aminoglycosides, glycopeptides, diurétiques). Néphrotoxicité liée aux AINS chez les nouveau-nésLes AINS sont fréquemment utilisés pour favoriser la fermeture du canal artériel pendant la période néonatale. Ils peuvent être donnés en prophylaxie, ou utilisés comme traitement précoce ou tardif. L’indométacine, l’AINS indiqué pour la fermeture du canal artériel, a été associée à des effets néphrotoxiques à la fois rapides et à long terme.L’ibuprofène est de plus en plus considéré comme la nouvelle option de première intention pour favoriser la fermeture du canal artériel. Une analyse des principaux essais contrôlés randomisés a montré que l'indométacine et l'ibuprofène ont une efficacité équivalente pour traiter cette pathologie, mais l'ibuprofène occasionne moins de néphrotoxicité. L’ibuprofène est aussi moins susceptible de causer l’oligurie ou d’augmenter la créatinine sérique chez les nouveau-nés que l’indométacine, que ce soit via une administration intraveineuse ou orale. Néphrotoxicité liée aux AINS chez les enfants et adolescentsLes indications thérapeutique des AINS chez les enfants et les adolescents sont semblables à celles chez les adultes : ces médicaments sont principalement utilisés pour leurs propriétés analgésiques, antipyrétiques et anti-inflammatoires. L'insuffisance rénale associée aux AINS chez les enfants en bonne santé est rare. Dans un essai contrôlé randomisé de 83 915 enfants avec de la fièvre, aucun risque accru d'insuffisance rénale n'a été observé chez les 55 785 patients qui ont reçu de l'ibuprofène sur une courte période comparativement au groupe témoin qui a reçu de l'acétaminophène.Néanmoins, les enfants hospitalisés, qui sont d'importants utilisateurs d'AINS, peuvent avoir un risque plus élevé de néphrotoxicité.Une étude rétrospective a déterminé combien de cas pédiatriques d'insuffisance rénale aiguë pouvaient être attribués à la néphrotoxicité liée à l’utilisation des AINS. Parmi les 1 015 cas identifiés, 27 (2,7%) ont été considérés comme ayant une insuffisance rénale liée aux AINS. Parmi ceux-ci, 21 avaient une nécrose tubulaire aiguë, tandis que les six autres souffraient d'une néphrite interstitielle aiguë. Toutefois, ces chiffres pourraient sous-représenter l'incidence réelle de l'insuffisance rénale aiguë liée aux AINS, car les cas qui impliquaient de multiples causes possibles (y compris celles auxquelles des AINS ont pu contribuer) ont été exclus de l'étude. Dans cette étude, la majorité des cas d'insuffisance rénale aiguë associée au AINS ont eu lieu chez des patients prenant des AINS à des doses recommandées.Les mêmes auteurs ont analysé 54 autres cas d'insuffisance rénale aigüe liée aux AINS chez les enfants. Ils ont constaté que la plupart des patients avaient finalement recouvré leur fonction rénale après avoir cessé la prise d'AINS.Un autre essai a comparé l'innocuité de l'acétaminophène à celle de l'ibuprophène pour le traitement de la fièvre chez 84 192 enfants en ambulatoire. Aucune augmentation du risque d'insuffisance rénale n'a été observée après l'utilisation à court terme d'ibuprofène; cependant, l'innocuité d'une utilisation plus prolongée de l'ibuprofène n'a pas été examinée. En outre, une série de cas a suggéré que l’utilisation d’AINS chez les enfants présentant une déplétion volumique était associée à un risque accru de lésions rénales.Certains facteurs semblent augmenter le risque d'insuffisance rénale aiguë induite par les AINS chez les enfants. Parmi eux, ceux qui diminuent le volume intravasculaire (la déshydratation, par exemple), une carence en protéines (ex.: l'insuffisance hépatique), les facteurs qui affectent la perfusion (ex.: l'insuffisance cardiaque congestive), les maladies concomitantes (ex.: la fibrose kystique, les problèmes rénaux ou des voies urinaires, les infections urinaires récurrentes), et une néphrotoxicité combinée/synergique avec d'autres médicaments (ex.: aminoglycosides, inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine, diurétiques) ou la consommation d’alcool. ConclusionLes auteurs recommandent d’être prudent avant de donner des AINS aux femmes enceintes qui présentent des facteurs de risque de néphrotoxicité liée aux AINS. De plus, les AINS doivent si possible être évités pendant la néphrogenèse (jusqu'à 36 semaines de grossesse).Chez les nouveau-nés avec une persistance du canal artériel, l'ibuprofène (plutôt que l'indométacine) devrait être le traitement de première intention en raison de ses résultats rénaux plus favorables.Les auteurs soulignent que l'insuffisance rénale chez les nouveau-nés peut être polyurique. La fonction rénale devrait donc être évaluée au-delà de la simple mesure du débit urinaire avant d'administrer un AINS à un nouveau-né très malade.Chez les enfants plus âgés et les adolescents en bonne santé, l'insuffisance rénale aiguë induite par les AINS semble rare. Toutefois, les professionnels de la santé devraient être prudents avec les enfants présentant des facteurs de risque de néphrotoxicité liée aux AINS, en particulier une réduction de volume pré-existante (qui se produit principalement chez les enfants hospitalisés souffrant de maladies complexes ou chroniques). Chez ces enfants, il est préférable d'éviter les AINS. Si cela n'est pas possible, assurez-vous que les enfants soient euvolémiques et surveillez l'oligurie ou l'anurie, car l'arrêt précoce des AINS peut permettre le rétablissement de la fonction rénale. RéférenceKirpalani A, Rieder M. Is NSAID use in children associated with the risk of renal injury? Paediatrics Child Health 2019; published online January 11, 2019. https://academic.oup.com/pch/advance-article-abstract/doi/10.1093/pch/pxy183/5288422?redirectedFrom=fulltext (accessed January 18, 2019).

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