Le modèle finlandais de promotion des saines habitudes de vie

Dans les années 60, en Finlande, tout le monde ou presque mettait du beurre sur ses tartines. Ce pays était aussi le champion du monde pour la mortalité cardiovasculaire !En y regardant de plus près, les experts en santé publique de ce pays se sont rendus compte qu’une région en particulier, la Carélie du Nord, détenait un triste record.Entre 1969 et 1971, en moyenne 855 sur 100 000 hommes âgés entre 35 et 64 ans mouraient d’un problème cardiovasculaire. Environ 300 de plus qu’ailleurs au pays.« Une région magnifique, avec des lacs et des arbres. Une région où l’on consomme aussi beaucoup de lait, de beurre, de lard. Une région de maladies coronariennes », a souligné le Dr Jaakko Tuomilehto1.À tel point que dans les années 1970, les autorités finlandaises ont mis sur pied un programme de santé publique qui visait à amener des changements dans les habitudes de vie de l’ensemble de la population de Carélie du Nord, et non pas seulement chez les personnes à risques.Une approche collectiveOn savait que les hommes de cette région avaient des taux élevés de cholestérol sanguin et de pression artérielle. Une situation expliquée par une grande consommation de sel et de graisses saturées et une alimentation comprenant peu de fruits et de légumes. Enfin, une majorité d’entre eux fumaient.C’est donc sur ces facteurs que la santé publique a décidé de se concentrer. Sa méthode ? Combiner l’implication de la collectivité (médecins, médias, industrie agro-alimentaire, mairies, écoles, etc.) avec des mesures environnementales et politiques.En cinq ans, les premiers effets se sont fait sentir en Carélie du Nord et le projet a été élargi à la grandeur du pays.« Aujourd’hui, moins de 5 % des Finlandais mettent encore du beurre sur leur pain et près de 60 % cuisinent surtout à l’huile végétale », explique le Dr Tuomilehto. On a aussi beaucoup diminué la consommation de sel en Finlande, notamment en augmentant le nombre de réfrigérateurs dans la population !La lutte contre le tabac a aussi été efficace. En 1970, la moitié des hommes de ce pays fumait. De nos jours, c’est seulement 20 %.L’expérience finlandaise a démontré l’impact majeur d’interventions peu coûteuses ciblant les modes de vie à l’échelle de la communauté (voir Figure 1). En 30 ans, elles ont permis d’atteindre une baisse de 85 % de la mortalité cardiovasculaire des hommes de 35 à 64 ans en Carélie du Nord et de 75 % pour toute la Finlande.Il est très rare que les interventions au niveau individuel aient un gros impact sur le changement des habitudes de vie. « En général, la communication échoue. Elle peut réussir de façon fortuite, par accident, mais pas le plus souvent », affirme le Dr Tuomilehto. En revanche, même un petit effet sur un très grand nombre de personnes sera significatif.Prévenir le diabète de type 2 à l’échelle de la populationCe spécialiste de la prévention s’attaque aujourd’hui à un autre facteur de mortalité cardiovasculaire : le surpoids qui touche la population finlandaise, comme celle de la majeure partie du monde occidental.L’augmentation du diabète de type 2 pourrait inverser la courbe et faire de nouveau augmenter le nombre de personnes qui meurent de maladies cardiovasculaire en Finlande.Le Dr Tuomilehto a participé à une étude de prévention du diabète dans ce pays. Elle reprenait plusieurs actions et principes mis en place au moment du projet Carélie du Nord. Mais il s’agissait cette fois de cibler les facteurs clés qui interviennent dans l’apparition du diabète de type 2 à l’échelle de la population.Plusieurs habitudes de vie étaient visées :Réduction de poids > 5 %Prise de gras 30 min/jourMême si les résultats ne sont pas aussi mirifiques que ceux obtenus dans les années 70 et 80 avec les maladies cardiovasculaires, cette étude a fait la preuve qu’il est possible d’influer sur le risque de diabète.Elle a montré qu’il était possible d’obtenir une réduction de 58 % de l’incidence du diabète avec des modifications dans les habitudes de vie. « Aucune des personnes qui ont participé à une des quatre interventions n’ont eu le diabète dans les quatre années qui ont suivi l’étude », a conclu le Dr Tuomilehto.1. Le Dr Jaakko Tuomilehto est professeur de prévention vasculaire à la Danube University Krems à Krems en Autriche et professeur émérite de santé publique à l’Université d’Helsinki en Finlande.Lire la suite du dossier

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