Le lymphome, une maladie complexe (2<sup>e</sup> partie) Une incursion dans les lymphomes en pédiatrie

La Dre Josette Champagne, hémato-oncologue au CHU Sainte-Justine, a abordé les particularités des lymphomes chez les enfants.Si on regarde les causes de décès chez les enfants de un à 14 ans, les cancers viennent au deuxième rang, avec 12 % des décès; les lymphomes constituent 10 % des cancers. Chez les adolescents (15-19 ans), cette dernière proportion grimpe aux environs de 25 %. Sur le plan de l’incidence, on se retrouve avec quelque 65 patients par million de population d’âge pédiatrique, comparativement à 450 patients par million de population d’âge adulte. L’incidence des lymphomes en pédiatrie est donc beaucoup plus faible que chez les adultes.Les lymphomes d’âge pédiatrique, soit de 0 à 21 ans, représentent environ 3 % de tous les lymphomes dans la population. Chez les enfants comme chez les adultes, on retrouve les deux grandes familles de lymphomes : hodgkiniens et non hodgkiniens, avec cependant certaines distinctions.Ainsi, dans les premiers, les lymphomes mixtes sont plus fréquents chez les enfants de moins de 10 ans; ils sont associés au virus de l’EBV de la mononucléose. Par contre, on ne trouvera pas de lymphomes pauvres en lymphocytes, lesquels ont un pronostic très mauvais chez les personnes de 60 ans et plus.Dans le cas des lymphomes non hodgkiniens, on fera, comme pour les adultes, une classification selon le type de lymphocyte qui s’est transformé en lymphome, B ou T. Cependant, 95 % des lymphomes, en pédiatrie, sont des lymphomes agressifs. L’avantage est que ce sont ceux-là, précisément, qui répondent le mieux aux traitements de radio ou de chimiothérapie. D’où des taux de guérison plus importants en pédiatrie, si l’on considère l’ensemble des lymphomes.Toujours dans le cas des lymphomes non hodgkiniens, les taux de survie à long terme en pédiatrie sont de 95 % aux stades précoces (stades 1 et 2), sauf pour les lymphomes lymphoblastiques (80 %-85 %). Au stade intermédiaire (3) les taux de survie varient entre 80 % et 90 % (70 % à 80 % pour les lymphomes lymphoblastiques). Au stade avancé (4), les taux de survie sont encore élevés (70 % à 80 %). Toutefois, en cas de récidive, les chances de guérir sont faibles.Du côté des lymphomes hodgkiniens, qui ressemblent un peu plus à ceux de la population adulte, les taux de guérison sont aussi plus élevés en général : 95 % aux stades précoces Ia et IIa, 80 %-90 % aux stades intermédiaires IIb, IIIa et IVa, et 70 %-80 % aux stades avancés 3b et 4b. En cas de récidive après 12 mois, environ 50 % des cas pourront être récupérés en deuxième ligne; d’où les modifications des traitements initiaux pour essayer de diminuer les complications à long terme. Cela dit, si l’on regarde la courbe de survie des enfants qui ont eu un lymphome cinq ans après le diagnostic, on s’aperçoit qu’elle diminue de façon marquée par rapport à celle des enfants du même âge, en bonne santé.Les problèmes de la radiothérapieVingt ans après un diagnostic de lymphome posé, par exemple, à l’âge de 10 ou 15 ans, le décès résulte le plus souvent des complications liées aux traitements que de la maladie elle-même. L’importance de ce fait est d’autant plus grande que le patient est encore jeune(30-35 ans). Les résultats dont on dispose actuellement sur les effets à long terme reposent sur les traitements que l’on utilisait dans les années 1960-1980. Pour la majorité des lymphomes, la radiothérapie standard (35 à 44 Gy), en association avec une polychimiothérapie, constituait alors le traitement de base. Pour les lymphomes non hodgkiniens, on utilisait soit une radiothérapie locale sur les aires atteintes, soit une radiothérapie crânienne (prophylaxie du système nerveux central, puisque c’est l’un des sites où les cellules lymphomateuses iront se loger). Pour les lymphomes hodgkiniens, la radiothérapie était appliquée sur les aires atteintes, soit le cou et le thorax le plus souvent.En pédiatrie, on s’est rapidement aperçu que la radiothérapie locale posait des problèmes chez les enfants en croissance. Les doses élevées de radiothérapie venaient en effet interférer avec le processus de croissance, en créant notamment des déformations (scolioses, rétrécissement des épaules), puisque le traitement n’était pas symétrique de part et d’autre de la colonne vertébrale (figure 1).Avec la radiothérapie crânienne, on a constaté une perte auditive et des cataractes, étant donné qu’on irradiait quand même une partie des yeux, de même que des déficits neurocognitifs, des tumeurs cérébrales, une puberté précoce, une courte stature et de l’obésité. Avec la radiothérapie autre que crânienne, on a observé, dans la région cervicale, de l’hypothyroïdie (risque cumulatif de 30 % à 20 ans) et des problèmes dentaires, alors que, dans la région thoracique, les problèmes respiratoires et cardiaques (insuffisance cardiaque, maladie coronarienne, fibrose ou insuffisance valvulaire) prévalaient. En résumé, les traitements durant les années 1960 à 1980 affichaient un taux de guérison d’environ 50 % dans la population pédiatrique et étaient associés à de nombreux problèmes à long terme.Par ailleurs, lorsqu’on suit les jeunes patients qui ont reçu une radiothérapie, on s’aperçoit au cours des années que toutes les zones qui ont été exposées aux radiations sont susceptibles de développer un cancer secondaire. Quinze, vingt, trente ans après le traitement de radiothérapie, aucun plateau n’est encore observé. On continue à avoir une augmentation des cancers dans ces zones irradiées par rapport à la population normale. On remarque une relation directe entre le traitement de radiothérapie en bas âge et le risque de tumeur secondaire. De même, avec les doses croissantes de radiothérapie; plus la dose de radiations est importante, plus les risques de développer un cancer secondaire augmentent.Pour les lymphomes non hodgkiniens, la radiothérapie crânienne chez les enfants est aujourd’hui presque éliminée; et lorsque nécessaire, les doses ont été considérablement réduites. Seulement 5 % à 10 % des enfants atteints de lymphome reçoivent une radiothérapie crânienne. Pour tous les autres, c’est la chimiothérapie adaptée au type de lymphome qui est en usage. Pour les lymphomes hodgkiniens, c’est la chimiothérapie qui prévaut, alors que la radiothérapie est basée sur la rapidité et l’extension de la réponse à la chimiothérapie.En conclusion, on améliore la survie des patients pédiatriques atteints d’un lymphome en :diminuant la radiothérapie;diminuant les doses cumulatives des agents de chimiothérapie;ajoutant des traitements plus spécifiques avec moins d’effets secondaires à court et à long termes;offrant un suivi à long terme impliquant entre autres de l’aide scolaire dans les cas de déficit neurocognitif et la détection précoce des cancers secondaires.

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