Le H7N9 sous surveillance - «Le virus à plus fort potentiel pandémique depuis le H1N1»

Un nouveau virus de grippe aviaire a fait son apparition dans certaines régions de Chine en février dernier, le H7N9, et il s’avère dangereux. En trois mois, 126 personnes l’ont contracté et 24 sont décédées. C’est un nouveau venu que le microbiologiste-infectiologue et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les virus émergents, le Dr Guy Boivin, du CHU de Québec, prend très au sérieux.Le H7N9 est-il un tout nouveau virus ou est-ce un virus qui a subi une mutation ?Ce n’est pas une nouvelle souche pour les oiseaux, mais c’en est une pour les humains. Chez les oiseaux, il existe 16 possibilités de H et 9 possibilités de N. Toutes les combinaisons se retrouvent chez ces volatiles, mais seulement certaines se sont adaptées à l’homme. C’est le cas du H7N9.Qu’est-ce qui vous préoccupe le plus avec le H7N9 ?Un, c’est la première fois que cette souche infecte l’homme. Deux, elle semble provoquer un très haut taux de mortalité, soit 20 %. Peu d’infections entraînent un taux de décès si élevé. Celui du SRAS, en 2003, était de 10 %. Le H1N1 pandémique de 2009 se situait en bas de 0,5 %. Avec un taux de mortalité de 50 à 60 %, le H5N1 reste le virus d’influenza le plus mortel que je connaisse. Le H7N9 semble moins mortel, mais il se transmet mieux de l’oiseau à l’humain. Heureusement, il ne se transmet pas encore bien entre humains. Les trois quarts des gens infectés avaient été exposés à des volailles vivantes.Chez qui le H7N9 fait-il le plus de victimes en Chine ? L’âge moyen était de 63 ans. Parmi les 100 premières victimes, ayant fait l’objet d’analyses, seulement deux avaient moins de cinq ans. Ce virus semble donc avoir une prédisposition pour les personnes âgées. En général, le virus de la grippe atteint ceux et celles qui sont aux extrémités de la vie, soit les très jeunes enfants et les personnes très âgées. Dans le cas du H7N9, il semble que les très jeunes enfants soient protégés. Pourquoi ? C’est encore un grand mystère.Le H7N9 a-t-il d’autres particularités ?On sait que le virus infecte la volaille, mais sans provoquer de symptômes. Les poulets ne sont pas malades et ne décèdent pas. Il est donc difficile de suivre l’évolution du virus, car ce système d’alarme n’existe pas pour contenir la propagation. Par contre, chez l’humain, les signes sont très graves.Quels sont-ils ?On parle de pneumonie, avec des syndromes de détresse respiratoire. En Chine, 40 % des personnes touchées ont dû être hospitalisées aux soins intensifs. De plus, la maladie progresse vite. Le temps entre son apparition et l’hospitalisation est de 4,5 jours. Entre son apparition et la mort, il est en moyenne de 11 jours.Le H7H9 représente-t-il le risque de pandémie le plus sérieux depuis le H1N1 ?Sans aucun doute. Il existe toujours un certain nombre de virus chaque année, en Asie, mais il n’y a pas de transmission interhumaine. Le H7N9 constitue le virus à plus haut potentiel pandémique depuis 2009.Êtes-vous satisfait de la réaction des autorités de santé publique chinoises devant l’émergence de ce nouveau virus ?En général, oui, beaucoup plus qu’en 2003. Cette année-là, avec le SRAS, tout restait très secret. On ne savait pas trop ce qui se passait là-bas, nous avions beaucoup de difficultés à avoir de l’information. En 10 ans, de nets changements se sont produits. Déjà, trois articles provenant de Chine ont été publiés dans The Lancet et The New England Journal of Medicine. Pour l’instant, il y a une plus grande transparence de la part des autorités chinoises.Le H7N9 pourrait-il se transmettre hors de Chine ?Il lui faudrait un milieu propice, comme un marché de volailles vivantes. Ce type de marché est très populaire en Asie du Sud-Est, mais pas en Amérique du Nord. Ici, peu de gens sont en contact avec la volaille. Les oiseaux migrateurs voyagent sur de longues distances, mais, pour se répandre dans le monde, il faudra que le virus change et se transmette entre humains.Mais vous n’êtes pas totalement rassuré…Non, parce que c’est un nouveau virus avec lequel la population n’a jamais été en contact. Autre source d’inquiétude, ses mutations montrent qu’il a commencé à s’adapter aux humains. Avec l’influenza, il faut être très prudent. Pour l’instant, le H7N9 ne représente pas un problème pour les Canadiens et les Québécois, mais c’est préoccupant. Il faut faire des enquêtes, surveiller le virus et se préparer. À Québec, nous avons déjà en laboratoire le test diagnostique recommandé par l’OMS. De leur côté, des compagnies pharmaceutiques travaillent à mettre au point un vaccin.Quelles leçons devons-nous tirer de la pandémie de H1N1 ? La première chose que j’ai retenue, c’est que nous ne sommes pas rapides à produire des vaccins. En 2009, il a fallu cinq mois pour en créer un, et il est arrivé au sommet de la deuxième vague. Depuis, de nouvelles méthodologies permettent d’augmenter la rapidité de production. Idéalement, il faudrait en arriver à avoir un vaccin pandémique un mois après l’identification de la souche d’influenza.Et la deuxième leçon, quelle est-elle ? Qu’il faut investiguer chez les animaux, les oiseaux, les poulets, les porcs, car c’est de là que viendra la prochaine pandémie. Il faudra une collaboration étroite entre les autorités de santé publique, les médecins et les vétérinaires, ce qui n’est pas toujours facile. Des progrès ont été faits, mais la situation devra s’améliorer davantage.Depuis combien de temps le H7N9 est-il devenu une préoccupation pour vous, à Québec ?Depuis quelques semaines. Au début, on ne s’alarmait pas, mais comme le nombre de cas augmente chaque jour, de même que le nombre de décès, il faut se préparer. Il faudra au moins pouvoir offrir des tests diagnostiques et donner des antiviraux, comme le Tamiflu qui, en principe, serait actif contre ce virus en attendant d’avoir un vaccin. Avec le H7N9, nous sommes déjà en code jaune.

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