Le diltiazem augmente le risque d’hémorragie chez les aînés traités à l’apixaban ou au rivaroxaban

Les inhibiteurs directs du facteur Xa, l’apixaban et le rivaroxaban, sont aujourd’hui les anticoagulants les plus fréquemment prescrits pour prévenir les accidents vasculaires cérébraux ischémiques chez les patients souffrant de fibrillation auriculaire. Les concentrations plasmatiques de ces médicaments sont influencées par les enzymes hépatiques CYP3A4, qui favorisent le métabolisme et l’élimination subséquente, et par la glycoprotéine P (P-gp), transporteur membranaire qui facilite l’efflux intestinal, hépatique et rénal.Le diltiazem, un inhibiteur calcique, est un médicament couramment prescrit, efficace et bien toléré pour le contrôle de la fréquence cardiaque chez les patients souffrant de fibrillation auriculaire. Il s’agit d’un puissant inhibiteur du CYP3A4 qui peut également inhiber faiblement la P-gp. L’activité anticoagulante des inhibiteurs directs du facteur Xa est étroitement liée à leurs concentrations plasmatiques; par conséquent, l’utilisation simultanée du diltiazem et de l’apixaban ou du rivaroxaban pourrait augmenter les complications hémorragiques. Il a été rapporté que l’administration concomitante de diltiazem et d’apixaban augmentait l’aire sous la courbe de l’apixaban de 40%. Des rapports de cas ont décrit des hémorragies chez des patients traités au diltiazem tout en prenant ces anticoagulants, mais l’impact de cette interaction médicamenteuse potentielle est incertain. Si celle-ci se révèle significative, elle aura des conséquences cliniques importantes pour des millions de patients.Pour approfondir cette question, une étude de cohorte nationale rétrospective a été menée pour estimer le risque d’hémorragie grave associé au traitement par diltiazem chez des patients du programme Medicare aux États-Unis (âgés de 65 ans et plus) recevant de l’apixaban ou du rivaroxaban pour une fibrillation auriculaire. L’étude a comparé le risque de saignement grave chez les nouveaux utilisateurs d’apixaban ou de rivaroxaban qui étaient également traités par diltiazem ou métoprolol pour le contrôle de la fréquence cardiaque en raison de fibrillation auriculaire. Le résultat principal était un critère composite d’hospitalisation en raison de saignement et de décès avec des preuves récentes de saignement. Les résultats secondaires étaient l’accident vasculaire cérébral ischémique ou l’embolie systémique, les événements ischémiques ou hémorragiques majeurs (hémorragie intracrânienne ou extracrânienne fatale, ou décès avec preuve récente d’hémorragie), et le décès sans preuve récente d’hémorragie.Les résultatsL’étude a porté sur 204 155 patients: 53 275 ont reçu du diltiazem et 150 880 du métoprolol. Les patients de l’étude (âge moyen: 76,9 ans; 52,7% de femmes) ont été suivis pendant 90 927 années-personnes.Par rapport aux patients recevant du métoprolol, ceux recevant du diltiazem présentaient un risque accru pour le résultat principal et ses composantes (l’hospitalisation liée à une hémorragie et le décès en cas de preuve récente d’hémorragie). Le risque pour le résultat principal avec des doses initiales de diltiazem supérieures à 120 mg/jour était plus élevé qu’avec des doses plus faibles. Pour les doses de diltiazem supérieures à 120 mg/j, le risque d’événements ischémiques ou hémorragiques majeurs était également plus élevé.Aucun des deux groupes de dosage n’a connu de modifications significatives du risque d’accident vasculaire cérébral ischémique ou d’embolie systémique, ou de décès sans signe récent d’hémorragie.Lorsque les patients recevant une dose élevée ou faible de diltiazem ont été directement comparés, le rapport de risque (RR) pour l’issue primaire était de 1,14 (IC à 95%, 1,02-1,26).Le taux de différence (RD) pour le résultat primaire augmentait avec le score HAS-BLED (qui résume les facteurs de risque communs pour les hémorragies liées aux anticoagulants) et avec l’utilisation du rivaroxaban.Pour les doses de diltiazem supérieures à 120 mg/j, le RD pour les patients ayant un score HAS-BLED de 1 ou 2 était de 9,8 pour 1000 personnes-années, contre 22,0 pour 1000 personnes-années pour les scores HAS-BLED supérieurs ou égaux à 4. Pour les patients recevant de l’apixaban, la RD était de 12,0 pour 1000 personnes-années contre 21,2 pour 1000 personnes-années pour les patients recevant du rivaroxaban.Pour chaque 1000 personnes-années de traitement avec des doses de diltiazem supérieures à 120 mg/j, il y a eu 15 cas supplémentaires du résultat composite primaire; cela a augmenté à 22 pour les patients avec des scores HAS-BLED supérieurs ou égaux à 4 et à 21 ayant reçu du rivaroxaban.Les auteurs concluent que dans cette étude portant sur des patients âgés atteints de fibrillation auriculaire et recevant de l’apixaban ou du rivaroxaban, le diltiazem était associé à un risque plus élevé d’hémorragie grave que le métoprolol. Cela était particulièrement vrai pour les doses de diltiazem supérieures à 120 mg/jour. Les auteurs suggèrent que les mesures visant à réduire l’impact clinique de l’interaction du diltiazem avec l’apixaban ou le rivaroxaban ciblent les patients à haut risque, notamment ceux ayant un âge avancé, des antécédents de saignement, l’utilisation de médicaments prohémorragiques ou l’utilisation du rivaroxaban.Les auteurs soulignent que bien que les bêtabloquants puissent être prescrits aux patients à haut risque souffrant de fibrillation auriculaire, le diltiazem présente plusieurs avantages. Il n’est pas vraiment contre-indiqué pour les personnes souffrant de bronchopneumopathie chronique obstructive et de bronchospasme. Il peut aussi permettre un meilleur contrôle de la fréquence et une réduction des symptômes de l’arythmie, et il est préférable pour l’hypertension artérielle.Par conséquent, de nombreux patients souffrant de fibrillation auriculaire et présentant un risque élevé d’hémorragie continueront à être traités avec du diltiazem et un inhibiteur direct du facteur Xa. Les auteurs suggèrent que si les concentrations plasmatiques élevées d’anticoagulants sont responsables du risque accru d’hémorragie grave associé au diltiazem, la surveillance thérapeutique des médicaments devrait être étudiée chez les patients pour lesquels le diltiazem est indiqué.

Le diltiazem augmente le risque d’hémorragie chez les aînés traités à l’apixaban ou au rivaroxaban

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