Le CUSM critiqué par le Protecteur du citoyen pour des soins donnés à une ressortissante du Koweït

«Alors que s’exerce une pression considérable sur les établissements de santé au Québec pour tenter de répondre aux besoins de la population, il est impératif d’assurer d’abord et avant tout aux usagers du réseau le meilleur accès possible aux soins et aux services, dans les délais requis», affirme Raymonde Saint-Germain, protectrice du citoyen. Son bureau vient de rendre public un rapport sur l’hospitalisation d’une Koweïtienne en décembre 2011 à l’Hôpital Royal Victoria du Centre universitaire de santé McGill (CUSM).Et sa conclusion est implacable: cette admission s’est faite en dehors des mécanismes habituels d’accès et de tout encadrement gouvernemental.C’est en effet une entreprise privée, le MMI (Montreal Medical International Inc.), qui a géré la venue de cette patiente dans le cadre d’un contrat de partage d’expertise conclu entre le CUSM et le ministère de la Santé de l’État du Koweït.Et même si le seul actionnaire de MMI est un organisme de bienfaisance voué au soutien de la recherche et d’établissements publics de soins de santé, ce modèle d’affaires n’est «pas acceptable,» selon le Protecteur du citoyen.L’utilisation d’infrastructures et de ressources publiques par une entreprise privée soulève en effet «des questions d’éthique, d’équité et de bonne administration».De plus, plusieurs investigations du Protecteur concernant les factures et les frais engendrés par la chirurgie cardiaques et les hospitalisations (la patiente koweïtienne a été réadmise après un premier congé) montrent que le CUSM n’a pas reçu toutes les compensations qu’il aurait dû réclamer. La facturation aurait ainsi méritée d’être plus transparente, de même que l’utilisation par le CUSM des sommes versées en surplus.En conclusion de son rapport, le Protecteur du citoyen souligne que le CUSM ne lui a pas facilité la tâche! « À maintes reprises des informations contradictoires ou erronées» ont été fournies. Et le Protecteur parle aussi de «l’opacité» des réponses fournies et de «l’esprit défensif» de certains des représentants du CUSM.Les médias n’avaient guère été mieux traités en 2013 quand le journaliste de La Presse Vincent Larouche avait rendu public le séjour de cette patiente étrangère. L’enquête du Protecteur a démontré que plusieurs affirmations d’un porte-parole du CUSM en février 2013 étaient «incomplètes ou inexactes».Ce dernier avait notamment affirmé que le ministre de la Santé et des Services sociaux avait autorisé l’accueil de la patiente du Koweït avant l’arrivée de celle-ci au pays alors que le MSSS a été prévenu après l’admission de la patiente à l’Hôpital Royal Victoria.Pas d’annulation ou de report, mais un passe-droit sur la liste d’attente Le CUSM avait aussi affirmé que les soins et services reçus par cette patiente n’avait en rien affecté les services habituels. Or non seulement plus de 18 résidents ont effectué un suivi quotidien pendant son hospitalisation, mais son opération a eu lieu alors que 38 personnes étaient en attente d’une chirurgie cardiaque sans que l’on sache si son cas était médicalement prioritaire par rapport à celui des autres usagers.«Il est vrai que le CUSM n’a pas retiré de l’horaire du bloc opératoire un usager devant être opéré le 19 décembre 2011. Il a choisi d’ajouter la dame du Koweït aux usagers prévus plutôt qu’un des usagers du Québec déjà en attente d’une chirurgie», peut-on lire dans le rapport.Le Protecteur du citoyen ne se dit pas contre l’accueil de ressortissants étrangers dans les établissements publics du Québec. Mais la venue de patients étrangers doit être autorisée en fonction de «la capacité d’accueil de ces établissements, c’est-à-dire sans réduire l’accès de la population du Québec aux soins et services qu’ils requièrent».Page 1/2À la suite de la publication de ce rapport, le CUSM a affirmé collaborer « activement» à la mise en place des recommandations formulées par le Protecteur du citoyen.Il est tout de même surprenant que son directeur général, Normand Rinfret, conclue «que le rapport reconnaît que l’équipe clinique du CUSM a agi par compassion et qu’en aucun cas un(e) patient(e) québécois(e) n’a été privé(e) de soins au CUSM en raison de la présence de cette patiente koweïtienne».Le Protecteur du citoyen a en effet plusieurs fois répété dans son rapport que son enquête n’avait pas pour but de déterminer les raisons à l’origine de la venue de la patiente du Koweït au CUSM.Et même si la Koweïtienne a été accueillie par « compassion» et non dans le cadre de tourisme médical, il n’en reste pas moins qu’elle a contourné les listes d’attente parce que son pays était en mesure de payer le coût des services reçus.Les neuf recommandations du Protecteur du Citoyen R.1 Que le ministère de la Santé et des Services sociaux prévoie un encadrement des échanges internationaux de partage d’expertise pour l’ensemble des établissements du réseau de la santé et des services sociaux de manière à ce que le temps consacré par les médecins et les professionnels de la santé à l’extérieur du pays dans ce cadre n’ait pas pour effet d’allonger les listes d’attente pour les usagers R.2 Que le ministre de la Santé et des Services sociaux s’assure qu’il soit interdit qu’un établissement public se déleste de ses droits et responsabilités au profit d’une compagnie privée, comme le CUSM l’a fait au profit du MMI Montreal Medical International Inc. R.3 Que le ministre de la Santé et des Services sociaux exige du CUSM une reddition de comptes complète des sommes d’argent déjà versées au CUSM/MMI par le Koweït en matière de partage d’expertise et de toutes les transactions à venir dans le cadre de la mise en œuvre du contrat le liant au Koweït, de manière à obtenir l’assurance que l’argent reçu a été réinvesti dans les soins et les services du CUSM. R.4 Que seul le ministre de la Santé et des Services sociaux soit habilité à autoriser l’accueil planifié de ressortissants étrangers qui peuvent recevoir des soins de santé en dehors d’une situation d’urgence et qu’il élabore des orientations encadrant le processus d’accueil. R.5 Que le ministère de la Santé et des Services sociaux convienne de modalités d’échanges avec le ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion: pour que le certificat d’acceptation du Québec ne soit délivré qu’après que le ministre de la Santé et des Services sociaux aura accepté l’admission d’un ressortissant étranger, désigné l’établissement qui l’accueillera et fixé les conditions de l’hospitalisation; pour assurer le transfert des documents produits par le demandeur au soutien de sa demande d’admission dans le but d’éviter que celui-ci ait à produire les mêmes documents aux deux ministères. R.6 Que le ministre de la Santé et des Services sociaux vérifie la conformité du montant réclamé par le CUSM au Kuwait Embassy Health Office pour les soins et les services dispensés à la dame du Koweït durant ses deux hospitalisations au CUSM et, le cas échéant, qu’il fasse en sorte que la somme due soit acquittée en totalité. R.7 Que le ministre de la Santé et des Services sociaux examine: les activités que ce montant de 45 228,80 $ vise à compenser; son encaissement par le CUSM; le dépôt de l’entièreté de ce montant au compte bancaire du CUSM et qu’il convienne avec le CUSM de la manière dont l’argent restant doit être utilisé. R.8 Que le ministre de la Santé et des Services sociaux statue si les établissements publics qui sont autorisés à accueillir des ressortissants étrangers pour leur dispenser, de façon temporaire, des soins et des services requis par leur condition sont autorisés à facturer un montant supplémentaire en sus des tarifs prévus aux circulaires ou à tout autre document ministériel faisant état des tarifs. R.9Que le ministère de la Santé et des Services sociaux clarifie les règles encadrant le paiement des soins dispensés par les résidents à des ressortissants étrangers, et ce, afin de déterminer si ce sont ces derniers qui doivent les payer en sus ou si ces frais sont inclus dans le taux journalier (per diem).Page 2/2

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