Le courriel est-il un moyen sûr pour communiquer avec un patient? Un pharmacien réagit

J'ai été étonné d’apprendre que l'Ordre des pharmaciens du Québec nous mettait en garde contre l’utilisation du courriel pour communiquer des renseignements personnels à des collègues ou des patients.Dans l’édition d’août 2011 du bulletin L'interaction (section Des questions, des réponses), l’Ordre juge que : « Le courriel, sans mesure de sécurité supplémentaire, n’est pas considéré comme un moyen sûr de communication. Un courriel peut être intercepté par des personnes non autorisées. On peut le comparer à une carte postale que n’importe qui peut intercepter et lire. Lorsque des informations sont transmises par courriel (ordonnance, profil thérapeutique, etc.), il est difficile de s’assurer de l’identité de l’expéditeur et de l’intégrité des données. »Je conçois mal comment on peut comparer le piratage d’un compte courriel à l’interception d’une carte postale. Les comptes de courriel sont le plus souvent protégés par mot de passe et utilisés par une seule personne. Ce sont là des moyens intéressants pour s’assurer de l’identité de l’interlocuteur et de l’intégrité des données, surtout si on le compare aux autres alternatives. Les lignes téléphoniques et les télécopieurs sont généralement partagés et libres d’accès. En Grande-Bretagne, des scandales médiatiques récents ont montré que les boîtes vocales sont tout à fait vulnérables. Il est également assez facile pour un faussaire d'obtenir des renseignements par téléphone auprès d'un pharmacien.En contrepoids au risque pour la confidentialité, l’Ordre devrait également peser le risque pour la santé du public de ne pas permettre d’utiliser ce médium, une alternative avantageuse en plusieurs circonstances. Les courriels peuvent être écrits, lus et relus à des moments choisis, lorsque le contexte est approprié et que le temps le permet. Ils facilitent la documentation des échanges, un aspect médico-légal important. Ils sont parfois la meilleure façon de communiquer avec certains patients, parce qu’ils sont atteints de surdité, travaillent la nuit, sont en voyage ou simplement parce qu’ils préfèrent ce moyen. Enfin, les courriels sont un moyen de communication privilégié par la jeune génération, celle-là même qui, dans mon domaine, est la plus à risque d’abandonner son suivi médical.L'Ordre ouvre tout de même la porte à certaines exceptions, quoique peu définies : « Pour accéder à vos informations, plusieurs identifiants sont nécessaires. Il n’est donc pas recommandé, et ce, même à la demande du patient, d’utiliser le courriel comme moyen de communication, à moins que celui-ci soit sécurisé ou crypté dans un site Web sécurisé. »Il aura fallu une quinzaine d’années entre la popularisation du télécopieur et la publication d’une norme permettant la transmission d’ordonnances par télécopieur. J'enjoins l'Ordre des pharmaciens ainsi que mes collègues de réfléchir plus rapidement à des solutions qui permettraient de rendre possible la communication de renseignements personnels par courriel.Benoît Lemire, pharmacien

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