Le Basque Culinary Center - Une université où la gourmandise n’est pas un péché

La péninsule ibérique n’est plus à présenter en matière d’art culinaire. Le choix de San Sebastián, paradis des restaurants trois étoiles où les cuisiniers sont comme des rock stars, tenait de l’évidence pour y ouvrir la première université espagnole de gastronomie, le Basque Culinary Center (Centre culinaire basque).Ville moyenne du pays basque espagnol, San Sebastián joue les grandes au plan gastronomique, où elle a détrôné des villes comme Paris ou New York. On y trouve trois des sept restaurants espagnols triplement étoilés au Guide Michelin, dont les fameux Arzak et Akelarre. Le 3 octobre dernier, le Basque Culinary Center y ouvrait ses portes, sous la supervision de Ferran Adria, le célèbre chef du El Bulli, qui forme, avec huit autres chefs internationaux, le conseil consultatif du centre, le « G9 » des meilleurs chefs au monde.La nouvelle université se veut le futur « point de référence international dans le monde de la haute cuisine ». Deuxième établissement du genre en Europe après l’Université des sciences gastronomiques d’Italie, elle disposera de la précieuse collaboration d’éminentes toques blanches telles Juan Mari Arzak, Martin Berasategi, Pedro Subijana ou Andoni Luis Aduriz, parmi les sept chefs basques qui ont initié et tenu ce projet à bout de bras durant plusieurs années. Ce lieu d’exception, où l’aspect recherche scientifique est privilégié, se partage en une faculté des sciences de la gastronomie et un Centre de recherche et innovation en sciences gastronomiques.Pile d’assiettesL’impressionnant complexe en forme de U est divisé en deux zones, l’une pour les activités académiques et l’autre pour la formation pratique. L’architecture résolument contemporaine épouse les flancs de la montagne, qui offre une vue sur la magnifique baie de San Sebastian. Intégré au paysage verdoyant, le Centre allie la douceur du bois à des lignes avant-gardistes et évoque, de dos, des assiettes blanches empilées.Répartis sur cinq niveaux, le BCC accueillera chaque année une centaine d’étudiants qui se verront décerner, au bout de quatre années d’études, un diplôme universitaire en gastronomie et arts culinaires. Un master en innovation et gestion de la restauration, ainsi que différents cours de formation continue en sommellerie ou services en salle, par exemple, sont aussi offerts. La première cohorte est constituée de 56 étudiants, triés sur le volet pour leur dossier académique et leur connaissance de l’anglais, deuxième langue d’enseignement avec le castillan. Les places sont chères (8000 euros par an, soit plus de 10 000 dollars canadiens) et la sélection est ferme pour recruter ceux qui deviendront la crème des chefs de demain.Révolution culinaire à l’espagnoleAu pays de la cuisine moléculaire, on parle bien sûr ici, au-delà des techniques, de cuisine créative et d’innovation technologique. Outre l’idée de former des professionnels de la haute cuisine, le campus gastronomique a l’ambition de « garantir la pérennité de la cuisine basque comme pôle de haute cuisine et d’innovation ».En plus des salles de classe, des cuisines, des salles de pâtisserie ou de découpe, on trouve aussi à l’université des laboratoires d’analyse et des espaces pour les expériences de stimulation sensorielle. « Nous voulons étudier les changements dans le cerveau lors d’un événement gastronomique », explique Joxe Iñaki Àlava, directeur du Centre de recherche et innovation, dont l’une des cinq lignes de recherches principales est Analyse et perception.Des expériences de dégustation à l’aveugle ou dans un environnement visuel, sonore et olfactif simulé serviront à comprendre, à l’aide d’outils avancés de neuroscience, comment moduler les différents stimuli. Les résultats pourront servir, entre autres, en neuro-marketing. Par exemple, 25 huîtres coupées en deux parties sont distribuées à des volontaires isolés dans deux salles. Dans l’une, on fait entendre le bruit des vagues. Interrogés sur le goût des huîtres, le groupe qui entend les bruits de la mer répond, de manière très significative mathématiquement par rapport à l’autre groupe, que les huîtres ont un goût d’iode prononcé.Engagement social du cuisinierL’autre ligne directrice qui tient particulièrement à cœur au G9 des meilleurs chefs au monde – qui tiennent l’éducation nutritionnelle comme l’une de leurs responsabilités – est « Habitudes alimentaires et responsabilité sociale ». Des thèmes comme les changements d’habitudes alimentaires, la sauvegarde de la pêche ou de l’écosystème seront donc scrutés à la loupe, dans un but d’engagement social du cuisinier et de promotion des valeurs humaines.Les grands cuisiniers qui ont pensé le projet ont une vision globale de l’art culinaire et c’est pourquoi les enseignements intégreront autant les sciences humaines, le design, le développement technologique que la gestion. En termes pratiques, les visiteurs pourront déguster les créations des futures vedettes de la haute cuisine au restaurant du BCC, où les étudiants réalisent en partie leur stage professionnel.En bref, un projet culinaire très ambitieux et un cursus universitaire qui vise à rappeler que nous sommes bel et bien ce que nous mangeons !

Le Basque Culinary Center - Une université où la gourmandise n’est pas un péché

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