L’art délicat de traiter la dépression

Je tape ces lignes alors qu’on est le jour le plus déprimant de l'année. Le 3e lundi de janvier ou le lundi bleu. Je viens de sortir d'un blizzard. Je suis en retard sur mon paiement Visa pour rembourser les achats de Noël, il reste un mois avant mon prochain long week-end. Il fait sombre, froid et le vent souffle. Mais je suis relativement chanceux. De nombreux patients (y compris des médecins) éprouvent plus qu’un blues hivernal. Ils souffrent de dépression, et cette période de l'année peut être particulièrement difficile pour eux. La dépression est compliquée à traiter parce qu'elle est souvent déguisée en maladie organique. Elle devrait cependant être suspectée chez toute personne présentant des douleurs, une fatigue ou une perte de poids inexpliquée et dont les antécédents et l'examen physique, les analyses de laboratoire (NFS et TSH, électrolytes, glycémie) et l'imagerie sont normaux. Orientez le patient vers un spécialiste si vous (ou le patient) n'êtes pas sûr du diagnostic. Voici mon script: «L’examen approfondi n’a révélé aucune maladie ou blessure pouvant expliquer vos symptômes. Il se peut que vous souffriez d’une dépression.» J'interroge ensuite le patient : Est-il fatigué? A-t-il un trouble du sommeil? Pleure-t-il souvent? Souffre-t-il un sentiment de culpabilité ou d’inutilité? Se fait-il des reproches? A-t-il du mal à se concentrer? Vit-il des moments de joie? Son poids a-t-il augmenté ou diminué même sans régime? A-t-il des pensées suicidaires? S'il est suicidaire, je le fais admettre, immédiatement. Après la discussion, je luis dis: «Je pense que vous êtes déprimé. Il n'y a pas de quoi avoir honte - 10 % des Canadiens, soit trois millions de personnes, en souffrent à un moment ou à un autre de leur vie. Cela peut être déclenché par le stress ou surgir de nulle part. Cela n’a rien à voir avec une faiblesse de votre part. Des outils d'aide existent et des médicaments aussi, si c’est nécessaire. Votre cerveau vous a mis dans cette situation et il peut vous en sortir.» Je fixe ensuite un rendez-vous avec le patient une semaine plus tard et lui dis de se rendre aux urgences si son état s'aggrave. Je lui donne les numéros des lignes d'assistance téléphonique et des sites Internet pour la prévention du suicide. Si le patient commence un traitement médicamenteux, je le préviens qu'il risque d'entendre des commentaires négatifs de la part de ses amis, de ses proches, des médias et d'Internet. J'essaie de faire en sorte qu’il prenne sa médication jusqu'à rémission complète, et je lui demande de m'appeler s'il veut cesser son traitement. Tout l'art de traiter la dépression consiste à convaincre le patient de votre diagnostic et à le maintenir sous traitement tant que c’est nécessaire, car les pressions pour l’abandonner sont énormes. Voici le document (en anglais) que je donne à lire à mes patients, car il arrive souvent qu'ils ne se souviennent pas de tout ce qui s'est passé lors de notre rendez-vous au cabinet. Je leur demande de le faire lire également à leurs proches. Je peux faire venir le conjoint et la famille, si nécessaire, avec la permission du patient. Il faut souvent un village pour traiter la dépression. Je revois le document avec le patient à chaque visite et j'utilise un modèle (en anglais) pour le suivi. Alors, comment je fais face au lundi bleu? Je me dis que le pelletage est un bon exercice et constitue une bonne occasion de prendre l’air. Je suis encouragé par mon voisin qui utilise sa souffleuse pour aider tous les habitants de la rue. Les gens sont gentils. Je rentre chez moi à 15 heures pour lire au coin du feu, un bon roman policier. Je prends un chocolat chaud avec de la crème fouettée. À midi, je mange un steak froid sur du pain français avec de la sauce 57 et du Becel pour compenser tout le cholestérol. J'ai une conversation téléphonique avec un ami médecin à la retraite, plein de sagesse, et cela me rend toujours heureux. J'achète un homard vivant que je fais cuire à la vapeur pour le souper. Je le trempe dans du beurre fondu, et je prends une salade de fruits et un comprimé de Lipitor. Et pour dessert, une glace au chocolat. Ma femme et moi regardons ensuite «Everybody loves Raymond» sur Netflix, et je vais me coucher heureux de vivre dans le meilleur pays du monde... pas en raison de son climat, mais de ses habitants. Avez-vous des conseils pour traiter la dépression ? Partagez-les ci-dessous en commentaires. Écrivez-moi pour obtenir mon nouveau livre électronique, Crazy Busy Doctor.

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