L’art de gérer une clinique médicale, tout en restant zen

Aujourd’hui, c’est votre jour. Vous partez vers de nouveaux horizons, vous vous lancez dans l’aventure. Peut-être êtes-vous un jeune diplômé qui souhaite ouvrir une clinique afin de faire bouger les choses.Peut-être êtes-vous un médecin en milieu de carrière qui ne souhaite plus être salarié. Quelles que soient vos raisons pour créer, rester propriétaire ou gérer une clinique, voici quelques conseils non sollicités, dont la plupart ont été appris à la dure. Ouvrez grand les yeux Comme pour toute décision, le choix de créer ou de continuer à gérer une clinique commence par une évaluation des avantages et des inconvénients. Du côté des avantages, il y a l’autonomie et le contrôle sur davantage d’éléments de la pratique. Si vous avez l’esprit entrepreneurial, c’est l’occasion pour vous d’innover dans le domaine des soins de santé, un secteur qui, sinon, est peu enclin à prendre des risques; même si les politiciens et les associations médicales parlent beaucoup de «changements profonds». Si vous êtes récompensé pour l’efficacité de votre pratique, vous pourriez paradoxalement constater une autonomie moindre, par exemple en devant travailler les jours où les autres ne pratiquent pas, de peur que votre clinique ne ferme pendant les longues fins de semaine ou lors de la semaine de relâche. Vous aurez également besoin d’une réserve financière; certaines années, j’ai investi des dizaines de milliers de dollars de ma poche pour maintenir une clinique à flot, tandis que d’autres, j’ai pu retirer de l’argent lorsque les affaires marchaient bien. Intelligences multiples CanMEDs vous qualifie déjà d’expert médical, de communicateur, de coopérateur, de leader, de défenseur de la santé, d’érudit et de professionnel; ajoutez maintenant entrepreneur, gestionnaire, financier, médiateur et vendeur. La formation médicale officielle nécessite des milliers d’heures, mais la plupart d’entre nous obtiennent leur diplôme sans avoir suivi un seul cours sur les considérations économiques de la médecine. Même si vous possédez peut-être ces compétences grâce à une expérience antérieure dans le monde réel, nous devons tout de même nous entourer de mentors et de partenaires qui complètent nos talents et nos intérêts. Certaines conférences, comme Practice Foundations (anciennement Survival Skills) de l’Université de la Colombie-Britannique [au Québec, l’Université Laval et celle de Sherbrooke proposent aussi des formations spécifiques, NDLR], visent à enseigner les aspects non cliniques de la médecine. Choisissez soigneusement votre personnelÊtre médecin est un métier très prenant. Nous devons jongler avec de multiples problèmes et essayer de dégager des informations claires à partir de rapports annexes, tout en répondant aux demandes du personnel, des pharmacies, des laboratoires, des patients et de nos collègues. Cela ne nous laisse pas beaucoup de temps pour superviser nos salles d’attente et nos salles de pause. Il est essentiel de disposer de personnel compétent: ces personnes sont nos yeux et nos oreilles et nous informent en cas de conflit parmi les membres de l’équipe, de perturbation causée par des patients ou de nécessité d’améliorer un processus particulier. Les pires peuvent voler de l’argent et du temps. Les meilleurs prennent les choses en main, installent les décorations de Noël, apaisent les disputes et nous signalent lorsque les patients sont aimables dans la salle d’examen, mais grossiers ou violents ailleurs dans la clinique. Rémunérez-les correctement et demandez-leur comment ils souhaitent que vous leur montriez qu’ils sont appréciés: dans une clinique, nous avions l’habitude d’emmener notre personnel déjeuner… jusqu’à ce qu’ils nous disent que cela perturbait leur journée de travail et qu’ils préféraient simplement recevoir l’argent. Enfin, préparez-vous à avoir le cœur brisé. Même si nous formons notre personnel et constituons une équipe soudée, nous ne pouvons jamais rivaliser avec les avantages et le prestige des hôpitaux qui les débauchent. Et nous ne pouvons pas rivaliser avec les rémunérations offertes par les entreprises informatiques qui reconnaissent que la formation et l’expérience que nous offrons à nos collaborateurs leur permettent de s’intégrer rapidement à leurs fonctions en relation avec le public.À l'inverse: Leur bonheur est dans la pratique soloChoisissez vos collègues avec soinUn bon matelas est un investissement rentable, car nous passons le tiers de notre vie au lit. Nous passons autant de temps au travail, alors posez-vous la question suivante: avec qui est-ce que je veux passer les 90 000 prochaines heures? Il y aura des moments où vous verrez davantage votre famille professionnelle que votre famille réelle, il est donc judicieux d’investir dans ces relations. Rencontrez-vous régulièrement et envoyez des courriels pour vous tenir au courant entre-temps. Consacrez du temps et de l’argent à des contrats qui définissent clairement les attentes et les obligations des uns et des autres. Un bon contrat fait de bons amis, alors précisez-en les modalités. Les frais généraux sont-ils basés sur la facturation ou les paiements? Que se passe-t-il en cas de retard de paiement? Quelles sont les responsabilités en matière d’astreinte et de remplacement? Les accords précoces permettent d’éviter les conflits ultérieurs.DéléguezLes pilotes ne servent pas de bretzels et la plupart des dentistes ne détartrent pas les dents. De la même manière, le fait d’avoir une équipe clinique permet de déléguer une partie du travail et de s’occuper d’un plus grand nombre de patients. Malheureusement, on parle beaucoup des soins interdisciplinaires, mais les résultats sont maigres. Et lorsqu’on parle d’équipe, cela inclut le recrutement de personnel pour aider au nettoyage, à la facturation, à la configuration du cabinet, au site web, à la sécurité informatique et même aux ressources humaines. En cas de doute, faites appel à un avocat. Le coût initial peut être élevé, mais le fait d’avoir quelqu’un pour vous guider et assumer des responsabilités vaut la peine de prendre le risque, d’autant plus que les lois sur le travail, la fiscalité et autres sont souvent contre-intuitives. Donc, à moins que vous n’aimiez vraiment nettoyer les toilettes ou mener des entretiens d’embauche, il n’y a aucune honte à payer quelqu’un pour faire le travail que vous ne pouvez, ou ne voulez pas faire.À lire aussi: Les «no-shows»: Sanctionner ou non les patients?Faites votre lit dans votre cliniqueAvez-vous déjà essayé de montrer à vos enfants à quel point leur chambre est plus jolie quand leur lit est fait? La même leçon s’applique à nous. Si nous pensons que nos cliniques sont agréables, essayons de traverser la salle d’attente en milieu de journée. Bien que nous puissions maintenir un certain niveau de décorum dans nos salles d’examen personnelles, le climat canadien fait des ravages dans nos salles d’attente, ce qui signifie que de nombreux patients sont accueillis par des feuilles, de la boue, des tapis usés et des couleurs de murs démodées. Investir dans une nouvelle peinture, quelques œuvres d’art de bon goût, un écran d’information affichant les annonces du cabinet et une personne chargée du nettoyage pendant la journée peut permettre de créer un espace plus accueillant et plus positif.Tirez parti des technologies de l’informationOui, vous disposez d’un DMÉ, d’un site web et de profils sur les réseaux sociaux. Prenez maintenant 30 minutes pour former vos cliniciens à l’utilisation d’un assistant médical virtuel. Adoptez la boîte de réception assistée par IA pour alléger la charge administrative et garantir la réception des informations en temps voulu, en particulier lorsque le cabinet est fermé. Proposez la prise de rendez-vous en ligne et définissez les paramètres relatifs aux types et à la fréquence des visites que les patients peuvent choisir. Obtenez leur consentement puis envoyez-leur des messages pour les informer de l’arrivée des vaccins contre la grippe, des horaires pendant les vacances et d’autres annonces.Lire aussi: Vous avez peut-être un problème de cybersécurité (même si vous ne le savez pas encore)Les bons soins au bon moment et au bon endroitMoins de la moitié des patients au Canada peuvent consulter leur médecin le jour où ils en ont besoin, ce qui entraîne la congestion des urgences et des consultations fragmentaires dans les cliniques sans rendez-vous. Envisagez de réserver du temps dans votre journée pour accueillir les patients présentant des éruptions cutanées, de la fièvre, une dysurie et d’autres nouveaux symptômes. Personnellement, je réserve la fin de ma journée à ces consultations rapides et à d’autres questions urgentes, comme les résultats anormaux. C.R.E.A.MAvec tout le travail clinique que nous effectuons, les demandes administratives des avocats, des assureurs et des employeurs peuvent sembler s’accumuler. Nous pouvons au moins être rémunérés pour notre temps et notre expertise. Fixez vos honoraires (la plupart des associations médicales provinciales/territoriales ont des lignes directrices, voici celles en C-B) et demandez à être payé d’avance pour les formulaires standard. S’il y a une incertitude quant à la durée du travail, comme dans le cas d’un long rapport médico-légal, envoyez une estimation et obtenez un accord écrit confirmant que vous serez payé. J’ai appris cela à mes dépens lorsqu’un syndicat d’enseignants m’a demandé un rapport complet qui m’a pris plusieurs heures à rédiger. Lorsque je leur ai présenté une facture de 2000 dollars, ils m’ont répondu avec un chèque de 150 dollars en disant que c’était leur «montant standard». Sans accord préalable sur le coût, je n’avais aucun recours juridique. Ne souhaitant pas pénaliser mon patient et considérant mon travail comme une perte irrécupérable, j’ai appris une leçon coûteuse.Posséder et gérer une clinique met à l’épreuve votre tolérance au risque et au conflit. Vous pourriez finir par investir une partie de votre propre argent pour maintenir l’activité à flot. Vous aurez des discussions et perdrez même des amitiés ou des relations professionnelles à mesure que les choses se compliqueront (surtout en l’absence de contrats clairs). Avec une aide appropriée, vous pouvez au moins vous protéger des pires scénarios tout en gardant des options ouvertes pour les jours meilleurs. Tout comme pour nos tâches cliniques, on a parfois l’impression que le travail de gestion d’une clinique ne s’arrête jamais, mais une bonne équipe peut vous permettre de prendre du temps pour vous ressourcer, vous épanouir, rembourser votre capital social auprès de votre famille et de vos amis, et profiter d’une vie qui a du sens – la raison pour laquelle vous avez créé une clinique au départ. Le Dr Eric Cadesky est médecin de famille à Vancouver et médecin-chef du Seymour Health Centre.

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