La vache, le système de santé et l’avenir

La vacheDans un petit village pauvre, les habitants gagnaient leur vie en trayant une vache.Un jour funeste, la vache s’est accidentellement coincé la tête dans une jarre en argile alors qu’elle buvait de l’eau, et elle n’a pas pu se libérer. Déconcertés, les villageois demandèrent conseil à leur sage aîné pour résoudre la situation: ils voulaient sauver la vache et garder le pot, deux éléments cruciaux dans leur vie.Après mûre réflexion, le sage évalua la situation et prit une décision: «Coupez la tête de la vache.»Les villageois suivirent son conseil et lui firent alors remarquer: «Sage, la tête de vache est toujours à l’intérieur du pot.»Il sourit et leur répondit: «Cassez la jarre.» Ils firent ce qu’il avait suggéré et libérèrent la tête coupée de la vache.Le sage aîné s’écarta, alluma sa pipe et regarda le ciel. Les villageois essayèrent de le rassurer en disant: «Ne te décourage pas, vieux sage. Nous avons sacrifié la vache et la jarre pour toi.»Il regarda leurs visages avec un sourire et déclara: «Je ne suis pas attristé par la vache ou la jarre, mes chers villageois. Je m’inquiète pour vous, de la façon dont vous allez gérer vos affaires sans moi.»Le système de santéLe système de santé est en crise, les médecins abandonnent leur pratique, changent de spécialité et évitent de s’occuper des patients à long terme. Nombre d’entre eux se retrouvent sans prestataire de soins et ont recours aux cliniques sans rendez-vous, aux salles d’urgence ou aux services en ligne.Face aux demandes croissantes de leurs électeurs, les décideurs politiques se sont penchés sur la question, sur les difficultés financières des médecins et sur le nombre décroissant de professionnels de la santé. Ils ont donc décidé d’élargir le rôle des infirmières praticiennes.Quelques années plus tard, la situation ne s’étant pas améliorée, ils ont choisi d’élargir le champ de pratique des pharmaciens, ce qui, bien entendu, n’a pas donné les résultats attendus, le système de santé continuant de se détériorer.Estimant que ce n’était pas suffisant, ils ont donc décidé d’élargir davantage le rôle des pharmaciens. Mais encore une fois, cela n’a pas empêché les médecins de quitter leur cabinet, les médecins de famille de mettre la clé sous la porte et les salles d’urgence d’être débordées.L’avenirPour trouver une meilleure solution, les décideurs politiques ont décidé d’aborder la question à un autre niveau et ont consulté le Collège des médecins de famille pour trouver une solution rapide et pratique. Ils ont décidé de prolonger d’un an la formation des médecins de famille, même si presque tous les omnipraticiens se sont opposés à cette solution, même si de plus en plus de cliniciens abandonnent leur profession et même si de plus en plus d’étudiants en médecine se détournent de la médecine familiale. (Cette année supplémentaire a finalement été annulée.)La situation s’aggrave: de plus en plus de Canadiens se retrouvent sans médecin.Pour résoudre le problème, ils ont décidé d’élargir le champ de compétences des sages-femmes.Lire aussi: Où s’en va la médecine de famille?Quelques années plus tard, après plusieurs réunions et arbitrages, la situation s’est encore dégradée et presque tout le monde — massothérapeutes, chiropraticiens, physiothérapeutes et auxiliaires médicaux — s’est vu accorder le privilège de prescrire des médicaments. Le pays regorge de prescripteurs, mais il n’y a pas de médecin à proprement parler; les références vers d’autres spécialistes montent en flèche, car chaque patient est renvoyé quelque part, et les spécialistes sont débordés.La pénurie de médecins de famille persiste et les cliniques restent fermées, de plus en plus de patients se retrouvent sans médecins et la mort du système de santé est prononcée.Je ne suis pas certain que les décideurs politiques se plaisent à dire: «Qu’est-ce que les Canadiens feraient sans nous?»Le Dr Jabir Jassam est médecin de famille à Ottawa.

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