La santé envers et pour tous : Rencontre avec un expert de l'OMS

Il a pris son glaive et son bouclier, et il parcourt le monde pour lutter contre les inégalités sociales. C’est à peine exagéré. Le Dr Michael Marmot aime se comparer à Don Quichotte. Coïncidence ? Le médecin britannique a été sacré chevalier par la reine d’Angleterre en 2000 pour sa contribution à la compréhension des inégalités en matière de santé.Le Dr Marmot était de passage à Montréal le 5 février dernier pour faire connaître le fruit d’une enquête de trois ans menée par la Commission des déterminants sociaux de la santé. Le Dr Marmot préside cette instance de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui a publié en août dernier le rapport Combler le fossé en une génération. Instaurer l’équité en santé en agissant sur les déterminants sociaux de la santé.Le rapport de l’OMS Combler le fossé en une génération. Instaurer l’équité en matière de santé en agissant sur les déterminantssociaux de la santé est disponible à l’adresse suivante : www.who.int/social_determinants/final_report/en/index.htmlLes inégalités tuentPour la première fois, des données recueillies à l’échelle mondiale prouvent hors de tout doute que les conditions de vie sont déterminantes pour la santé des populations. « Les inégalités tuent à grande échelle. » Voilà le message martelé par ce rapport et que répète le Dr Marmot aux médecins, aux citoyens et aux décideurs politiques. Or, si ces inégalités sont depuis longtemps mesurées entre les pays, la Commission met l’accent sur les « écarts sanitaires » à l’intérieur des frontières nationales.Le Dr Michael Marmot est médecin spécialiste en santé publique. Il dirige l’International Center for Health and Society et enseigne l’épidémiologie et la santé publique au University College de Londres. Il a présidé la Commission des déterminants sociaux de l’Organisation mondiale de la santé. Il est aussi le lauréat actuel du McLaughlin-Gallie Visiting Professorship, du Collège royal des médecins et des chirurgiens du Canada. Le pouvoir d’agirLe ministre québécois de la Santé, Yves Bolduc, qui assistait à la conférence du Dr Marmot, a accueilli ces propos comme une invitation à agir. Malgré les lois et les moyens dont nous disposons, les inégalités sociales persistent au Québec, admet-il. « Les plus récentes analyses montrent que les inégalités sociales en termes de mortalité sont en augmentation au Québec. » Selon des données de l’Institut national de santé publique, le risque de décès chez les hommes les plus défavorisés était près de trois fois plus élevé que celui chez les plus favorisés de1999 à 2003. Toujours selon le ministre, les résultats de l’OMS donnent des repères fiables pour nos interventions en santé. « En renforçant les services de base en première ligne, on ne fait pas fausse route. »Le Dr Marmot reste optimiste. D’énormes progrès ont été faits dans plusieurs pays au cours des dernières décennies. Il fait le pari qu’il est possible de réduire les inégalités sociales en santé d’ici 30 ans. Pourtant, le contexte socio-économique mondial a bien changé depuis le dépôt du rapport. Mais, selon lui, la crise économique mondiale représente aussi une occasion de changement. «Les accords de Bretton Woods, qui ont instauré notre système monétaire international, ont été conclus en pleine Seconde Guerre mondiale. On vient de donner 5,3 milliards de dollars aux banques. Une fraction de ce montant permettrait d’éliminer la pauvreté dans le monde. Nous avons la connaissance et le pouvoir. Il nous reste à avoir la volonté de changer. »Depuis le dépôt du rapport de l’OMS, le Canada et huit autres pays se sont engagés à réaliser des progrès en matière de déterminants sociaux et d’équité pour la santé. Les 34 états membres de l’OMS, dont les États-Unis, doivent adopter une résolution d’appui à ce rapport d’ici les prochains mois.Inégalités de santéUn enfant né dans une banlieue de Glasgow, en Écosse, a une espérance de vie inférieure de 28 ans par rapport à un autre enfant né à peine 13 kilomètres plus loin. La mortalité maternelle est trois à quatre fois plus forte chez les pauvres que chez les riches en Indonésie. La mortalité de l’adulte est 2,5 fois plus importante dans les quartiers les plus démunis que dans les quartiers les plus favorisés au Royaume-Uni.En Suède, le risque pour une femme de décéder pendant une grossesse ou lors d’un accouchement est de 1 pour 17 400. En Afghanistan, il est de 1 pour 8.Ces chiffres n’ont aucune explication biologique, indique le Dr Michael Marmot. « Les différences entre les pays et à l’intérieur même d’un pays sont dues à l’environnement social. Partout, la santé et la maladie suivent un gradient social : plus la condition socio-économique est appauvrie, moins la santé est bonne. Et la pauvreté n’est pas accidentelle. Elle dépend des décisions gouvernementales. »

La santé envers et pour tous : Rencontre avec un expert de l'OMS

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes