La prévalence des maladies chroniques impose des changements importants au système de santé

Le système de santé québécois présente une performance moyenne si on la compare à celui des autres provinces et accuse des retards importants en matière d’organisation des soins.Une restructuration majeure s’impose afin de faire face à la prévalence des maladies chroniques au Québec. C’est le message d’urgence que le Commissaire à la santé et au bien-être du Québec, Robert Salois, lance dans son rapport annuel d’appréciation 2010 consacré aux maladies chroniques.Dans ce document très étoffé de quatre tomes, M. Salois affirme que la première ligne n’est pas organisée pour favoriser la mise en place des mécanismes de planification destinés à répondre aux maladies chroniques et que la participation des infirmières à la gestion de ces maladies est faible. Le commissaire à la santé plaide en faveur d’une réorganisation non pas du système mais du travail. Selon lui, il ne s’agit pas d’en faire plus, mais de faire autrement pour être performant.Il propose aussi tout un train de mesures afin de faire face à l’augmentation des maladies chroniques qui accaparent déjà 50 % des soins de première ligne. Il suggère entre autres l’adaptation au Québec du modèle Expanded Chronic Car Model (CCM-E) mis au point en Colombie-Britannique et l’élaboration de modalités d’affiliation entre les médecins spécialistes et les cliniques de première ligne afin d’assurer aux populations des services spécialisés pour les maladies chroniques. ProfessionSanté a rencontré Robert Salois à son bureau de Québec, où il dirige une petite équipe de 15 personnes.Sur quoi vous appuyez-vous pour affirmer que le système de santé québécois est moins performant que celui du reste du Canada?Nous sommes deuxième au Canada pour le plus grand nombre de médecins par 1000 habitants, mais nous sommes les derniers sur le plan de la productivité. L’analyse que nous en faisons, c’est qu’il ne s’agit pas d’une question de compétences ou de dévouement des médecins mais une question d’organisation.Le Québec consacre près de 44 % de toutes ses dépenses de programmes à la santé. Cet argent est-il mal dépensé?Ces dernières années, des milliards additionnels ont été injectés dans la santé, mais on ne semble pas voir de gains quand on regarde les résultats. Il faut savoir faire les choses de façon différente. Il est primordial de savoir comment on s’organise. Si un médecin est seul face-à-face avec ses patients, il ne verra pas tellement de gens. Mais s’il travaille en interdisciplinarité avec une infirmière et d’autres professionnels au sein d’un GMF ou d’une clinique-réseau, il sera soutenu et pourra traiter beaucoup plus de gens.La pénurie de médecins au Québec est-elle aussi importante qu’on le laisse croire?On manquerait de médecins, mais on doit se questionner sur la façon dont ils travaillent. Avant de prétendre qu’il en manque 1000, écrivions-nous dans notre rapport 2009, il serait intéressant de savoir comment ils travaillent. Si l’organisation du travail était différente, peut-être n’en manquerait-il pas autant. Ce sont peut-être des infirmières qui manquent.Le système de santé québécois est-il prêt à faire face à la hausse du nombre de cas de maladies chroniques qui l’attend?Il s’améliore mais moins vite que les autres. C’est la raison pour laquelle il prend du retard par rapport au reste du Canada. Nous sommes lents à mettre les bons éléments en place, comme l’informatisation, les infirmières praticiennes et le système de facturation. Les maladies chroniques forment le principal fardeau des services donnés en première ligne. Avec le vieillissement de la population, la demande s’intensifiera et mettra tellement de pression sur le système de santé qu’il deviendra à risque.Vous admettez vous-même qu’une restructuration des systèmes de santé vers les maladies chroniques sera «ardue». Pourquoi?À cause du retard que nous avons pris. Les changements que nous avons à faire sont majeurs. Le rattrapage sera difficile à faire parce que nous devons modifier les façons de faire, les habitudes, changer les pratiques médicales et hospitalières de façon importante. Plus on attend, plus ce sera difficile parce que le nombre de maladies chroniques augmente.Vous soutenez que notre système a déjà de la difficulté à fournir les soins et services les plus appropriés aux gens atteints de maladies chroniques.Pour les problèmes aigus dont la prise en charge est ponctuelle et limitée dans le temps, le système réagit bien. Par exemple, les problèmes cardiaques. Le Québec obtient les meilleurs résultats au Canada. Des patients qui seraient morts peuvent vivre de 20 à 30 ans de plus, mais ils ont besoin de plus en plus de services. On se retrouve à l’étape du suivi et c’est là que se trouve le problème. On tombe alors dans le face-à-face médecin-patient. Les médecins éprouvent de la difficulté à suivre leurs patients. Les solutions sont d’ordre organisationnel et résident dans les outils qu’on offre aux cliniciens.Vous appuyez sur l’importance de faire des changements en profondeur. À quoi pensez-vous?Prenons l’aspect de la collaboration entre la première et la deuxième ligne. Si on avait un mode de facturation qui permettrait aux spécialistes de faire des consultations par téléphone, le patient demeurerait en première ligne. Mais comme il n’y a pas de rémunération pour le spécialiste qui donne des conseils, on envoie le patient en face-à-face avec un médecin. En santé mentale, on a élaboré la notion du spécialiste répondant, qui facilite les liens entre la première ligne et les psychiatres pour obtenir du soutien. Le défi qui nous attend, c’est de travailler ensemble pour maximiser les efforts de tout le monde.Vous attendez beaucoup du futur Institut national d’excellence en santé qui verra le jour au Québec.L’INES jouera un rôle majeur dans la standardisation des types de pratique et l’utilisation des médicaments pour une meilleure efficacité. Des médecins experts identifieront les meilleures pratiques pour le traitement du diabète, par exemple, et les feront connaître. À nos yeux, cela fera une différence majeure.Vous faites un lien entre l’informatisation et la qualité des soins et des services à l’égard des maladies chroniques.L’informatisation nous permet d’évaluer les effets positifs et négatifs des traitements utilisés, comme les médicaments, et de suivre les patients à long terme. Dans des pays où le taux d’informatisation s’élève à 90 %, on obtient des bons résultats avec les maladies chroniques. Ce n’est pas le seul facteur, mais ça joue un rôle important.Quel taux d’informatisation faudrait-il atteindre rapidement pour obtenir un impact positif sur les maladies chroniques?Le Dossier de santé du Québec est important, mais ce qui est crucial, c’est l’informatisation des cabinets privés. Elle y est peu répandue, alors que les médecins qui y pratiquent traitent un nombre incroyable de patients atteints de maladies chroniques. Il est urgent de les équiper adéquatement.Vous suggérez l’introduction de pratiques cliniques préventives (PCP) dans les cabinets pour faire face aux maladies chroniques.Les médecins ont peu de temps à consacrer au dépistage et au counseling. Leurs interventions brèves ne sont pas suffisantes pour modifier les habitudes de vie. Avec les PCP, on organise la pratique en mettant en place des actions de prévention, de suivi, d’éducation, de formation et de conseils. Nous parlons déjà de l’importance de l’exercice, de la bonne alimentation pour prévenir les maladies chroniques, mais il faut intensifier ces messages.La prévention ne suffira pas à éliminer le problème. Le médecin verra toujours des malades chroniques.D’où l’importance d’une équipe autour de lui pour l’entourer. Une fois son diagnostic posé et le traitement établi, il devrait avoir autour de lui des professionnels pour assurer la prise en charge afin qu’il puisse voir d’autres patients. Les infirmières peuvent jouer un rôle clé dans le suivi, mais il y a aussi les pharmaciens, les physiothérapeutes, les nutritionnistes. Des initiatives se font sur le terrain, mais souvent, les succès sont locaux.Vous plaidez également en faveur d’un rapprochement entre la santé publique et les milieux cliniques.Avec l’augmentation des maladies chroniques, on ne peut plus travailler seul. On pense qu’il y a une interrelation importante avec toutes les connaissances épidémiologiques dont dispose la Santé publique. Le médecin seul dans son cabinet ne parviendra jamais à faire face aux maladies chroniques. Il faut pratiquer en concertation. Ça prend la collaboration de tout le monde.Vous proposez même une révision de la rémunération dans les milieux cliniques comme incitatif à s’occuper des maladies chroniques.Si on veut apporter des changements aux façons de faire et amener les gens à travailler différemment, alors changeons le coffre à outils. On ne dit pas d’augmenter la caisse, mais de s’asseoir ensemble et de voir comment on peut utiliser différents outils de rémunération. Les gens vont voir le médecin parce que ses services sont gratuits. Parfois, en maladies chroniques, ce n’est peut-être pas le médecin qui devrait être rémunéré. On va jusque-là. Nous, on dit qu’il faut revoir cette façon de faire et que le système public devrait accompagner le patient au niveau du paiement. Dans certaines situations, ce serait la physiothérapeute qui serait payée, dans d’autres situations, ce serait la nutritionniste.Maladies chroniques:Les constats du commissaire à la santé et au bien-êtreLes maladies chroniques sont responsables de près de 65 % des coûts de santé des pays les plus développés. Au Québec, près de 52,6 % de la population en est atteinte et environ 50 % des soins de courte durée sont consommés par des patients dont la majorité présente de multiples maladies chroniques. Or, selon le commissaire à la santé et au bien-être, Robert Salois, le système de santé québécois éprouve des difficultés à fournir les soins et les services à ces patients pour les raisons suivantes:- Problèmes d’accès à la première ligne- Sous-informatisation du réseau- Problèmes de coordination et de communication entre les médecins spécialistes et les omnipraticiens- Problèmes d’accès aux professionnels autres que les médecins- Actions préventives à accroîtreM. Salois estime qu’à court terme, il faut faire en sorte que les professionnels de la santé soient mieux outillés pour réaliser des actions de prévention et de dépistage précoce des maladies chroniques et que les milieux cliniques agissent de manière coordonnée et complémentaire afin que les gens vivant avec des maladies chroniques consultent le professionnel le plus approprié à leurs besoins (infirmière, physiothérapeute, diététiste, etc). Plus de 200 personnes ont été consultées en vue de produire son Rapport d’appréciation de la performance 2010.

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