«La politique, le prolongement de mon travail de médecin en santé communautaire» - le Dr Yv Bonnier-Viger

D’ici au 20 octobre, jour d’élection partielle, le Dr Yv Bonnier-Viger passera près de 6 heures par jour à faire du porte-à-porte jour dans la circonscription de Lévis. Le candidat de Québec solidaire veut être le quatrième député de ce parti à siéger à l’Assemblée nationale. Il espère remplacer le député caquiste Christian Dubé, qui a annoncé en août son départ de la vie publique.«Mon saut en politique est le prolongement direct de mon travail de médecin en santé communautaire», indique le Dr Bonnier-Viger à Profession Santé. En menant une campagne électorale terrain, poursuit-il, avec un contact immédiat avec les gens, on constate combien la santé communautaire a raison d’être sensible aux inégalités sociales, qui ne font que croître. «À Lévis, je vois la maison cossue et à moitié vide côtoyer le taudis surpeuplé. C’est tellement vrai que la santé des individus est déterminée par bien d’autres choses que le système de santé!»Troisième tentativeC’est la troisième fois que le médecin se présente à une élection: dans Beauce-Nord, en 2012, et à Lévis une première fois aux élections générales d’avril dernier. A-t-il des chances, cet automne? «Je crois que oui. La logique d’une élection complémentaire diffère de celle d’une élection générale, où l’enjeu est plus stratégique. Lors d’une élection partielle, on mise davantage sur le candidat, sa personne et ses idées», ajoute le Dr Bonnier-Viger, professeur et directeur du département de médecine sociale et préventive à la faculté de médecine de l’Université Laval, actuellement en congé sabbatique.D’où tire-t-il sa détermination, en dépit de deux défaites électorales? «De ma volonté de combattre les injustices héritées du Parti libéral du Québec. La voie de l’austérité qu’il prône va à l’encontre des intérêts de la population. L’avenir consiste plutôt à miser sur une prospérité partagée, avec davantage de cohésion sociale.» Et le retour à la prospérité, à ses yeux, exige une révision de la fiscalité.Ainsi, dit-il, les recettes de l’État ont considérablement diminué avec les baisses d’impôts introduites dès 1976. «Les gens riches, comme les médecins, payaient en moyenne 68% d’impôts en 1976; en 2013, 48%! Pendant ce temps, on a continué de construire un État qui offrait beaucoup de services, mais on a baissé la contribution des plus riches pour les financer!» Résultat? «Ce gouvernement coupe les services, et qui va pouvoir s’offrir les services privés? Les plus riches, qui paient moins d’impôts; les autres vont voir leur qualité de vie diminuer. Tout cela accroit les inégalités sociales.»Le bien commun«Le Parti libéral donne la prépondérance aux droits individuels, alors qu’à Québec solidaire, nous voulons l’inverse.» Il y a certes un équilibre à trouver, reconnaît le médecin, «mais je crois qu’on est rendu trop loin, au détriment du bien commun». Et puis, la population doit avoir son mot à dire quant aux décisions qui la concernent, affirme le Dr Bonnier-Viger. «L’idée de départ de Claude Castonguay, en créant les CLSC, consistait précisément à l’impliquer dans les conseils d’administration. Le corps médical a saboté le modèle des CLSC. Cela dit, était-ce une bonne décision que de lui imposer le salariat? D’autres formules auraient été possibles.»Que pense par ailleurs le candidat Bonnier-Viger du projet de loi 10 sur la réorganisation du réseau de la santé? «C’est le retour au vieux modèle de gestion, la centralisation. Centraliser va aux antipodes de la gestion moderne, c’est voué à l’échec.» Mieux vaut, selon lui, s’inspirer du modèle organique, «à l’image des cellules de base qui ont le pouvoir dans le corps. Ce serait ridicule de prétendre qu’un seul point dans le cerveau peut tout faire fonctionner!»Encore l’affaire BolducLe Dr Bonnier Viger reconnaît par ailleurs avoir été affecté par l’affaire Bolduc et la mauvaise image qu’elle a projetée de la profession. «Elle illustre une dérive éthique. Les dérives, ça ne se passe pas juste dans le secteur de la construction, avec la Commission Charbonneau, ça se passe en médecine aussi, chez certains de nos collègues.» La profession médicale, comme les autres, précise-t-il, vit une dérive éthique qui consiste à faire passer ses intérêts personnels avant le bien commun. «La tendance est bien ancrée chez nous, avec l’incorporation des médecins et les grosses cliniques privées, entre autres. Cette dérive sociale, c’est une perte de solidarité collective, ce qui, une fois de plus, accroit les inégalités.»Enfin, Québec solidaire est-il condamné à n’être que la bonne conscience de notre société? «Non, il peut montrer la voie d’une bonne gouvernance». Mais cela ne prendrait-il pas un miracle pour que ce parti accède un jour le pouvoir? «Un miracle, non, seulement quelques années, le temps de voir que le modèle libéral en cours, qui néglige le bien commun, ne mène nulle part. Changer les choses en profondeur, c’est l’affaire d’une génération. Ensuite, il faudra une alternative, et Québec solidaire sera là.»Le Québec, «un dépotoir pétrolier»?L’environnement constitue l’un des grands thèmes de bataille électorale du candidat Yv Bonnier-Viger, dans la circonscription de Lévis. Québec solidaire s’interroge en effet sur l’impact qu’aura, selon le médecin, «l’oléoduc de 42 pouces de haut de Transcanada, qui va pousser à travers notre territoire plus de 750 millions de litres de pétrole par jour. Et dans tout ça, rien pour le Québec!»Le médecin évoque en fait une double menace, car en plus de cet oléoduc, précise-t-il, on va acheminer par bateau le pétrole brut de l’Alberta vers la raffinerie Énergie Valero, de Lévis. On augmente donc le transport pétrolier sur le fleuve. «On sent là une pression énorme, car il y a 800 milliards $ de pétrole à sortir de l’Alberta. Le Québec risque de devenir un dépotoir pétrolier, alors même qu’il a tout en main, ici-même chez lui, avec les énergies vertes, l’hydroélectricité, l’éolien, la géothermie à développer, etc.»Pour Québec solidaire, l’avenir passe par un développement écologique et durable. «En attendant, nous allons défendre notre territoire contre les compagnies pétrolières qui engrangeront tous les profits et nous feront payer la facture pour réparer leurs dégâts.» Québec solidaire veut promouvoir l’électrification de tous les transports (automobile, transport en commun, transport des marchandises). Plus localement, le parti d’Yv Bonnier-Viger veut encourager la mobilité active, avec la gratuité du service de traversier entre Lévis et Québec pour les piétons et cyclistes.

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