La pharmacie québécoise fait front commun à l’aube du PL67

On comprend que le changement est imminent lorsque tous les représentants de la pharmacie sont réunis au même endroit, qui plus est sur la même scène. Alors que les règlements du PL67 sont en cours d’approbation par le conseil d’administration de l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ), l’heure était à la projection lors de la conférence inaugurale de l’Événement des pharmaciennes et pharmaciens 2025, qui se tient les 5 et 6 juin à Québec. Un congrès commun axé sur l'avenir de la profession – au singulier. Face au public nombreux donc, le président de l’Ordre Jean-François Desgagné, ses homologues de l’Association des pharmaciens propriétaires Benoit Morin, de l’Association professionnelle des pharmaciens salariés Patrick Hemery et de l’Association des pharmaciens des établissements de santé Julie Racicot. Un panel complété par Julie Méthot, doyenne de la Faculté de pharmacie de l’Université Laval. L'événement conclut d'ailleurs la fin des célébrations du centenaire de la Faculté.Après une introduction futuriste digne des plus grands studios américains, musique et effets pyrotechniques à l'appui, les panélistes ont été invités à s'exprimer sur les principaux enjeux qui secouent le monde de la pharmacie dans la province: PL67, pénurie de main-d'œuvre et parcours de soins. «Devenir excellent là où on est déjà compétent»Si leurs messages n’étaient pas nouveaux, les ambassadeurs de la pharmacie ont voulu montrer un jeu collectif et une cohésion intraprofessionnelle face aux enjeux communs. Parmi eux, évidemment, l’imminent PL67, qui demande «de travailler en collaboration avec tous les pharmaciens, d’harmoniser les pratiques et de documenter les interventions pour aboutir à une cohérence des soins», a rappelé Julie Racicot. De son côté, Benoit Morin a revêtu sa casquette de pharmacien propriétaire en expliquant comment il s’était préparé au nouvel élargissement des activités en pharmacie. «Nous avons élaboré une stratégie avec les pharmaciens responsables, et nous avons mis en place ces dernières semaines des concours de renouvellements pré-autorisés destinés à nos ATP, pour mieux gérer la clientèle et se dégager du temps.» Cette préparation en amont a permis de faire diminuer l’anxiété au sein des équipes, a-t-il ajouté. Intégrer d’ores et déjà les actes du PL67 en pharmacie permettra aussi aux stagiaires de parfaire leur formation, a plaidé la doyenne de la Faculté de pharmacie. «Il y a 12 mois de stage pendant la maîtrise de pharmacothérapie avancée, a précisé Julie Méthot. Nos étudiants ont besoin de gens qui font déjà ces actes-là.»À lire aussi: Déploiement du PL67: «vous ne serez pas seuls», rassure le président de l’OPQUne bonne préparation, oui, mais pas de précipitation, a tempéré Patrick Hémery, porte-voix des pharmaciens salariés. «N’en faisons pas plus que ce que nous voulons et pouvons faire, a-t-il lancé à l’auditoire. Les patients orphelins ont besoin de nous, il faut se focaliser sur eux. Et se former pour devenir excellent là où on est déjà compétent.» Selon lui, le secteur doit désormais s’orienter vers des pôles de spécialité en pharmacies pour offrir les soins les plus adaptés aux patients sans compétition entre professionnels.Négocier plus de flexibilité pour enrayer la fuite vers le remplacement?Deux problèmes majeurs subsistent pourtant, ont reconnu d’une même voix les cinq experts: la pénurie de main-d’œuvre et la surcharge de travail. Une réalité que déplorent aussi bien les pharmaciens propriétaires que salariés et d’établissements de santé. «On est amenés à faire plus de choses mais on doit les faire seuls, c’est insoutenable», a commenté Patrick Hemery. «Si on n’améliore pas l’organisation du travail, on ne va pas régler le problème du salariat qui disparaît pour aller trouver plus de flexibilité dans le remplacement.» Optimiser les milieux de pratique pour réduire le recours au remplacement est aussi l’un des leitmotivs de l’AQPP, qui a récemment organisé la première journée sans recours aux agences de remplacement. «Les agences viennent créer une pénurie artificielle et cette spirale complique les choses», a ainsi observé Benoit Morin. «Ça pousse les pharmaciens propriétaires à réduire leurs heures d’ouverture et leurs services. Mais les pharmaciens doivent s’impliquer dans leurs milieux de pratique pour bâtir en équipe.»La clé serait-elle dans la négociation? C’est en tout cas ce que pense Patrick Hemery, qui ménage la chèvre et le chou. «J’invite les pharmaciens salariés à aller négocier plus de flexibilité avec leurs pharmaciens propriétaires, afin de rester et de s’engager dans leur milieu.» Reste à savoir si les propriétaires sont, eux aussi, prêts à être plus souples.À lire aussi: De la friture en moins sur la ligne entre les pharmaciens et les omnipraticiens«S’organiser, déléguer, automatiser»Selon Jean-François Desgagné, le trio gagnant d’il y a trente ans n’a pas beaucoup changé pour affronter ces défis: «s’organiser, déléguer et automatiser, c’est encore la solution aujourd’hui. Investir dans notre organisation est toujours payant», a affirmé le président de l’Ordre sous les approbations de ses pairs. «On ne pourra pas tout faire, alors il va falloir prioriser les actes qui ont le plus de valeur ajoutée.» Sans oublier, selon lui, de responsabiliser les patients, qui doivent devenir de réels partenaires dans leur parcours de soins.Julie Méthot a rappelé que, pour enrayer la pénurie de main-d’œuvre, augmenter les cohortes des Facultés de pharmacie était essentiel – et, donc, convaincre le ministère de les financer. «Nous sommes à 224 étudiants depuis septembre 2024. C’est important qu’ils connaissent bien l’écosystème et sachent s’intégrer au milieu pour apporter de la valeur ajoutée.»Enfin, les représentants de la pharmacie au Québec ont salué la publication, en mars dernier, du guide Recommandations sur le parcours de soins pharmaceutiques des patients, élaboré par un groupe de travail intraprofessionnel initié par l’APES. Alors que 30% des retours à l’hôpital sont encore dûs à des problèmes de médication, il est important que la communication intra et interprofessionnelle s’améliore rapidement, a soutenu Julie Racicot. «À chaque fois que j’ai pu consulter un confrère qui a suivi mon patient à l’hôpital, c’était une valeur ajoutée pour mon service et la continuité des soins, a illustré Benoit Morin. Les médecins doivent suivre aussi. Mais si on peut faire notre part, on n’aura plus de sorties d’hôpital en 2045.»

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