La Dre Nicole Brière: Le burnout, ça n’arrive pas qu’aux autres

La confidence de la Dre Nicole Brière en a ému plus d’un lors du cinquième Symposium francophone de médecine organisé par Médecins francophones du Canada (feu AMLFC). Cinq ans après avoir dû s’arrêter quelques mois parce qu’elle était en train de craquer, la jeune femme a retrouvé le sourire.« Finalement, ce fut bénéfique, car j’ai énormément appris sur moi-même et les autres. Et je suis maintenant un meilleur médecin », a-t-elle dit d’entrée de jeu.Celle qui a consulté le Programme d’aide aux médecins du Québec (PAMQ) ne minimise pas pour autant le combat qu’elle a dû mener. Un combat d’autant plus difficile qu’il implique des changements professionnels : « Cela prend du courage. Les patients pleurent, nous aussi, mais ça passe ou ça casse. J’ai décidé à un moment donné que ce ne serait pas moi qui y passerai », avoue le médecin de famille.Un témoignage chocAvec franchise, humour et force, elle a raconté à ses collègues ce qui lui est arrivé et pourquoi il est important de consulter le PAMQ quand on commence à aller mal. On pourrait penser qu’un médecin est bien placé pour voir venir les choses. Eh bien, non. « On ne se rend pas compte de ce qui se produit, le malaise s’installe tranquillement et de façon sournoise », a-t-elle expliqué.Quel médecin s’inquiète de sauter un repas, de finir tard, de rapporter les problèmes du bureau à la maison ou de trouver ses patients de plus en plus exigeants ? Ce sont pourtant des signes avant-coureurs. « J’avais beau faire plus d’heures, je ne fournissais toujours pas et plus ça allait, plus j’avais l’impression d’être en décroissance d’efficacité. »La fatigue liée à la compassion s’est aussi mise de la partie : « Je me sentais de plus en plus responsable de mes patients face à leurs difficultés. Je ne savais plus me situer par rapport à eux. J’étais devenue incapable de savoir s’ils étaient trop exigeants ou si c’était moi qui n’en faisais pas assez. »Demander de l’aideLe médecin n’a pas fait d’autoprescription, mais elle s’est mise à boire plus souvent le soir, en rentrant chez elle. Elle n’avait plus de temps pour des activités de loisir, son énergie baissait – elle mettait cette baisse sur le compte de la ménopause – et elle a commencé à avoir des difficultés d’ordre conjugal et familial. C’est quand elle a eu « l’impression d’être dépassée par les événements » et frappée « d’un immense sentiment d’impuissance » qu’elle s’est décidée à consulter dans le cadre du programme d’aide.« Je me suis fait dire : “Nicole, il faut que tu prennes soin de toi” », se souvient le médecin. Mais elle n’avait pas la moindre idée de ce que cela voulait dire. Alors, elle a commencé par le commencement, en se concentrant sur son hygiène de vie : manger, dormir et... aller aux toilettes ! Tout un mandat pour quelqu’un qui avait fini par se dire qu’une sonde urinaire ferait bien son affaire.Apprendre à vivreCe n’était pas tout : il fallait aussi changer les façons de faire. Planifier sa journée à la seconde près pour y intégrer des périodes d’exercice donne peut-être l’impression d’être parfait, mais c’est plutôt le signe que ça va mal.« Les loisirs sont l’occasion de prendre son temps. Il faut aussi savoir regarder, entendre, sentir, vérifier s’il fait chaud ou froid dehors, se demander au moins 12 fois par jour comment on se sent, quels sont ses besoins, si on se sent bien, etc. », souligne la Dre Brière. Elle a aussi mis au point certains petits trucs cognitifs, par exemple faire attention à sa façon de parler. En remplaçant les « il faut » par « j’ai le goût de », elle s’est rendu compte qu’elle pouvait en éviter certains et « avoir le goût » d’en faire d’autres.Remonter la penteAprès avoir accepté de s’en sortir – à un moment donné, elle s’est demandé si c’était ce qu’il y avait de mieux pour ses patients –, tout n’a pas été facile pour autant. « Il faut le courage de reconnaître qu’on a des limites. Nous en avons tous, même si cela ne fait pas notre affaire. Mais quand on les reconnaît, on devient plus fort. Le fait que je connaisse ma vulnérabilité est devenu ma force. Ça a l’air paradoxal, mais c’est ainsi », dit-elle.Elle a aussi appris à dire non, changé ses schémas familiaux, son travail et sa relation avec les patients. Pour elle, un médecin doit d’abord être responsable de lui-même, ce qui prend, là encore, beaucoup d’honnêteté et un certain courage.Sur une note optimiste, la Dre Brière a tenu à rappeler que les médecins ont de toute façon beaucoup de courage. « Nous avons fait notre cours de médecine. Ce n’était pas facile. Alors, si nous utilisons ce même courage à bon escient et pour nous-mêmes, nous pouvons passer à travers. Ce n’est pas la conjoncture, le gouvernement, la pénurie de médecins, l’hôpital où l’on travaille ou quoi que ce soit d’autre qui nous en empêchera », a-t-elle martelé.La Dre Brière a conclu son témoignage par deux phrases qui l’ont beaucoup touchée. La première est celle d’une patiente. Sous oxygène constante et en attente d’une greffe poumon-cœur, celle-ci s’est demandé si elle voulait mourir. Comme ce n’était pas le cas, elle a repris sa vie en main, n’a pas eu besoin de greffe et, cinq ans plus tard, rayonnante, elle lui a dit :« Ce qui m’a guérie, c’est que j’ai commencé une histoire d’amour avec moi-même. » La deuxième phrase est une citation d’Anaïs Nin : « La vie se rétrécit ou s’élargit en fonction du courage de chacun d’assumer qui il est. »Lire la suite du dossier «Le piège du stress»Selon la Dre Nicole Brière, des symptômes doivent résonner comme des sonnettes d’alarme, car ils montrent l’urgence de consulter, à savoir :être toujours fatigué;perdre tout intérêt pour les choses qui nous plaisent d’habitude;avoir des problèmes d’appétit;avoir des problèmes de sommeil;des difficultés conjugales et familiales qui s’accentuent;des relations interpersonnelles qui deviennent problématiques.

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