Jeunes médecins: les clés pour bien négocier un emploi

La négociation d'un contrat de travail peut être une expérience intense et anxiogène, que l'on soit novice ou professionnel expérimenté.Pour les médecins en début de carrière, la négociation réussie d'une offre d'emploi peut tracer la voie pour les années à venir. Les participants à une conférence sur le bien-être financier des médecins canadiens, qui s’est tenue virtuellement fin 2023, ont fait part de leurs expériences en matière de contrats de travail, et ont donné aux résidents des conseils sur la façon de s'asseoir à la table des négociations.Mais avant d'en arriver là, lisez plutôt ce qui suit.C’est une négociation, pas un combatLe Dr Adam Shehata, avocat et résident en médecine familiale à l'Université Queen's de Kingston (Ontario), indique tout d’abord qu'il est primordial d'aborder les négociations comme un processus de collaboration où les deux parties travaillent à un objectif commun. Cette approche, qui fonctionne mieux lorsque les deux parties partagent des informations, peut permettre de mettre les idées en commun pour trouver la meilleure solution. Dans un scénario proposé par le Dr Shehata, un praticien négociant un contrat de médecine familiale explique qu’il aimerait également fournir des services de médecine des addictions.À lire aussi: Fini la résidence? Des conseils financiers pour la suite«Malgré le fait qu’il n’y ait aucune mention de médecine des addictions [dans l'offre d'emploi], vous voulez savoir si vous pourrez la pratiquer, et vous abordez le sujet lors de la négociation», expose le Dr Shehata. «Cette information pourrait inciter les représentants locaux à réfléchir au moyen de financer une clinique [de médecine des addictions]. Vous avez donc apporté une valeur ajoutée – la population sera certainement mieux servie et vous pourrez exercer dans un domaine qui vous passionne. Et les représentants locaux passeront pour des héros».Connaissez votre valeur de réserveSelon le Dr Shehata, il est important d’identifier clairement ses besoins et ses intérêts avant d'entamer des négociations. Le médecin recommande de les écrire noir sur blanc et, dans la mesure du possible, de repérer les intérêts en commun avec l’autre partie. «Il ne s'agit pas d'apporter cette liste et de la lire au cours de la négociation, mais d'en faire un point de départ», précise-t-il.Autre élément indispensable à connaître avant d'entamer les négociations: votre «valeur de réserve» – un terme sophistiqué, confie le Dr Shehata, pour désigner l'offre minimale que vous êtes prêt à accepter. Si l'autre partie descend en dessous de cette valeur, vous vous retirez.En plus de définir les limites de ce qui est acceptable pour vous, le fait de connaître votre valeur de réserve vous permettra d'accélérer les choses et d’envisager d’autres solutions. Par exemple, si la proposition de compensation financière que vous parvenez à négocier se rapproche rapidement de votre valeur de réserve, essayez de savoir si, par exemple, les quarts de travail clinique sont flexibles, conseille le Dr Shehata.Un «contrat standard»? Trouvez une marge de manœuvreLes médecins qui sortent tout juste de leur résidence pensent parfois que le contrat de travail qu'ils doivent signer est un accord «standard», avec des conditions fixes qui s'appliquent à tous ceux qui occupent le même poste. Dans la plupart des cas, c’est une erreur, reconnaît la Dre Katie Lin, médecin urgentiste, spécialiste des accidents vasculaires cérébraux et médecin de bord à Calgary.«La vérité, c'est qu'il y a la plupart du temps une marge de manœuvre, même dans les contrats standard», explique-t-elle. «Le problème avec ces contrats standards, c'est qu'il faut en faire une lecture en détail pour les rectifier et trouver ces zones de flexibilité. Cette étape supplémentaire peut vraiment nous aider à déterminer dans quelle mesure le contrat est modulable.»À lire aussi: Candidater en médecine: un parcours du combattantUn bon moyen de trouver des zones de flexibilité est de parler à des collègues plus expérimentés, qui exercent de préférence dans des domaines similaires. Selon la Dre Lin, il est également judicieux de réfléchir aux compétences uniques que vous apportez au rôle proposé.«Dans mon cas, je savais que le groupe [d'embauche] souhaitait intégrer mes compétences en matière de médecine des accidents vasculaires cérébraux dans sa pratique. Je savais aussi qu'il y avait un manque de connaissances au sein du service pour de nombreux sujets liés à la neurologie... Et je savais que je pouvais fournir certaines de ces connaissances.»Dans l'idéal, le travail de recherche d'une marge de manœuvre dans un contrat devrait commencer avant d'arriver à la table des négociations, ajoute-t-elle. La médecin recommande de tenir au préalable des conversations informelles avec les membres du groupe de recrutement.«En ce qui me concerne, j'ai commencé à me préparer plusieurs mois avant l'embauche – j'ai participé à une réunion à la fin de ma formation et contacté certaines équipes de direction», explique la Dre Lin. «J'ai également contacté le chef de département, pour savoir s'il souhaitait me rencontrer à l'avance afin de m’interroger, de mieux comprendre les compétences supplémentaires que je pourrais apporter au département, et de pouvoir lui partager certaines de mes idées.»Envisagez la meilleure – et la pire – alternative à l'abandon de la négociationUn autre aspect essentiel d'une négociation réussie est de connaître à l'avance la meilleure alternative à un accord négocié. En d'autres termes, reprend le Dr Shehata, quelles sont les autres opportunités qui s’offrent à vous si vous n’acceptez pas le contrat proposé? Pourriez-vous accepter un meilleur contrat dans un autre secteur? Pourriez-vous prendre une année sabbatique pour voyager?«Ce que nous voulons évidemment, c'est trouver une meilleure alternative à un accord négocié, mais le revers de la médaille dont nous ne parlons pas souvent, c'est qu’il en existe aussi une pire», tempère le Dr Shehata. «Si vous n'obtenez pas d'accord ici, ou si les choses tournent exceptionnellement mal, que vous n'avez pas trouvé d'emploi dans les prochains mois et que vous ne pouvez pas rester dans le pays... Cela semble être la pire des éventualités, n'est-ce pas?»Connaître la pire et la meilleure alternatives à un contrat signé permet de se confronter à la réalité et d'éviter de formuler des exigences qui ne sont peut-être pas réalisables, conclue-t-il.Restez sur vos positions et utilisez l'effet de levier si vous en avez la possibilitéAprès avoir accepté d'exercer dans sa ville natale de Kincardine, en Ontario, la Dre Janine Van Veghel a été avertie par son avocat de l'existence d'une clause dans son accord de retour de service, qui permettrait à la municipalité d'hypothéquer la maison qu'elle prévoyait d'acheter grâce à un apport provenant d'un prêt sans intérêt inclus dans le contrat.«Mon avocat m’a recommandé d'essayer de supprimer cette clause du contrat, mais ce n'était pas une raison pour ne pas le signer s'ils refusaient, ce qu'ils ont fait dans un premier temps», se souvient la Dre Van Veghel. «Lorsque nous avons commencé à chercher des prêts immobiliers, nous nous sommes vite rendu compte que, bien qu'il soit possible d'avoir deux hypothèques sur une propriété, c'est très difficile à faire. Les banques ne veulent pas accorder de prêt immobilier pour une propriété avec des charges multiples, et cela nécessite des approbations supplémentaires de la part de la banque.»À lire aussi: Médecine familiale: la moitié des résidents choisiraient une autre spécialité si leur formation était prolongéeLes négociations avec le personnel municipal n'ayant abouti à rien, La Dre Van Veghel a tenté d'obtenir l'aide des conseillers municipaux. À la même époque, elle a appris qu'une municipalité voisine proposait aux nouveaux médecins des contrats similaires à ceux qu'offrait sa ville natale, mais sans la stipulation relative à la deuxième hypothèque.«J'ai utilisé cette information pour négocier», explique la Dre Van Veghel. «Une fois que les conseillers municipaux se sont impliqués et ont compris que nous étions prêts à quitter la communauté, la clause a été levée rapidement et nous avons procédé à l'achat de notre maison.»Vous ne savez pas si vous devez vous donner la peine? Voyez plus loinIl arrive parfois que les négociations relatives aux termes d’un contrat soient si fastidieuses que vous vous demandez à quoi bon? Ou peut-être que tous ces allers-retours parfois contradictoires vous donnent mal à la tête. Selon le Dr Shehata, il peut être utile d'envisager une telle situation dans une perspective plus large.«Les médecins peuvent être mal à l’aise au moment de négocier en leur nom propre. Par exemple, est-ce vraiment nécessaire? En ai-je vraiment besoin ou suis-je en train de faire du sur place?», assure-t-il. «Mais peut-être pouvez-vous vous demander comment ces discussions pourraient améliorer la situation d’autres personnes, et ne plus seulement mener cette négociation en votre nom.»Ce fut effectivement le cas de la Dre Van Veghel, dont l'insistance inébranlable pour supprimer la clause hypothécaire de son contrat de reprise de service a conduit à la retirer de tous les contrats de nouveaux médecins dans la communauté.«L'une des choses qui rend l'histoire [de la Dre Van Veghel] vraiment, vraiment positive, c'est qu'elle a pu se servir de cette négociation pour plaider en faveur d’une amélioration pour ceux qui lui ont succédé», a déclaré le Dr Shehata.

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