Appel à une vraie approche interdisciplinaire pour le diagnostic psychiatrique

C'est dans les colonnes du New York Times ce mois-ci que le Dr Allen Frances a lancé un appel pour une vraie approche interdisciplinaire pour l'établissement des diagnostics psychiatriques et pour une remise en question du monopole de l'American Psychiatric Association (APA) dans ce domaine.Ce sont ses inquiétudes à l'égard de certains diagnostics proposés pour la cinquième édition du Manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux (DSM), dont la publication est prévue pour mai 2013, qui ont motivé cet appel chez ce psychiatre qui connaît bien l'outil en question.Le Dr Frances a en effet participé à l'élaboration de la troisième édition du DSM et dirigé les travaux qui ont abouti au DSM-4.Une inquiétude qui provient du DSM-5Selon le Dr Frances, certaines propositions du DSM-5, qui émanent uniquement du monde de la psychiatrie, conduiraient à poser un diagnostic de maladie mentale chez des millions de personnes qu'on considère aujourd'hui comme normales.Une situation qui aurait de graves répercussions maintenant que les critères de diagnostic du DSM sont très largement utilisés hors du champ médical.«Le DSM est devenu l'arbitre qui détermine qui est malade ou pas, qui aiguille les décisions de traitement, l'éligibilité aux assurances et paiements d'invalidité et l'attribution de services tels que les écoles spéciales. Il influence les directions de recherche et l'approbation des nouveaux médicaments. Il est largement utilisé (et mal utilisé) en cour de justice», écrit le Dr Frances.La quatrième édition du DSM s'est transformée en une autorité qui dépasse sa compétence, affirme-t-il, soulignant, dans ce contexte, l'impact catastrophique que pourraient avoir certaines propositions du DSM-5.Ces considérations amènent le Dr Frances à revenir sur la place qu'ont occupée le DSM et l'organisation qui le publie dans l'élaboration des diagnostics psychiatriques au 20e et au 21e siècles.Jusqu'à la publication de la troisième édition en 1980, raconte-t-il, le diagnostic psychiatrique était dominé par la psychanalyse et les psychiatres parvenaient rarement à s'accorder sur un diagnostic, ce qui explique l'enthousiasme qu'a suscité le DSM-3 en fournissant des critères spécifiques pour chaque trouble mental.La quatrième édition, publiée en 1994, a essayé, dit-il, de contenir l'inflation de diagnostics. Elle a réussi à le faire pour ce qui concerne les adultes, estime-t-il, mais elle n'a pas réussi à prévoir et contrôler le surdiagnostic de l'autisme, des troubles déficitaires de l'attention et hyperactivité (TDAH) et du trouble bipolaire chez les enfants.Pour une fin du monopole de l'APA et une vraie interdisciplinaritéDiagnostic du Dr Frances: l'APA devrait perdre son monopole sur la définition des maladies mentales.Le psychiatre souhaiterait qu'un nouvel organisme gère la définition des troubles mentaux. Selon lui, toutes les disciplines de la santé mentale devrait y être représentées: psychologues, travailleurs sociaux, infirmières etc.Les conséquences des changements de définition devraient être évaluées par des épidémiologistes, des spécialistes de la santé publique et des experts médicaux-légaux, déclare-t-il.Les médecins généralistes qui prescrivent la plus grande part des médicaments psychotropes, «souvent négligemment», selon le Dr Frances, devraient contribuer au système diagnostic afin de l'utiliser correctement.Quant aux consommateurs, ils devraient aussi jouer un rôle important dans le processus de révision. Enfin, les tests devraient être menés dans des milieux de vie réels, et pas seulement dans des centres universitaires, déclare le Dr Frances.Le psychiatre n'est pas le seul à s'inquiéter des critères retenus pour le DSM-5.Récemment, certaines divisions de l'American Psychological Association et de la British Psychological Society ont exprimé leur inquiétude face à l'abaissement des seuils de diagnostic concernant plusieurs catégories de troubles et face à l'introduction de nouveaux troubles qui, selon elles, peuvent conduire à des traitements médicaux inappropriés de populations vulnérables.

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