Hausse des admissions en médecine: les solutions de la FMEQ pour préserver la qualité de l’enseignement

Ce que la Fédération médicale étudiante du Québec (FMEQ) craignait il y a quatre ans est en train de se produire. La hausse des admissions dans les facultés de médecine, enclenchée en 2020, commence à se faire ressentir dans les établissements où les étudiants effectuent leurs stages d’externat. «Beaucoup de milieux sont saturés, ce qui diminue les opportunités d’exposition clinique et oblige les patrons à superviser un plus grand nombre d’étudiants. Ils ont donc moins de temps à consacrer à chaque externe», observe le vice-président de la FMEQ, Maxence Pelletier-Lebrun, qui craint une détérioration de la qualité de l’enseignement.À court terme, la situation ne devrait pas s’arranger. D’autant plus que le ministre de la Santé, Christian Dubé, a annoncé la semaine dernière une nouvelle hausse des admissions. L’année prochaine et les deux suivantes, 1165 étudiants seront admis au doctorat en médecine, soit 31 de plus que prévu l’an dernier par la Table de concertation permanente sur la planification de l’effectif médical au Québec. À moyen et long termes, la FMEQ prône «la formation médicale délocalisée comme réponse à la hausse des admissions et la pénurie de médecins», titre d’un mémoire qu’elle a publié dernièrement, dans la foulée de sa journée d’action politique 2024. «Les campus délocalisés sont souvent situés dans des milieux moins saturés, ce qui les rend propices à la création des nouvelles places de stages qu’exige la hausse des admissions. C’est là que les étudiants ont le plus d’expositions cliniques», indique Maxence Pelletier-Lebrun en soulignant que les cohortes de ces campus ont plus tendance à s’orienter vers la médecine de famille ou la pratique en région, «deux domaines où les besoins sont marqués».Actuellement, les quatre facultés de médecine du Québec disposent de sept campus délocalisés: à Gatineau pour l’Université McGill, à Longueuil et Saguenay pour l’Université de Sherbrooke, à Trois-Rivières pour l’Université de Montréal ainsi qu’à Rimouski et Lévis pour l’Université Laval. «C’est un modèle qui a fait ses preuves depuis des années», convient le doyen de la Faculté de médecine de l’Université Laval (UL), le Dr Julien Poitras, qui préside la Conférence des doyens des facultés de médecine (CDFM) des universités du Québec et s’exprime à ce titre. «À Trois-Rivières par exemple, le campus créé il y a 20 ans a eu un effet positif sur les effectifs médicaux en Mauricie.»Au-delà, le Dr Poitras estime que cette idée de délocaliser la formation médicale permet d’exposer les étudiants à des milieux hospitaliers et communautaires qui «reflètent plus la vraie vie d’un médecin, qui ne pratiquent pas tous dans des gros centres tertiaires ou quaternaires à vocation universitaire». À Rimouski ou à Lévis, poursuit-il, «les étudiants vont dès les premières semaines à l’hôpital. Ils sont sur les étages, mais voient aussi la radio, le labo. Ils se mélangent à la vie hospitalière, finissent par connaître les équipes. Ça permet des opportunités d’apprentissage positives».Cela dit, il n’est pas possible de multiplier ces campus comme des petits pains. «Ça prend un certain bassin de population pour exposer les étudiants à un large spectre de conditions», souligne le doyen de la faculté de l’UL. Des projets de nouveaux campus seraient à étude à Drummondville ou du côté de Lanaudière et des Laurentides, mais ils ne verront pas le jour avant quelques années. «Dans l’immédiat, on a besoin de développer les capacités d’accueil des campus existants et des structures hospitalières qui leur sont associées», affirme Maxence Pelletier-Lebrun en notant qu’à Sherbrooke, où il achève sa deuxième année, «les externes n’ont même plus de local à l’hôpital pour déposer leurs effets personnels et leurs boîtes à lunch».Places assises et nombre d’enseignantsPour absorber la hausse de 40% des admissions entre 2019 et 2023, les facultés de médecine ont créé cinq comités de travail autour de différentes problématiques. «La première à régler, c’est la capacité d’asseoir les étudiants. Chaque faculté a entrepris une analyse pour déterminer les mètres carrés additionnels dont elle a besoin», indique le Dr Poitras en précisant qu’il s’agit d’une approche globale au sein des universités, puisque les cohortes en pharmacie et en sciences infirmières ont également augmenté. Des ententes ont ainsi été conclues avec le ministère de l’Enseignement supérieur pour permettre la location de locaux à proximité des campus universitaires.L’autre enjeu, c’est le nombre de médecins enseignants disponibles, en préclinique comme en supervision des activités de stage. «Le goulot d’étranglement est plus là que sur les places assises», note le président de la CDFM. Ce dernier constate que la capacité actuelle d’accueil des externes dans les milieux urbains est presque à son maximum. Il indique que des discussions sont en cours avec le ministère de la Santé pour faire reconnaître les tâches académiques dans les plans d’effectifs médicaux, le but étant qu’«un médecin qui veut avoir une vocation universitaire puisse être dégagé de certaines tâches cliniques».Selon les calculs de la FMEQ, «s’il y a 37% plus d’étudiants en médecine sans augmentation parallèle des milieux de stage, alors chaque étudiant en médecine verra son exposition clinique diminuer de 27%. Sur un externat de deux ans, cela équivaut à six mois d’actes cliniques en moins par rapport à ce que voient présentement les externes».La FMEQ milite quant à elle pour la création d’activités médicales particulières (AMP) qui seraient destinées à l’enseignement. «On voit là un gros potentiel de croissance du nombre de médecins de famille enseignants», explique Maxence Pelletier-Lebrun. De plus, le mémoire de la Fédération mentionne que «cela aurait le double avantage d’augmenter le nombre de jeunes patrons en médecine de famille, ce qui pourrait inspirer un plus grand nombre d’étudiants à se diriger vers cette pratique, ceux-ci se reconnaissant dans le profil de leurs mentors».L’autre solution mise de l’avant par la FMEQ pour bonifier l’exposition clinique des étudiants se dénomme «externat longitudinal intégré» (ELI), un modèle d’enseignement déjà disponible pour les étudiants des universités Laval, de Montréal et de Sherbrooke, que la Fédération souhaiterait étendre. Classiquement, l’externat est composé de plusieurs périodes de stages de deux et sept semaines, dans différentes spécialités médicales, qui sont effectuées dans les hôpitaux de la ville où se situe le campus d’attache. Une fois un bloc de stage terminé, l’étudiant change de spécialité et parfois d’hôpital pour continuer sa formation. Lire aussi: Jeunes médecins: les clés pour bien négocier un emploiAvec l’ELI, les stages sont effectués de façon continue dans un seul hôpital régional, «mais la formule peut être adaptée aux hôpitaux urbains, comme cela est fait à Sherbrooke», note le rapport de la FMEQ en soulignant que ce modèle comporte plusieurs avantages. «Le fait de rester dans le même hôpital tout au long de leur formation permet aux étudiants de mieux s’intégrer à l’équipe de soin et de maintenir un contact plus étroit avec leurs superviseurs. La rotation hebdomadaire des spécialités permet aussi une intégration plus longitudinale des connaissances.» L’autre avantage, et non des moindres dans les circonstances, c’est que «l’ELI permet de compenser la saturation des milieux de stages dans les hôpitaux urbains», ajoute Maxence Pelletier-Lebrun.Le Dr Julien Poitras n’est pas contre l’idée de développer davantage d’ELI, «un modèle qui rapproche les étudiants d’une vraie pratique en leur permettant de suivre des patients de manière longitudinale». Selon lui, c’est également «la meilleure recette pour donner le goût à la médecine de famille dans de petits milieux où les étudiants bénéficient d’un accueil fantastique et d’une proximité avec la communauté ainsi qu’avec les médecins». Le doyen signale toutefois que développer un ELI ne se fait pas du jour au lendemain. «Ça prend un an de préparation pour accompagner les superviseurs et adapter le stage aux réalités locales», explique-t-il en indiquant que les ELI font partie de la stratégie des quatre facultés de médecine pour accroître l’offre de stages d’externat.

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