Gonorrhée: la résistance aux antibiotiques gagne encore du terrain

Sur 82% des 1167 souches analysées par le Laboratoire de santé publique du Québec de l’INSPQ en 2020, une résistance ou une non-sensibilité à au moins un antibiotique testé a été notée. En comparaison, dans les dernières années, ce pourcentage était de 80% (2019), 76% (2018), 69% (2017) et 60% (2016). La résistance à la ciprofloxacine, anciennement utilisée au Québec comme traitement de premier choix de l’infection gonococcique, a été retrouvée dans 73% des souches, selon un rapport publié récemment par l’INSPQ. Il s’agit toutefois d’une légère diminution de la résistance comparativement à l’année dernière. Par contre, rappelons que depuis près de deux décennies, la sensibilité à la ciprofloxacine baisse de façon alarmante. En effet, à partir de 2004, la sensibilité à cet antibiotique est passée de 93% à 27% en 2020. De son côté, la résistance à l’azithromycine, après une augmentation fulgurante depuis 2013, s’est stabilisée au cours des trois dernières années et a même connu une légère baisse en 2020 pour s’établir à 23%. En raison de la forte augmentation, l’Institut national d’excellence de la santé et des services sociaux (INESSS) ne recommandait plus l’azithromycine en monothérapie depuis 2018. Notons qu’en 2020, la proportion de résistance de cet antibiotique est significativement plus élevée chez les femmes (45%) que chez les hommes (20%). «Il est possible que des modifications de pratique de prescription favorisant la doxycycline plutôt que l’azithromycine, particulièrement pour les infections rectales à C. trachomatis, puissent expliquer au moins en partie la diminution de résistance à l’azithromycine observée chez les hommes depuis 2017. Il est aussi possible que les femmes consomment plus d’azithromycine pour des indications cliniques autres que les ITSS», indiquent les auteures du document. À l’inverse de l’azithromycine et de la ciprofloxacine, les céphalosporines de troisième génération, soit le C3G (céfixime et ceftriaxone) ont connu une hausse de leur résistance. Des concentrations minimales inhibitrices s’approchant de la valeur seuil de non-sensibilité ont été observées chez 50 souches (4,3%). En 2019, ce taux était de 1,8%. Une diminution de cas Le nombre de souches retenues pour une analyse au Laboratoire de santé publique du Québec en 2020 a été significativement moins élevé que durant les dernières années. En fait, il s’agit d’une diminution de 26% par rapport aux quatre années précédentes. Selon les auteures, cette diminution est possiblement associée à la pandémie COVID-19 où l’accessibilité aux tests, au matériel et aux cliniques de dépistage étaient diminuées ainsi qu’aux périodes de confinement. Par exemple, les écouvillons pour les prélèvements C. trachomatis et N. gonorrhoeae ont été monopolisés pour les prélèvements de COVID-19, ainsi que par le délestage des activités cliniques, diminuant ainsi l’accès aux prélèvements. «La diminution des cas de N. gonorrhoeae observée en 2020 ne représente donc probablement pas une vraie diminution de cette infection en année de pandémie de COVID-19 où l’accès aux soins et aux analyses de laboratoire a été bouleversé», soutiennent les auteures dans le document. Fait particulier: sur les 1167 souches analysées, seulement 173 ont été isolées chez les femmes. «Malgré cette limite [à l’étude], les résultats de la surveillance démontrent que la résistance est au moins aussi présente chez les femmes que chez les hommes et n’appuient pas des recommandations de traitement différenciées selon le sexe», indiquent les chercheuses. Une surveillance capitale Dans le document, les auteures ont plaidé pour le maintien de la surveillance provinciale de la résistance des antibiotiques pour la gonorrhée. «La surveillance de la sensibilité de N. gonorrhoeae aux antibiotiques est capitale parce qu’elle permet d’orienter les guides thérapeutiques et de soutenir la pratique clinique.» De plus, selon elles, il faudra surveiller si la diminution du nombre de cas observée en 2020 se maintient dans les prochaines années ou bien si cette situation est ponctuelle et reliée à la pandémie. Notons que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a ciblé la résistance aux antibiotiques comme l’une des plus grandes menaces qui pèsent sur la santé à travers le monde. Cette résistance survient lorsque les bactéries et les virus évoluent au cours du temps et ne répondent plus aux médicaments, ce qui rend complexe le traitement des infections et augmente le risque de propagation.

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