Gain en capital: quelles conséquences pour les pharmaciens propriétaires?

Depuis un mois, l’étude notariale dans laquelle travaille Me Stéphane Martin tourne à plein régime. «La quasi-totalité de notre clientèle sont des pharmaciens propriétaires et ils s’inquiètent de cette hausse d’impôt», observe l’avocat associé chez Pharma Légal. Résultat: «on a commencé à avoir des transactions à l’interne, des pharmaciens qui veulent vendre leur pharmacie à leur employé au mois de juin au lieu de septembre… Il faut bousculer beaucoup de personnes, comme les banquiers et les franchiseurs, et essayer de passer rapidement les processus de sélection et d’entrevues chez les bannières, qui veulent savoir avec qui elles vont s’affilier», constate-t-il. «Il y a encore beaucoup d’incertitudes au niveau fédéral, il faut agir rapidement.» Cette annonce d’une hausse de l’impôt sur le gain en capital, introduite par le nouveau budget fédéral déposé le 16 avril, est en effet préoccupante. À compter du 25 juin prochain, le taux d’inclusion de l’impôt sur le gain en capital réalisé par des sociétés et fiducies devrait passer de 50% à 66,67% dès le premier dollar. Concernant les particuliers, la même hausse devrait s’appliquer pour la partie des gains supérieure à 250 000$. Un risque pour les propriétaires incorporésSauf que la grande majorité des pharmaciens propriétaires détiennent aujourd’hui leurs pharmacies via des compagnies de gestion, ainsi que des placements dans ces compagnies, explique Louis-Frédérick Huard, conseiller en gestion de patrimoine à la Financière des professionnels (FDP): «La plupart des pharmaciens, lorsqu'ils deviennent propriétaires, s’incorporent pour faire de leur pharmacie une entité différente, avec ses impôts et ses revenus, la possibilité d’emprunter ou d’ajouter un actionnaire… On a des profits et des dépenses, et puis il y a un reste qu’on peut laisser sur un compte de banque, mais ce n’est pas très intéressant. Le mieux est de l’investir, mais il sera alors concerné par l’impôt.» À lire aussi: Comment maîtriser le jeu des chiffres dans votre pharmacie?Le gain en capital est notamment très important pour les démarrages en pharmacie, observe Me Stéphane Martin. «Le coût de base est à peu près de zéro, car l’achalandage est inexistant. Mais, lorsque vous revendez ensuite pour plusieurs millions, là ça fait une différence.» Et plus on a de pharmacies, et donc de revenus et de bénéfices, plus la question mérite réflexion. Car, au-delà de gérer une entreprise, les pharmaciens propriétaires incorporés s’assurent une retraite, puisqu’ils ne cotisent plus, sauf s’ils ont longtemps été salariés – et ont donc pu bénéficier d’un REER – ou qu’ils se versent un salaire. «C’est leur fond de retraite», explique Me Stéphane Martin.La marche à suivreAlors que le compte à rebours est lancé, par où commencer? Selon Me Stéphane Martin, l’État a pu volontairement laisser suffisamment de temps aux personnes concernées pour réaliser des gains en capital avant le 25 juin. Une situation assez inédite, reconnaît de son côté Louis-Frédérick Huard: «On a le temps d’agir, c’est rare, donc on ne veut pas se tromper. Mais il faut garder en tête que peu de monde est en réalité concerné par la matérialisation du gain en capital.»Il est selon lui primordial de se poser deux questions simples: Ai-je besoin de liquidités à court terme?Quel est le rendement espéré de mes placements? «Si on a des besoins de liquidités à court terme, pour un gros voyage, un investissement ou simplement la retraite, on peut envisager de matérialiser les gains, et donc vendre ses placements, pour qu’ils soient imposés à 50% et non à 66,67%, précise-t-il. Ensuite, il faut voir si le rendement des placements est assez élevé, soit supérieur à 4-5%. Si on n’a pas besoin d’argent et qu’on a un bon rendement, mieux vaut ne toucher à rien.»Une fois ces deux questions réglées, il est aussi important de déterminer avec son comptable ou son gestionnaire de portefeuille s’il existe des gains en capital latents, donc des profits qui n’ont pas encore été matérialisés, et un compte de dividende en capital (CDC) ou un dû à l’actionnaire. À lire aussi: Faire face à la concurrence dans le secteur de la pharmacie«Si on peut profiter d’un CDC ou d’un dû à l’actionnaire pour se verser personnellement des montants de la compagnie libres d’impôts, il serait judicieux de matérialiser son gain en capital en investissant dans des actions ou des fonds de placement», estime Louis-Frédérick Huard. Surtout si le pharmacien ou la pharmacienne détient par ailleurs un régime d’épargne retraite ou un compte épargne, qui ne seront pas concernés par ces mesures. En revanche, les ventes et rachats de pharmacie de dernière minute pourraient ne pas aboutir dans les temps, prévient Me Stéphane Martin. «Si vous avez signé une offre d’achat pour une pharmacie début mai, c’est à peu près impossible de réaliser la transaction avant le 25 juin prochain, car ça prend au moins 90 jours, même si nous avons une certaine flexibilité et que l’OPQ s’est montré très compréhensif.»

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