Frauder peut vous faire perdre votre pharmacie

Lynda Chartrand a beau avoir l’air des plus sympathiques, les participants de son atelier ne tenaient vraiment pas à la revoir en dehors du cadre du Rendez-vous de l’Ordre (RVO) qui s’est tenu à Montréal les 17 et 18 juin derniers. La directrice des enquêtes et syndic de l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ) a présenté avec l’avocat Philippe Frère dix situations à risque auxquelles les pharmaciens devraient faire attention.Toutes ont fait l’objet dans les dernières années de poursuites disciplinaires ou parfois même pénales… « C’est important d’adopter les bons réflexes et de prendre le temps de réfléchir », a affirmé Lynda Chartrand, qui recommande aux pharmaciens de lire quelques-unes des 20 à 30 décisions disciplinaires rendues chaque année.Que celui ou celle qui n’a jamais donné un reçu d’impôt à la conjointe d’un patient ou remis des médicaments à une autre personne que celle à qui ils ont été prescrits lève la main, a-t-il été lancé à l’auditoire. La plupart des participants de l’atelier ont plaidé coupable…Et pourtant, non seulement le Code de déontologie des pharmaciens oblige-t-il ces derniers à taire le nom des médicaments qu’ils vendent à leurs patients, mais ils doivent, de plus, éviter de révéler qu’une personne a fait appel à leurs services.Et cela vaut pour les pharmaciens comme pour les employés d’une pharmacie. Le moyen de se protéger est donc d’établir une politique claire dans la pharmacie et d’obtenir le consentement des patients « par écrit » idéalement, ou verbalement au moins, a précisé l’avocat Philippe Frère.Une obligation qui a provoqué bien des interrogations des participants, nombreux à avoir déjà remis des informations à un tiers ou fait suivre le profil pharmacologique d’un patient à un établissement de santé sans « réel » consentement.Le secret professionnel couvre pourtant tous les renseignements fournis par le patient ainsi que tous ceux découlant de services professionnels rendus. La seule exception étant que le patient consente à leur divulgation ou lorsque la loi le prévoit expressément, comme dans le cadre du code des professions.Un syndic, par exemple, peut demander ce genre d’informations et le pharmacien doit les fournir. « La médication fait partie de la vie privée et intime », a rappelé Philippe Frère, ajoutant que le pharmacien peut encourir des poursuites disciplinaires et même civiles s’il contrevient au secret professionnel.Autre piège : attention à l’autoprescription… Inscrire une fausse ordonnance verbale pour se prescrire un antibiotique en cas de sinusite peut sembler banal, mais cela pourrait valoir au pharmacien de passer 10 ans derrière les barreaux… en cas de poursuite. C’est en effet une fraude, doublée d’une fabrication de faux. Et faire une réclamation frauduleuse à l’assurance est également un crime, rappelle Philippe Frère. Mieux vaut aussi, à moins d’une urgence, laisser un collègue se charger de vos ordonnances ou de celles d’un membre de votre famille.Les pharmaciens ne devraient pas non plus faire leurs propres réclamations afin d’éviter tout problème. On sait que réclamer des sommes non justifiées aux tiers payeurs est considéré comme un crime. « Prendre de l’argent dans les caisses de l’État quand on est privilégié est tout simplement inacceptable », a martelé Lynda Chartrand, qui avait un message très clair à ce sujet. Quand un pharmacien fraude, « les sanctions sont maintenant plus sévères : on parle de radiation, pas seulement d’amendes en argent ». Et c’est donc sa pharmacie qu’un pharmacien propriétaire risque de devoir vendre.Soyez irréprochablesEt si le bon médicament doit être dans le bon contenant, les bons noms de médecins et de médicaments doivent aussi figurer au dossier, de même que celui du bon pharmacien ! La signature numérique du pharmacien engage sa responsabilité professionnelle. « Vous ne prêteriez pas votre passeport, ne prêtez pas votre code d’accès », a recommandé Lynda Chartrand, qui voit trop souvent l’inscription du mauvais pharmacien au dossier.La directrice des enquêtes et syndic de l’OPQ a aussi voulu mettre en garde les participants contre les réseaux sociaux et les blogues dans lesquels trop de personnes se laissent aller… Selon le code de déontologie, la conduite du pharmacien doit être « irréprochable », ce qui ne veut pas dire « pas pire » ou « correcte ». Pas de commentaires désobligeants sur les patients – ou les collègues ! – que ce soit dans les sphères semi-privées (comme Facebook) ou privée (au restaurant, par exemple).Oublier l’intérêt d’un patient en pensant juste au vôtre pourrait aussi vous conduire à un recours disciplinaire. Les mots « rabais », « ristourne » ou « avantage » devraient produire pour le pharmacien le même effet qu’un drapeau rouge.Bien sûr, les pharmaciens peuvent dépanner, à l’occasion, un collègue à qui il manque une ou deux boîtes d’un médicament, mais ils ne doivent pas oublier que pour vendre en gros il faut un permis… qu’ils n’ont pas. On évitera donc de succomber aux chants des sirènes des gens d’affaires. Certains proposent à des pharmaciens de leur acheter des médicaments en gros pour les revendre à l’étranger ou ailleurs au Canada. Or, un pharmacien est autorisé à vendre des médicaments seulement au détail et seulement dans la province.Le Code de déontologie des pharmaciens ou d’autres lois en vigueur au Québec ou au Canada interdisent aux pharmaciens de :1. Partager de l’information confidentielle sans l’autorisation du patient;2 S’approprier des médicaments d’ordonnance;3. Utiliser le code d’accès de collègues;4. Émettre des commentaires peu élogieux sur les médias sociaux;5. Fournir des services pharmaceutiques aux membres de sa famille;6. Réclamer des sommes non justifiées aux tiers payeurs;7. Faire passer la rentabilité avant l’intérêt du patient;8. Remettre des rabais sur les médicaments d’ordonnance;9. Vendre des médicaments autrement qu’au détail;10. Ne pas répondre aux demandes du syndic.Lire la suite du dossier

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