France-Québec: des défis communs pour les pharmaciens

Alain Delgutte, Carine Wolf-Thal et Brigitte Berthelot-Leblanc, de l'Ordre national des pharmaciens. Ils sont accompagnés de Bertrand Bolduc, président de l'OPQ. Photo: Christian Leduc.La pharmacie québécoise n’est pas la seule à être en proie à une transformation complète de son secteur d’activité.«C’est une évolution mondiale. Nous bougeons tous vers les mêmes conclusions», explique Brigitte Berthelot-Leblanc, présidente du Conseil central E (Outre-mer) de l’Ordre national des pharmaciens de France.Brigitte Berthelot-Leblanc faisait partie d’une délégation de près d’une vingtaine de membres de l’Ordre national des pharmaciens qui a effectué une visite de deux jours au Québec à l’invitation de l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ).Les représentants français ont pu en apprendre davantage sur les activités de la loi 41 et le rôle des pharmaciens en groupe de médecine de famille, mais aussi sur les enjeux relatifs à la rémunération des pharmaciens communautaires grâce à une rencontre avec les dirigeants de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires.Des similaritésDepuis l’adoption de la Loi portant sur la réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires en 2009, les pharmaciens français voient leur pratique professionnelle se transformer, tout comme celle de leurs confrères québécois.À titre d’exemple, de plus en plus de pharmaciens communautaires travaillent dans les pôles de santé et les maisons pluridisciplinaires de soins de premiers recours, des structures qui pourraient rappeler à certains égards les GMF.Selon Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l’Ordre national des pharmaciens, la contribution des pharmaciens à l’évolution des soins de santé est en pleine «expansion» depuis l’adoption de cette loi. «Une réelle opportunité s’offre à nous afin d’accroître notre contribution dans la prise en charge des patients.»«Il y a encore de la résistance [à l’interdisciplinarité] que nous pourrions notamment attribuer à certaines postures de syndicats, mais [le partage de tâches] se passe très bien sur le terrain, car les professionnels se connaissent», poursuit-elle.Comme au Québec, la présence de «déserts médicaux» pousse la France à mieux positionner ses professionnels de la santé afin de faire face au défi croissant de l’accessibilité aux soins.Alain Delgutte, président du Conseil central A (Officines titulaires), donne l’exemple de la vaccination contre la grippe, qui fait présentement l’objet de projets pilotes dans deux régions françaises afin d’améliorer le taux de couverture de la population. «La nécessité fait loi», souligne-il.Au Québec comme en France, la transformation des secteurs d'activité dans lesquels évoluent les pharmaciens se ressemble, ajoutent les trois représentants de l'Ordre national des pharmaciens. Le secteur de la pharmacie communautaire fait face à des difficultés économiques, lesquelles sont notamment attribuables à la rémunération trop dépendante des marges de profits des médicaments et pas assez des activités cliniques des pharmaciens.En établissement de santé, une refonte des structures hospitalières et, par conséquent, des départements de pharmacie compliquent la vie des pharmaciens qui y exercent, indique Carine Wolf-Thal. Carine Wolf-Thal et Bertrand Bolduc, respectivement présidente du Conseil national de l'Ordre national des pharmaciens et président de l'OPQ. Photo: Christian Leduc.La loi 41La délégation de pharmaciens français est en bonne partie venue au Québec afin d'en apprendre davantage sur l’intégration des activités de la loi 41 dans la pratique des pharmaciens québécois.Les pharmaciens français peuvent déjà prolonger une ordonnance, même si cet acte est plus limité qu'ici. En revanche, ils ne peuvent pas prescrire de médicaments ni d’examens de laboratoire.«La prescription pour les affections mineures est un exemple d’activité où le fruit n’est pas tout à fait encore assez mûr du point de vue des médecins et des politiques», constate Carine Wolf-Thal.La présidente ajoute que l’Ordre national des pharmaciens continue de travailler avec les parties prenantes afin d’élargir le champ d’activité des pharmaciens.En France, les pharmaciens biologistes ont un important rôle dans l’interprétation et la communication des résultats des analyses de laboratoire. Cela n’empêche pas, selon Carine Wolf-Thal, qu’un droit de prescrire des analyses de laboratoire soit un jour octroyé aux pharmaciens.L’ajustement de la pharmacothérapie afin d’atteindre certaines cibles thérapeutiques est une autre activité octroyée aux pharmaciens québécois qui fait l’envie des pharmaciens français.«Nous venons de vivre un exemple où cette activité aurait vraiment permis aux pharmaciens de répondre à un besoin de santé publique», explique Carine Wolf-Thal en citant la crise du Levothyrox.La formulation du Levothyrox a dû être modifiée à la demande des autorités françaises. Or, cette modification a entraîné des effets indésirables chez certains patients et une crise de confiance à cause d’une mauvaise communication entre les différents intervenants publics.Selon Carine Wolf-Thal, Alain Delgutte et Brigitte Berthelot-Leblanc, les pharmaciens français auraient pu contribuer à éviter les effets indésirables chez certains patients s’ils avaient pu ajuster leur médication.Des dossiers communsL’Ordre des pharmaciens du Québec et l’Ordre national des pharmaciens ont plusieurs dossiers conjoints sur lesquels ils travaillent également en partenariat avec d’autres ordres de pharmaciens d’ailleurs dans le monde.Les ruptures d’approvisionnement sont un exemple de crainte partagée par les ordres professionnels, mentionne Bertrand Bolduc, le président de l’OPQ, car les causes de ces ruptures dépassent la plupart du temps les frontières nationales.La contrefaçon de médicaments et l’antibiorésistance sont deux autres dossiers sur lesquels les ordres professionnels échangent leurs perspectives respectives.«L’évolution du rôle des pharmaciens est un autre dossier sur lequel nos efforts doivent être concertés, car les défis auxquels nous sommes confrontés sont souvent les mêmes», indique Carine Wolf-Thal.

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