Formation des futurs techniciens en pharmacie: des questions persistent

Dans une lettre personnalisée aux nouveaux étudiants de la Techniques en pharmacie, rendue publique par l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ) le 25 août 2021, son président Monsieur Bertrand Bolduc, félicitait ceux-ci d’être les représentants de la première cohorte et d’ouvrir en quelque sorte la voie à l’établissement d’un nouveau titre professionnel très attendu au Québec. On pouvait y lire également ceci: «Vous jouerez un rôle de premier plan dans la contribution collective qui est celle d’offrir des soins de qualité aux Québécois.» Or, actuellement, il n'y a probablement que ceux tenus au secret des dieux qui savent réellement le «rôle de premier plan» que les futurs techniciens en pharmacie joueront. À lire aussi: Les pharmaciens préparent l'intégration des nouveaux techniciens On apprend que l’OPQ et l’Office des professions ont entamé la révision de l’archaïque règlement 1 de la Loi sur la pharmacie. Une bonne nouvelle, mais 2022 arrive à grands pas et les enseignants du cheminement régulier sont maintenus dans un flou gênant. Quelle sera la nature de la révision de ce règlement? Concernera-t-il uniquement les techniciens ou incorporera-t-il aussi les assistants techniques en pharmacie? Quels seront les actes potentiellement «délégables»? Bref, les enseignements n’ont actuellement aucune réponse à offrir à ceux qui ouvrent la voie. L’OPQ tire la couverte On comprend que l’OPQ n’a jamais eu l’intention de proposer à l’Office des professions la création d’un ordre professionnel ni même d’incorporer ce nouveau titre à l’OPQ. L’organisation ayant décidé d’emprunter la posture paternaliste permettant ainsi aux pharmaciens de déléguer des actes techniques par règlementation. Je le répète: on ne connaît pas encore la nature de ces actes. Les pharmaciens seront appelés à jouer un rôle clinique de plus en plus important. On constate qu’ils sont incapables de maximiser le plein potentiel qu’offrent 41 et 31. Dès lors, on vient ajouter un titre professionnel qui n’a aucune responsabilité professionnelle. Honnêtement, ça fait dur! Les enseignants du cheminement régulier sont catégoriques: vous devrez faire vos preuves, car les pharmaciens resteront responsables de votre travail. Doublement gênant! Après 3 ans de formation, un pharmacien pourra décider si je suis apte à faire de la vérification contenant-contenu, pourra décider si je peux participer à la prise en charge de la thérapie, pourra refuser que je vaccine des patients sans qu’il soit au-dessus de mon épaule à vérifier ma technique d’injection. Triplement gênant! D’ici les trois prochaines années, les pharmaciens du Québec devraient être un peu plus exigeants à l’égard de leur ordre professionnel. Pourtant, sur le terrain, la question de la responsabilité professionnelle est cruciale et constante. Les étudiants de Techniques en pharmacie ont l’impression de s’engager dans une partie de bras de fer politique avec l’OPQ. La protection du public est, certes, l’affaire de tous. Cependant, si le technicien en pharmacie n’est pas redevable et responsable des actes techniques qu’il pose, alors les changements tant attendus tarderont à s’installer. Et pourtant, on aurait pu, en amont, faire preuve d’une ambition à la hauteur des attentes. On apprend également entre les branches que l’Association québécoises des assistants techniques en pharmacie (AQATP) aurait demandé à ses membres s’ils souhaitent voir incorporer les étudiants et futurs techniciens en pharmacie à l’Association. Aussitôt soumise, cette proposition fut acceptée. L’OPQ s’en lave-t-elle les mains? N'aura-t-elle que des attentes minimales à l’égard des futurs techniciens? L’OPQ pourra mettre en place autant de standards de pratique qu’elle le souhaite, si je suis membre volontaire de l’AQATP, je ne suis soumis à aucune obligation législative dans le cadre de ma pratique. Si un pharmacien refuse de me déléguer des actes, alors je «compterai des pilules»? Si notre future profession repose sur la bonne volonté d’un pharmacien, on risque de niveler vers le bas assez rapidement. J’interpelle l’ensemble des étudiants de Techniques en pharmacie: regroupez-vous et faites entendre votre voix, car d’autres sont en train de le faire à votre place. La RAC titille le régulier Par ailleurs, les conversations sont animées quant au cheminement par la reconnaissance des acquis (RAC). Personnellement, ayant plusieurs années d’expérience à titre d’ATP, j’ai décidé d’emprunter la voie du cheminement régulier. Les services de la reconnaissance des acquis sont envahis par des ATP qui y voient une occasion d’améliorer leurs conditions. C’est honorable. Or, ce prétendu rehaussement de la formation vient agacer celles et ceux qui cheminent dans la formation régulière. À lire aussi: Le milieu de la pharmacie applaudit la nouvelle technique Plusieurs y voient une façon de diluer le prestige d’un parcours régulier ou encore une façon de saturer en techniciens les milieux qui n’ont même pas encore défini les paramètres du nouveau titre. Comment leur expérience est-elle évaluée? Les acquis sont-ils garants de l’atteinte des objectifs? Mais la question qui brûle les lèvres est celle reliée à la durée du cheminement en RAC. En effet, est-ce que des ATP en RAC obtiendront leur diplôme avant ceux au cheminement régulier? Si la réponse est oui, alors il y a iniquité. Les étudiants du régulier font déjà entendre leurs voix auprès de différentes instances. Les étudiants du régulier ne connaissent pas encore clairement les bases de leur profession que des ATP, diplômés techniciens, auront eu accès à des cheminements accélérés garantis par leur expérience. Il y a une incongruité. Personnellement, je ne suis pas contre la RAC. Cependant, les CÉGEP auraient dû attendre au moins une année ou deux avant de l’implanter question d’offrir au cheminement régulier l’exclusivité de la diplômation et d’être certains d’offrir des cours complets et adaptés à leur clientèle. Cela étant dit, je sais que les évaluations en RAC sont très exhaustives et exigeantes. Je veux ici faire référence seulement au symbole. Technicien en pharmacie, un titre à bâtir Je suis optimiste que le règlement 1 permettra d’éclaircir les nombreuses zones d’ombres liées au futur titre de technicien en pharmacie. Je comprends bien que nous devrons travailler très fort en vue que notre rôle soit pleinement reconnu, à défaut de l’être officiellement par les pharmaciens et l’Office des professions. Je m’attends néanmoins à ce que les pharmaciens du Québec soient pleinement prêts à s’engager vers une modernisation du circuit du médicament. L’arrivée des techniciens en pharmacie permettra peut-être de moderniser les façons de faire en pharmacie: • Accroître l’accessibilité de la population aux activités cliniques du pharmacien; • Décentraliser les interventions cliniques, administratives et techniques; • Optimiser le circuit du médicament. Pour ce faire, les attentes des futurs techniciens sont les suivantes : • Être habilité à effectuer des transferts d’ordonnances entre professionnels de la santé; • Être habilité à recevoir des ordonnances verbales directement d’un prescripteur lorsque le jugement clinique du pharmacien n’est pas sollicité; • Être habilité à effectuer la vérification contenant-contenu en toute circonstance lorsqu’aucun jugement clinique n’est exigé; • Être habilité à effectuer la vérification contenant-contenu dans certaines circonstances nécessitant une analyse de l’impact de la thérapie; • Être habilité à détruire des médicaments soumis à une règlementation fédérale en collaboration avec un pharmacien; • Être habilité à initier un plan de la thérapie médicamenteuse en collaboration avec un pharmacien; • Être habilité à offrir un conseil à l’égard de la prise d’un médicament d’annexe II et III selon certaines dispositions règlementaires; • Être habilité à prolonger une ordonnance afin que le traitement prescrit à un patient ne soit pas interrompu en collaboration avec un pharmacien; • Être habilité à prescrire et à interpréter des résultats de laboratoire en collaboration avec un pharmacien; • Être habilité à ajuster ou cesser la thérapie médicamenteuse en collaboration avec un pharmacien et selon certaines dispositions règlementaires; • Être habilité à administrer un médicament par voie orale, topique, sous‐cutanée, intranasale, intradermique ou intramusculaire, ou par inhalation, dans les cas suivants: - afin d’en démontrer l’usage approprié; - aux fins de la vaccination;

Formation des futurs techniciens en pharmacie: des questions persistent

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes