Entrevue avec Marguerite Blais: «Cessons de voir les personnes âgées comme des malades»

La ministre responsable des Aînés, Marguerite Blais, dévoilera au cours des prochains jours une politique gouvernementale afin de favoriser le maintien à domicile des personnes âgées.Cette politique gouvernementale s’inscrit dans la suite logique d’un discours prononcé par le premier ministre Jean Charest en février 2011 au cours duquel il a fait des soins à domicile pour les personnes âgées l’une de ses priorités.Dans le dernier budget provincial, le ministre des Finances, Raymond Bachand, a d’ailleurs promis de dégager davantage de fonds afin de permettre de prendre le virage des soins à domicile pour le réseau de la santé.Marguerite Blais a accepté de répondre à quelques questions de Profession Santé sur la politique gouvernementale et aussi d’autres sujets touchant les soins aux personnes âgées.La ministre a été rencontrée à la suite d’un discours qu’elle a prononcé lors du colloque de l’Association québécoise des infirmières et des infirmiers en gérontologie (AQIIG), le 27 avril dernier.Quelle sera l’ampleur de votre politique gouvernementale ?Dix-huit ministères vont collaborer à favoriser le maintien à domicile des aînés. Cela va évidemment du ministère de la Santé et des Services sociaux jusqu’au ministère du Travail, duquel relève à titre d’exemple la Régie du bâtiment.Bien que la majorité du budget de 2,7 milliards de dollars dont nous disposons sera consacrée à la santé, d’autres sommes seront investies dans plusieurs autres projets.Pouvez-vous donner un exemple de ces projets ?Je ne veux pas révéler de détails avant le dévoilement de la politique gouvernementale, mais la politique comprendra notamment des crédits fiscaux pour les proches aidants ou pour l’achat de matériel qui permet de maintenir les aînés à domicile.La philosophie derrière la politique gouvernementale, c’est qu’il faut cesser de voir les personnes qui vieillissent comme des personnes malades. D’ailleurs, comme on a pu le voir durant le colloque de l’AQIIG, ce sont les dernières années avant le décès qui coûtent cher à la société et non pas le vieillissement.Les CHSLD ont fait régulièrement les manchettes au cours des derniers mois. Qu’avez-vous à dire aux professionnels qui travaillent dans ces établissements ?Les médias sont des amplificateurs. Or, bien qu’il y ait eu des situations troublantes, il n’est pas vrai de prétendre que le personnel des 468 établissements maltraite 39 000 patients. C’est très négatif d’envoyer un tel message à la population, mais aussi aux professionels qui se dévouent à soigner les aînés.Il faut aussi faire attention aux jugements que l’on peut porter à l’extérieur des CHSLD. On oublie à quel point il est extrêmement difficile de soigner ces patients, qui sont souvent en lourde perte d’autonomie.Par exemple, on entend souvent que l’on ne donne qu’un seul bain par semaine à nos personnes âgées. Or, bien des patients n’en veulent pas, de bain ! Je connais une dame qui était très fière de sa personne, mais qui ne veut rien savoir de prendre un bain depuis qu’elle se trouve dans un stade sévère de la maladie d’Alzheimer. Il faut donc penser à des méthodes alternatives pour les laver.Un autre sujet qui a suscité une bonne part de commentaires récemment est l’utilisation dans certains CHSLD de phoques robotiques pour divertir les personnes âgées…Je ne veux pas me prononcer au sujet des phoques, mais beaucoup de personnes se sont moquées des clowns thérapeutiques, alors que les bénéfices de cette approche sont nombreux. Ce n’est pas pour rien que le Collège des médecins ou l’Ordre des infirmières nous appuyaient.Ce que je déplore, c’est que l’on ridiculise des gens et des organisations qui travaillent à donner des activités de loisirs à nos personnes âgées. On ne pourra jamais reprocher d’humaniser les soins par différents moyens à notre disposition.Votre gouvernement partage-t-il le constat que la qualité de la nourriture dans les CHSLD est inégale ?Tout à fait. C’est pour cette raison que nous avons dégagé une enveloppe annuelle de trois millions de dollars à ce chapitre.Avec ce montant, nous voulons offrir une meilleure formation au personnel des cuisines afin qu’ils prennent davantage en considération l’état de certains patients, notamment lorsqu’ils ont des problèmes de dysphagie ou de déglutition.Grâce au soutien de diététistes, nous voulons également améliorer l’offre des menus offerts dans les CHSLD afin qu’ils soient plus variés, que la présentation des aliments soit plus attrayante et que l’apport énergétique soit plus grand. D’ailleurs, chaque établissement devra nous présenter sa politique alimentaire d’ici mars 2013.J’ajouterais cependant qu’il faut faire attention à ne pas juger les préférences alimentaires des personnes âgées en fonction des nôtres. J’aime bien le couscous et j'espère qu'on m'en servira lorsque je serai plus vieille, mais la cuisine du monde n’est pas nécessairement dans leurs cordes. S’ils veulent des plats en sauce, il faut aussi respecter leurs choix.

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