Entente FMOQ-MSSS: les infirmières approuvent l’approche interdisciplinaire

«Il est temps de faire les choses différemment au Québec, notamment en partageant la responsabilité collective de l’accès aux soins avec d’autres professionnels de la santé.» La déclaration du président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), le Dr Marc-André Amyot, lors du dévoilement de l’entente conclue avec Québec pour l’accès à la première ligne, a sonné comme de la douce musique aux oreilles des infirmières et de leurs organisations représentatives. «On le dit depuis longtemps et on l’a encore répété à la commission parlementaire sur le projet de loi 11: l’accès aux services de première ligne ne doit pas reposer uniquement sur les épaules des médecins de famille. C’est une responsabilité à assumer en équipe, au sein des GMF [NDLR, groupes de médecine familiale]», commente le président de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), Luc Mathieu, qui voit l’entente entre la FMOQ et le MSSS comme un pas dans la bonne direction. «À l’OIIQ, on est tout à fait là-dedans.» Lorsqu’un patient se présente au GMF, explique-t-il, «il peut très bien être évalué par une infirmière clinicienne, qui est formée pour ça. Selon sa condition, elle pourra le prendre en charge, sinon, elle le référera à un omnipraticien, une infirmière praticienne spécialisée (IPS) ou un pharmacien». Lire aussi: Entente avec Québec: la FMOQ y voit une volonté de collaboration L’entente, dont le contenu n’a pas encore été divulgué, prévoit une inscription de groupe au sein d’un GMF, et non plus auprès des seuls médecins de famille, ainsi qu’un suivi interdisciplinaire sur le principe du «bon professionnel pour le bon patient au bon moment». Cette logique-là, «qui consiste à partir de la raison de la consultation, c’est la philosophie même des quelques cliniques aujourd’hui opérées par des IPS», observe la présidente de l’Association des infirmières praticiennes spécialisées du Québec (AIPSQ), Christine Laliberté. L’infirmière cite en exemple le projet Archimède, dont elle est l’instigatrice au sein du GMF Saint-Vallier, à Québec. Il s’appuie sur un filtrage préliminaire des besoins des patients ainsi que sur une collaboration étroite entre IPS, médecins et autres professionnels de la santé. «Notre modèle démontre qu’en utilisant pleinement les compétences de chacun, on peut améliorer l’accès à la première ligne», affirme Mme Laliberté en signalant que les quatre IPS à temps complet et les six omnipraticiens à temps partiel du GMF Saint-Vallier suivent un peu plus de 7000 patients avec un taux d’assiduité de plus de 90%. Lire aussi: Projet Archimède à Québec: quand les IPS prennent leur place Des «IPS de famille» Convaincu qu’il faut généraliser ces modèles éprouvés de collaboration entre infirmières cliniciennes, IPS et omnipraticiens, Luc Mathieu n’hésite pas à pousser le concept plus loin en parlant d’«IPS de famille». «L’enjeu actuellement, c’est que les IPS ne sont pas reconnues par la Loi sur l’assurance sur la maladie. Elles ne peuvent donc pas inscrire de patients. Il faudrait lever ça», estime le président de l’OIIQ en évoquant quelques embûches à surmonter pour que l’interdisciplinarité fonctionne, comme celle de l’accès au dossier santé Québec (DSQ) qui n’est pas toujours simple pour les infirmières. De son côté, Christine Laliberté se languit de consulter le contenu de l’entente pour savoir «quelle forme d’interdisciplinarité est mise de l’avant et quelle autonomie va être accordée aux infirmières». Elle est persuadée que ses consœurs IPS ont un rôle indéniable à jouer au sein des GMF, mais elle ne souhaite pas que leur présence y devienne obligatoire. «On veut aller là où on est les bienvenues. Quand on n’est pas désirées, ce n’est pas toujours le fun et la collégialité n’est pas forcément au rendez-vous.» Retenir plutôt que recruter Par-delà ces considérations pratiques se pose la question des effectifs infirmiers en première ligne, dans un contexte où le MSSS cherche présentement à recruter 3888 infirmières cliniciennes et 1588 infirmières auxiliaires pour combler les besoins. En effet, l’entente conclue avec la FMOQ prévoit, selon son président, que le ministère «doit augmenter les ressources disponibles dans les GMF en permettant l’embauche d’infirmières», notamment. Pour Luc Mathieu, c’est un faux problème. «On n’a jamais eu autant d’infirmières en activité au Québec et on en a plus par 100 000 habitants qu’ailleurs au Canada», souligne le président de l’OIIQ. Selon lui, «la pénurie actuelle serait atténuée de beaucoup si on faisait un bon usage des infirmières en leur offrant des conditions d’exercice où elles peuvent exploiter toutes leurs compétences». Au lieu d’en recruter davantage dans les prochaines années, il estime que le MSSS devrait plutôt chercher à les retenir au sein du réseau de la santé, en leur offrant des conditions de travail satisfaisantes et en éliminant définitivement le temps supplémentaire obligatoire. «On est le seul groupe professionnel à se faire traiter de la sorte. C’est sûr que ça n’aide pas.»

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