Droit de propriété : le Québec fait bande à part

Au Canada, le droit de propriété exclusif aux pharmaciens ne s’applique qu’au Québec. Ainsi, dans les législations des autres provinces canadiennes, un pharmacien peut être propriétaire mais il ne détient pas forcément 100 % des parts de sa pharmacie. En Ontario par exemple, des entrepreneurs autres que des pharmaciens peuvent être propriétaires du fonds de commerce d’une pharmacie, mais la loi requiert que la majorité des actions soit détenue par des pharmaciens.Au Québec, l’article 27 de la Loi sur la pharmacie (L.R.Q., P-10) prévoit que « seuls peuvent être propriétaires d'une pharmacie, ainsi qu'acheter et vendre des médicaments comme propriétaires d'une pharmacie, un pharmacien, une société de pharmaciens ou une société par actions dont toutes les actions du capital-actions sont détenues par un ou plusieurs pharmaciens et dont tous les administrateurs sont pharmaciens. »1 Nous pouvons nous demander : est-ce que cette particularité législative propre au Québec est souhaitable? Nous croyons qu’elle l’est.Depuis les années 1970, les pharmacies « traditionnelles », dites de quartier, tendent à disparaître au profit des grandes surfaces. L’environnement physique des grandes surfaces mise sur l’importance des activités commerciales adjacentes. La présence d’un mur qui sépare le commerce adjacent de la pharmacie, lieu d’exercice du pharmacien, permet de tracer une ligne symbolique entre ces deux entités. Or, cette ligne peut sembler bien mince parfois et le problème de l’ingérence de la partie « commerce » se pose.Dans le cas des pharmacies de grande surface, les chaînes, les bannières ou les franchiseurs ont pu tenter de passer des ententes avec les pharmaciens propriétaires pour consolider une image de marque, correspondant à un créneau précis. Il y a là un risque que le pharmacien propriétaire fasse profiter un tiers non-pharmacien de sa pratique.Pour garantir l’indépendance et la liberté professionnelle, les pharmaciens propriétaires ont voulu conserver le droit de propriété exclusif. En effet, en 1997, l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ) a publié les Lignes directrices de l’Ordre des pharmaciens sur la propriété des pharmacies (LDPP). On y présente l’état des lieux en matière de droit de propriété en pharmacie. Le droit de propriété prend donc toute son importance dans le contexte où l’intégrité des services pharmaceutiques est menacée.Au Québec, le droit de propriété assure une plus grande marge de manœuvre au pharmacien propriétaire. Ce dernier jouit d’une pleine liberté dans les décisions professionnelles et administratives à l’égard de sa pharmacie, sans pression extérieure. Ainsi, le Code civil du Québec définit le concept de droit de propriété selon les critères de l’usus, du fructus et de l’abusus, c’est-à-dire « le droit de d’user, de jouir et de disposer librement et complètement d’un bien »2. Le pharmacien a donc l’entière responsabilité professionnelle dans l’ouverture ou l’acquisition d’une pharmacie, dans les opérations qui s’y mènent, ainsi que dans la manière dont il dispose de sa pharmacie.Sur ces points, le pharmacien propriétaire doit suivre les normes de l’OPQ et sa conduite doit respecter le Code de déontologie des pharmaciens. Par exemple, un pharmacien qui verserait un pourcentage de ses ventes de médicaments à un tiers parti courrait le risque de se retrouver devant son comité de discipline. Bref, le pharmacien propriétaire n’a de compte à rendre qu’à lui-même et à son ordre professionnel.Selon les LDPP, le but du droit de propriété est « de s’assurer que les propriétaires d’une pharmacie soient personnellement redevables à un organisme nanti d’un mandat de protection du public, en l’occurrence, l’Ordre des pharmaciens du Québec, de leurs décisions […] et qu’ils ne subissent aucune influence indue relativement à la conduite des affaires de leur pharmacie, de la part de tiers non-pharmaciens »3.À l’extérieur du Québec, dans les autres provinces canadiennes, un non-pharmacien propriétaire d’un établissement qui dispense des soins pharmaceutiques n’est pas redevable à un organisme de protection du public. Il n’a pas de code de déontologie à respecter : ses visées peuvent être essentiellement pécuniaires. Au Québec, puisque la responsabilité professionnelle des pharmaciens est en jeu, leur accès exclusif à la propriété permet un meilleur contrôle de la qualité des services rendus au public.Le commerce de la pharmacie n’en est pas un comme les autres puisqu’il met en jeu la santé des patients. On doit donc le laisser entre les mains d’un professionnel de la santé dont la conduite relève d’un organisme de protection du public. Sur ce point, il apparaît que les législations des autres provinces canadiennes devraient prendre exemple sur celle du Québec.Références1 Gouvernement du Québec, Loi sur la pharmacie, www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=2&file=/P_10/P10.htm, cité le 13 novembre 2009.2 Gouvernement du Québec, Code civil du Québec, www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=2&file=/CCQ/CCQ.html , cité le 13 novembre 2009, article 947.3 Ordre des pharmaciens du Québec, Lignes directrices de l’Ordre des pharmaciens sur la propriété des pharmacies, www.opq.org/fr/publications/guides_normes/id_propri_t__pharmacies.pdf , cité le 13 novembre 2009.

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