Douleurs musculo-squelettiques: près de 10% des patients âgés à haut risque se font prescrire des AINS

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont efficaces pour le traitement des douleurs musculo-squelettiques. Cependant, les experts déconseillent généralement leur utilisation chez les patients ayant des antécédents de maladie cardiovasculaire ou rénale, en raison d'un risque accru de complications, notamment de l'hypertension, un œdème, un infarctus du myocarde et une altération de la fonction rénale.Les antalgiques (acide acétylsalicylique, AINS topiques, acétaminophène, capsaïcine) et les traitements non pharmacologiques (par exemple, l'exercice physique et la physiothérapie) sont recommandés comme alternatives privilégiées aux AINS oraux chez les patients à haut risque présentant des douleurs musculo-squelettiques. Cependant, il arrive que certains médecins prescrivent des opioïdes à la place, une option plus problématique que les AINS oraux considérant les effets indésirables potentiels et le risque de dépendance.La fréquence de prescription des AINS pour les troubles musculo-squelettiques chez les patients à haut risque n'est pas claire et on ignore si cette utilisation est liée à des complications à court terme. Pour répondre à ces questions, une étude ontarienne a évalué dans quelle mesure les AINS sont prescrits pour des problèmes musculo-squelettiques (par exemple, fractures/luxations, foulures/entorses, arthrite) chez les patients (≥ 65 ans) en première ligne souffrant d'hypertension, d'insuffisance cardiaque, ou d'insuffisance rénale chronique (IRC).En utilisant les demandes de remboursement présentées au Programme d'assurance médicaments de l'Ontario entre 2012 et 2016, l'étude a identifié près de 2,5 millions de consultations en première ligne pour des troubles musculo-squelettiques par environ 815 000 personnes âgées (75,3 ans en moyenne) souffrant également d'hypertension, d'insuffisance cardiaque ou d'IRC.Les résultats ont montré que des AINS ont été prescrits à l'issue de 9,3% de ces consultations. Les AINS classiques (plutôt que les inhibiteurs sélectifs de la cyclooxygénase-2) représentaient 79,6% des demandes de règlement.Le taux de prescription médian a été de 11 % (écart interquartile de 6,7% à 16,7%) entre les 7365 médecins de première ligne concernés.L'étude a également évalué les complications à court terme (dans les 30 jours) consécutives à l'utilisation d'AINS, notamment l'exacerbation d'une maladie cardiaque ou rénale préexistante. Ces complications ont été définies comme une hospitalisation ou des visites à l'urgence pour une maladie cardiovasculaire (par exemple, hypertension, insuffisance cardiaque, néphropathie hypertensive, infarctus du myocarde ou accident vasculaire cérébral), une complication rénale (par exemple, une hyperkaliémie, une lésion rénale aiguë ou une dialyse aiguë) ou le décès.L'évaluation de l'innocuité a porté sur un échantillon de 35 552 patients appariées, chaque paire étant composée d'un patient exposé à un AINS et d'un patient non exposé. Les résultats ont montré que les patients avec et sans ordonnance d'AINS avaient des taux similaires de complications cardiaques (0,8% dans les deux groupes), de complications rénales (0,1% dans les deux groupes) et de décès (0,1% dans les deux groupes).Les auteurs concluent que, malgré les recommandations contre leur utilisation, près de 10% des patients âgés présentant un risque élevé de complications cardiovasculaires ou rénales se sont vu prescrire des AINS pour des troubles musculo-squelettiques. Cependant, la prescription d'AINS à court terme chez ces patients âgés à haut risque n'était pas associée à un risque significativement plus élevé (ni plus bas) de problèmes liés à la sécurité cardiovasculaire ou rénale.Ces résultats suggèrent que le recours aux AINS pour une courte période (jusqu'à 30 jours) chez les patients âgés à haut risque souffrant de douleurs musculo-squelettiques pourrait ne pas être aussi dangereuse qu'on le pensait initialement. Par conséquent, prescrire des AINS pour traiter la douleur musculo-squelettique à court terme pourrait constituer une option clinique importante pour ces patients et potentiellement réduire l'utilisation d'opioïdes à cette fin.En outre, les résultats suggèrent que les recommandations de plusieurs groupes (par exemple, Choisir avec soin, American Society of Nephrology) visant à éviter l’utilisation à court terme d’AINS chez les populations à haut risque doivent être réexaminées.Références:Bouck Z, Mecredy GC, Ivers NM, et al. Frequency and associations of prescription nonsteroidal anti-inflammatory drug use among patients with a musculoskeletal disorder and hypertension, heart failure, or chronic kidney disease. JAMA Intern Med. doi:10.1001/jamainternmed.2018.4273. Publié en ligne le 8 octobre 2018.Zipursky J, Juurlink DN. Studying drug safety in the real world (invited commentary). JAMA Internal Medicine 2018. Publié en ligne le 8 octobre 2018.

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